Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, Mme C... épouse A... et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les deux arrêtés du 18 novembre 2022 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par deux jugements nos 2301736 et 2301705 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2023 sous le n° 23MA02634, Mme A..., représentée par Me Kuhn-Massot, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement et l'arrêté préfectoral qui la concernent ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Kuhn-Massot au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que l'arrêté préfectoral porte une attente excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant.
II. Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2023 sous le n° 23MA02635, M. A..., représenté par Me Kuhn-Massot, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement et l'arrêté préfectoral qui le concernent ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Kuhn-Massot au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il présente les mêmes moyens que son épouse.
Par deux décisions en date du 29 septembre 2023, Mme et M. A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,
- et les observations de Me Kuhn-Massot, pour M. et Mme A..., présents à l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Mme et M. A..., ressortissants turcs nés respectivement le 12 octobre 1978 et le 15 août 1986, déclarent être entrés en France en 2012 et 2010 respectivement. Le 29 mars 2022, ils ont demandé à être admis au séjour sur le fondement de la vie privée et familiale. Par deux arrêtés du 18 novembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté ces demandes et leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par les jugements attaqués, dont les requérants relèvent appel par deux requêtes qui présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune, et qu'il y a donc lieu de joindre, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. Les deux enfants aînés de M. et Mme A..., nés en 2007 et 2009, sont arrivés en France avec leur mère en 2012. Ils ont suivi toute leur scolarité en France avec assiduité. Le dernier enfant du couple est né en 2015 à Marseille et est actuellement scolarisé à l'école élémentaire. Compte tenu de ces circonstances, le préfet des Bouches-du-Rhône a, en rejetant la demande de titre de séjour présentée par leurs parents, porté une atteinte excessive à l'intérêt supérieur de ces enfants.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leurs requêtes, Mme et M. A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 18 novembre 2022 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur l'injonction :
5. Le présent arrêt implique nécessairement, en l'absence de changement allégué dans les circonstances de droit ou de fait, que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à Mme et M. A... une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai qu'il convient de fixer à deux mois, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 1 500 euros à verser à Me Kuhn-Massot en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée.
D É C I D E :
Article 1er : Les jugements nos 2301736 et 2301705 du 16 mai 2023 du tribunal administratif de Marseille sont annulés.
Article 2 : Les arrêtés du 18 novembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme et M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois.
Article 4 : L'Etat (préfecture des Bouches-du-Rhône) versera la somme de 1 500 euros à Me Kuhn-Massot, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat dans l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... épouse A..., à M. B... A..., à Me Kuhn-Massot et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 12 février 2024, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 février 2024.
Nos 23MA02634 - 23MA02635 2