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20/02/2024 | FRANCE | N°23MA03068

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 20 février 2024, 23MA03068


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision n° 2205/045 du 23 mai 2022 par laquelle le directeur général de la société anonyme d'économie mixte (SAEM) Var aménagement développement a préempté la parcelle cadastrée BB n° 211 située à Hyères et de mettre à la charge de la SAEM Var aménagement développement la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par une ordonna

nce n° 2202066 du 13 décembre 2023, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Toulo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision n° 2205/045 du 23 mai 2022 par laquelle le directeur général de la société anonyme d'économie mixte (SAEM) Var aménagement développement a préempté la parcelle cadastrée BB n° 211 située à Hyères et de mettre à la charge de la SAEM Var aménagement développement la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2202066 du 13 décembre 2023, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2023, M. B..., représenté par

Me Cottet-Emard, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 13 décembre 2023 ;

2°) d'annuler cette décision de préemption ;

3°) de mettre à la charge de la SAEM Var aménagement développement la somme de

6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- cette ordonnance est entachée d'irrégularités, en cela d'une part qu'elle a accueilli la fin de non-recevoir de la commune, sans avoir communiqué son mémoire, ni invité le demandeur à régulariser sa demande en méconnaissance de l'article R. 612-1 du code de justice administrative, d'autre part qu'il justifie d'un intérêt à agir en sa qualité d'acquéreur évincé ;

- le juge d'appel évoquera l'affaire, par souci de diligence ;

- la décision en litige a été notifiée au-delà du délai de deux mois imparti à cet effet par l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, même en tenant compte de la demande de pièces complémentaires et de visite des lieux, alors qu'il n'est pas justifié de la publicité de cette décision dans ce même délai ;

- cette décision a été signée par une autorité incompétente, faute pour la SAEM de justifier du contraire ;

- la mesure litigieuse est illégale par la voie de l'exception, la décision du président de la Métropole Toulon Provence Méditerranée de déléguer le droit de préemption urbain à la SAEM étant elle-même illégale faute pour la métropole de justifier de la qualité et de la compétence pour signer cette délégation et de la publication et de l'affichage régulier de l'éventuelle délibération l'y autorisant ;

- cette mesure, qui ne fait pas apparaître la nature d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement la justifiant, ni la réalité d'un tel projet répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, n'est pas suffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article

L. 210-1 du code de l'urbanisme ;

- la décision en litige ne procède pas de la mise en œuvre du droit de préemption répondant à un intérêt général suffisant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2024, la SAEM Var aménagement développement, représentée par Me Faure-Bonaccorsi de la selarl Item avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de son auteur la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés.

Un mémoire a été produit pour M. B... le 5 février 2024, soit après la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Cottet-Emard, représentant M. B... et de

Me Faure-Bonaccorsi, représentant la SAEM Var aménagement développement.

Une note en délibéré présentée par la SCI Bethel a été enregistrée le 8 février 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Bethel, qui possède à Hyères, au 17 rue Massillon, une parcelle BB n° 211 supportant un immeuble de trois niveaux, de 108 m2, à usage mixte, a conclu, pour l'aliénation de ce bien, une promesse de vente avec M. B..., au prix de 167 000 euros. Par une décision du 23 mai 2022, prise sur délégation du président de la métropole Toulon-Provence-Méditerranée, le directeur général de la société anonyme d'économie mixte (SAEM) Var aménagement développement a décidé d'exercer sur ce bien le droit de préemption urbain.

Par une ordonnance du 13 décembre 2023, dont M. B... relève appel, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande comme irrecevable, en application des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative :

" (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...).". L'article R. 612-1 du même code dispose que : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7. ".

3. Les requêtes manifestement irrecevables qui peuvent être rejetées par ordonnance en application des dispositions de l'article R. 222-1 citées au point précédent sont celles dont l'irrecevabilité ne peut en aucun cas être couverte, celles qui ne peuvent être régularisées que jusqu'à l'expiration du délai de recours, si ce délai est expiré, et celles qui ont donné lieu à une invitation à régulariser, si le délai que la juridiction avait imparti au requérant à cette fin, en l'informant des conséquences qu'emporte un défaut de régularisation comme l'exige l'article

R. 612-1 du code de justice administrative, est expiré. En revanche, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre un rejet par ordonnance lorsque la juridiction s'est bornée à communiquer au requérant, en lui indiquant le délai dans lequel il lui serait loisible de répondre, le mémoire dans lequel une partie adverse a opposé une fin de non-recevoir. En pareil cas, à moins que son auteur n'ait été invité à la régulariser dans les conditions prévues à l'article

R. 612-1 du code de justice administrative, la requête ne peut être rejetée pour irrecevabilité que par une décision prise après audience publique.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier de première instance que la SAEM Var aménagement développement a soulevé devant le tribunal administratif de Toulon, dans son mémoire du 11 septembre 2023, une fin de non-recevoir tirée de ce qu'en sa qualité d'acquéreur évincé, M. B... ne disposait pas d'un intérêt pour agir contre la décision de préemption en litige, dès lors qu'à la date de cette décision, la promesse de vente était caduque, faute pour lui notamment d'avoir levé l'option avant la date butoir fixée par cet avant-contrat. Le premier juge a communiqué le mémoire en défense de la SAEM à M. B... le 11 septembre 2023, en l'invitant à produire ses observations dans les meilleurs délais et, par une lettre du

30 novembre 2023, reçue par l'intéressé le même jour, a invité celui-ci à régulariser sa requête, " en raison du défaut d'intérêt à agir à la date de la décision attaquée ", en lui impartissant à cet effet un délai de quinze jours. Si, en réponse à cette invitation, M. B... a produit dès le

30 novembre 2023 l'avenant à la promesse de vente conclue avec la SCI Bethel, le délai de quinze jours que lui avait fixé le premier juge pour régulariser sa requête n'était pas expiré au jour où celle-ci a été rejetée par l'ordonnance attaquée, le 13 décembre 2023. Ainsi, en se fondant sur le 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la requête de M. B... comme manifestement irrecevable, sans attendre l'expiration du délai quinze jours imparti à celui-ci pour régulariser sa requête, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Toulon a entaché son ordonnance d'une irrégularité.

5. D'autre part et en tout état de cause, la seule mention dans la promesse de vente signée entre la SCI Bethel et M. B... d'une date limite de réalisation de cette promesse, expirée au jour de la décision de préemption litigieuse, ne faisait pas obstacle à ce que, en cas d'annulation de la décision de préemption et si le propriétaire et l'acquéreur en étaient d'accord, la vente puisse se poursuivre. En conséquence, en l'absence de tout élément de nature à démontrer que les parties à cette promesse de vente n'entendaient plus poursuivre la vente, ni la présence d'une telle clause, ni la circonstance, avancée par la SAEM en première instance comme en appel, que l'indemnité d'immobilisation aurait été restituée par le notaire le

7 juin 2022, soit postérieurement à la décision de préemption en litige, n'ont privé

M. B..., acquéreur évincé par cette décision de préemption, d'un intérêt à en contester la légalité. Par suite, c'est à tort que le premier juge, pour rejeter la demande de M. B... dirigée contre cette décision, a accueilli la fin de non-recevoir opposée par la SAEM et tirée du défaut d'intérêt à agir de ce dernier.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Il y a donc lieu d'annuler cette ordonnance et, au cas d'espèce, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Toulon.

Sur les frais d'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la SAEM et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SAEM, au bénéfice de M. B..., une somme de 1 000 euros au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2202066 rendue le 13 décembre 2023 par le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Toulon est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Toulon.

Article 3 : La SAEM Var aménagement développement versera à M. B... la somme de

1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la SAEM Var aménagement développement, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la société d'économie mixte Var aménagement.

Copie en sera adressée à la SCI Bethel.

Délibéré après l'audience du 6 février 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.

N° 23MA030682


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA03068
Date de la décision : 20/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières. - Droits de préemption. - Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : COTTET-EMARD

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-20;23ma03068 ?
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