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15/02/2024 | FRANCE | N°23MA02661

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 15 février 2024, 23MA02661


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 2 février 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi.



Par jugement n° 2301957 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour

:



Par une requête enregistrée le 10 novembre 2023, Mme B... représentée par Me Almairac, demande à la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 2 février 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi.

Par jugement n° 2301957 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 novembre 2023, Mme B... représentée par Me Almairac, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 2 février 2023 et d'enjoindre à ce dernier de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt de la Cour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Almairac en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- son recours est recevable ;

Au titre de la légalité externe que l'arrêté litigieux :

- est entaché d'un défaut de motivation, et d'un défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;

Autre titre de la légalité interne que l'arrêté litigieux :

- est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation relative à sa vie privée et familiale en France ;

- méconnait les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celles de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales , et enfin celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire.

Mme A... B... épouse C... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Angéniol a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 4 novembre 1978 à Sousse, de nationalité tunisienne, est entrée en France le 17 janvier 2013 munie d'un visa de type C valable jusqu'au 1er mars 2013. Elle a présenté, le 13 mai 2019, une demande de titre de séjour auprès de la préfecture des Alpes-Maritimes. Elle s'est finalement vu refuser la délivrance de ce titre de séjour, par arrêté préfectoral du 2 février 2023 qui l'a par ailleurs obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours. Mme B... relève appel du jugement du 27 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il incombe au juge administratif, pour apprécier la réalité du séjour de l'étranger et la consistance de ses liens personnels et familiaux, notamment pour l'application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'apprécier l'ensemble des pièces produites par l'intéressé, en tenant compte de la nature particulière des documents produits sous couvert d'une usurpation d'identité.

4. Mme B... de nationalité tunisienne et née le 4 novembre 1978 à Sousse, établit être entrée sur le territoire français le 17 juin 2013. Elle a produit en première instance de nombreux documents, variés par leur objet, et complétés en cause d'appel, qui établissent sa résidence habituelle sur le territoire français depuis cette date, où réside, par ailleurs, régulièrement son père, en vertu d'un titre de résident permanent valable jusqu'en 2027. L'intéressée s'est mariée le 28 septembre 2012 avec M. C..., également de nationalité tunisienne, et de cette union sont nés quatre enfants, tous nés à Nice, des triplés le 18 novembre 2014 et un quatrième enfant le 4 mai 2016. Ces derniers sont scolarisés comme l'attestent les certificats produits par la directrice de l'école Le Château, qui atteste, de surcroit, de l'implication de Mme B... dans le suivi de cette scolarité, permettant à ses enfants une maitrise de la langue française d'un très bon niveau du fait notamment de la reformulation et de la verbalisation des situations d'apprentissage au domicile familial. Il ressort également des pièces du dossier que l'appelante est investie dans cette école en sa qualité de représentant des parents d'élèves depuis 2019. En outre, Mme B..., produit une promesse d'embauche de la société SAS INVEST établie à Vallauris le 2 février 2023. Enfin, si le mari de l'appelante est également en situation irrégulière sur le territoire français, il ressort, là encore des pièces du dossier, que ce dernier, qui dispose de plusieurs promesses d'embauche, contribue, par son travail, régulièrement aux ressources financières familiales. Dans ces conditions, compte tenu de la durée de son séjour sur le territoire français, de la réalité de ses liens familiaux sur ledit territoire ainsi que de ses efforts d'insertion, la décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français en litige a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, Mme B..., est fondée à demander l'annulation de cette décision du préfet des Alpes-Maritimes du 2 février 2023.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que Mme B..., est fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 2 février 2023.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

7. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle et résultant de l'instruction, la délivrance à l'intéressée d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, sur le fondement des dispositions précitées, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, de délivrer à Mme B... ce titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Almairac, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'instance engagée.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice n° 2301957 du 27 juin 2023 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 2 février 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Almairac la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Almairac

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Angéniol, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

2

N° 23MA02661

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02661
Date de la décision : 15/02/2024

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Patrice ANGENIOL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : ALMAIRAC

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;23ma02661 ?
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