Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 14 octobre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté le recours préalable formé devant la commission des recours des militaires à l'encontre de la décision du 17 mai 2019 portant non agrément de sa demande de démission.
Par un jugement n° 1909982 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2022, et des mémoires, enregistrés les 21 juin et 20 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Goujon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 juillet 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 14 octobre 2019 de la ministre des armées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il est entaché d'une omission à statuer ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que, au jour de sa demande, il n'était plus en lien avec le service ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 37 du décret n° 2008-943 du 12 septembre 2008 ;
- la ministre des armées ne fait état d'aucun intérêt de le maintenir en service ;
- la ministre des armées a commis une erreur manifeste d'appréciation et a violé les stipulations des articles 4 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 juin et 7 juillet 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la défense ;
- le code des pensions civiles et militaires ;
- le décret n° 2008-943 du 12 septembre 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chenal-Peter,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Goujon, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., capitaine du corps des officiers de l'air et affecté au centre de formation aéronautique militaire de Salon-de-Provence en tant qu'instructeur pilote escadrille, a sollicité par courrier du 4 février 2019 l'agrément de sa démission du corps des officiers de l'air, que la ministre des armées a refusé par une décision du 17 mai 2019. Le recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires qu'il a présenté le 21 juin 2019 a fait l'objet d'une décision de rejet par la ministre des armées le 14 octobre 2019. M. B... relève appel du jugement du 7 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre cette dernière décision.
Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par la ministre des armées en première instance :
2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif ; que si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.
3. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée a bien produit des effets à compter du 1er août 2019, date à laquelle M. B... n'était plus engagé envers le service, jusqu'au 28 novembre 2019, date à laquelle sa démission a finalement été acceptée par la ministre des armées, soit pendant plusieurs mois au cours desquels l'intéressé devait assurer son service sous peine d'une sanction disciplinaire. Par ailleurs, ladite décision de la ministre des armées en date du 28 novembre 2019 n'a pas eu pour effet d'annuler les conséquences, notamment financières, tirées du premier refus d'agrément opposé au requérant. Par suite, l'exception de non-lieu opposée par le ministre des armées ne peut qu'être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4139-12 du code de la défense : " L'état militaire cesse, pour le militaire de carrière, lorsque l'intéressé est radié des cadres, pour le militaire servant en vertu d'un contrat, lorsque l'intéressé est rayé des contrôles ". Aux termes de l'article L. 4139-13 de ce même code : " La démission du militaire de carrière ou la résiliation du contrat du militaire servant en vertu d'un contrat, régulièrement acceptée par l'autorité compétente, entraîne la cessation de l'état militaire. La démission ou résiliation du contrat, que le militaire puisse bénéficier ou non d'une pension de retraite dans les conditions fixées au II de l'article L. 24 et à l'article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ne peut être acceptée que pour des motifs exceptionnels, lorsque, ayant reçu une formation spécialisée ou perçu une prime liée au recrutement ou à la fidélisation, le militaire n'a pas atteint le terme du délai pendant lequel il s'est engagé à rester en activité ". Aux termes de l'article 37 du décret du 12 septembre 2008 portant statut particulier des corps des officiers de l'air, des mécaniciens de l'air et des officiers des bases de l'air : " Sans préjudice des dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 4139-13 du code de la défense, les officiers ne pouvant pas bénéficier d'une pension de retraite dans les conditions fixées par les dispositions du II de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent déposer une demande de démission. Dans ce cas, le ministre de la défense est tenu d'y faire droit dès lors que le nombre total des demandes de démission ne représente pas un nombre au moins égal à 5 % arrondi à l'unité supérieure, du nombre des nominations effectuées chaque année au premier grade du corps ".
5. Il résulte de ces dispositions que, d'une part, le ministre des armées n'est tenu de faire droit à une demande de démission d'un militaire du corps des officiers de l'air que lorsque le nombre total des demandes de démission ne représente pas un nombre au moins égal à 5 % arrondi à l'unité supérieure du nombre des nominations effectuées chaque année au premier grade du corps. D'autre part, la démission d'un militaire de carrière, dès lors que l'intéressé n'est pas placé dans une situation lui permettant de bénéficier de plein droit de cette démission, est soumise à l'agrément du ministre des armées, en tenant compte de l'intérêt du service.
6. Il résulte de ces dispositions que l'état militaire et le lien au service cessent dès lors qu'est intervenue l'arrêté portant radiation des cadres. Or, M. B..., ne pouvant bénéficier d'une pension de retraite au sens du II de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, s'est engagé le 1er août 2011 à servir pour une durée de huit ans, soit jusqu'au 1er août 2019 et est ainsi resté lié au service en l'absence d'intervention d'un arrêté portant radiation des cadres. Il s'ensuit que sa demande de démission était de droit si elle ne représentait pas un nombre au moins égal à 5 %, arrondi à l'unité supérieure, du nombre des nominations effectuées chaque année au premier grade du corps.
7. Le ministre des armées fait valoir que 48 nominations ont été prononcées au grade de sous-lieutenant dans le corps des officiers de l'air au titre de l'année 2019, ce qui porte à 3 le nombre d'officiers autorisés à démissionner, et que ce seuil avait déjà été atteint à la date du dépôt de la demande de démission de M. B..., soit le 4 février 2019. Toutefois, si le ministre se prévaut de l'existence de la radiation de trois officiers de l'air pour l'année 2019, deux des trois arrêtés de radiation des cadres qu'il produit en appel ont été pris respectivement les 28 septembre 2018 et 10 décembre 2018, soit antérieurement à l'année 2019, et ne constituent dès lors pas des demandes de démission au titre de l'année 2019, au sens des dispositions précitées de l'article 37 du décret du 12 septembre 2008. Par ailleurs, et en tout état de cause, ces trois officiers qui ont été rayés des cadres au cours de l'année 2019 ont été admis à faire valoir leurs droits à pension de retraite et ces décisions ne pouvaient pas être prises en compte dans le quota de 5 % prévu par ces dispositions. Au surplus, il ressort des extraits du journal officiel de la République française produits par le requérant que, par deux décrets du 4 mars 2019 et du 9 avril 2019, un total de 55 nominations a été prononcé au 1er grade du corps en 2019, année durant laquelle M. B... a présenté sa demande de démission. Par suite, la ministre des armées était tenue de faire droit à la demande de démission de M. B..., dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le quota de 5 % susmentionné était dépassé au titre de l'année 2019.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1909982 du tribunal administratif de Marseille du 7 juillet 2022 est annulé.
Article 2 : La décision de la ministre des armées en date du 14 octobre 2019 est annulée.
Article 3 : L'Etat (ministre des armées) versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 9 février 2024, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 février 2024.
N° 22MA02437 2
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