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15/02/2024 | FRANCE | N°22MA00613

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 15 février 2024, 22MA00613


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de la majoration pour manquement délibéré qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, afférente aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2016.



Par un jugement n° 2002765 du 23 d

cembre 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de la majoration pour manquement délibéré qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, afférente aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2016.

Par un jugement n° 2002765 du 23 décembre 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 février 2022, M. C..., représenté par Me Liperini, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002765 du 23 décembre 2021 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les sommes en litige lui ayant été données, il pensait de bonne foi ne pas avoir à les déclarer et n'a pas eu la volonté d'éluder l'impôt ;

- le montant des droits est insuffisant pour caractériser l'élément intentionnel d'un manquement délibéré ;

- il est fondé à se prévaloir de l'autorité de chose jugée par l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 5 novembre 2019, en application de la loi et de l'interprétation administrative de la loi fiscale référencée BOI-CTX-DG-20-30-40 n° 30 du 12 septembre 2012.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 23 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, à l'issue duquel une proposition de rectification du 10 décembre 2018 lui a été notifiée. Au terme de la procédure, il a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sur les hauts revenus et de contributions sociales, assorties des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts, s'agissant des rectifications notifiées sur le fondement des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée. M. C... relève appel du jugement du 23 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette majoration.

Sur les pénalités :

2. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

3. Le vérificateur a constaté que figuraient au crédit d'un compte bancaire appartenant à M. C... au cours de l'année 2016 quatre crédits correspondant à des remises de chèques d'un montant total de 280 000 euros. Estimant que la réponse apportée par l'intéressé à une demande d'éclaircissements et de justifications du 15 mai 2018 était insuffisante dès lors qu'elle ne faisait état que d'aides personnelles accordées par un tiers, M. A..., il a adressé à M. C... une mise en demeure du 3 septembre 2018 de compléter sa réponse, qui a donné lieu à la production d'une copie des chèques. Le vérificateur a considéré que si l'origine des sommes était ainsi justifiée, tel n'était pas le cas de leur objet et de leur nature. L'administration les a par conséquent taxées d'office en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée. Ces rectifications ont été assorties de la majoration pour manquement délibéré. Pour en justifier l'application, l'administration a retenu l'importance, la nature et la fréquence des infractions, en relevant que M. C... avait nécessairement connaissance des faits, au vu notamment de ses déclarations consignées dans un procès-verbal d'audition du 11 octobre 2017 par lesquelles il reconnaissait que les sommes en cause n'avaient pas été déclarées à l'administration fiscale, " qu'il n'avait fait que prendre l'argent que M. A... lui donnait et qu'il ne pensait pas qu'il fallait le déclarer " et que " M. A... lui avait donné cet argent en pleine conscience et que celui-ci lui avait dit que c'était autant que les impôts n'auraient pas ". Elle a également retenu qu'en sa qualité de destinataire de ces sommes, M. C... ne pouvait ignorer, à la suite de ses auditions, leur caractère imposable et qu'il n'a déposé aucune déclaration rectificative avant l'engagement de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle, la volonté de M. C... d'éluder le paiement de l'impôt étant ainsi établie. M. C... conteste cette majoration en se prévalant notamment de l'autorité de chose jugée par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence dans un arrêt du 5 novembre 2019.

4. L'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif. La même autorité ne saurait, en revanche, s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité.

5. Il résulte de l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 5 novembre 2019, dont il est constant qu'il est définitif, que, dans le cadre de poursuites pour des faits de blanchiment de fraude fiscale sur le fondement de l'article 324-1 du code pénal à la suite d'un signalement par la cellule " Tracfin " informant le procureur de mouvements financiers au préjudice de M. A... susceptibles de révéler, notamment, une donation non déclarée auprès de l'administration fiscale, qui n'a toutefois pas souhaité déposer plainte, la Cour a recherché si M. C... avait en amont commis l'infraction de fraude fiscale. Elle a jugé que les versements d'un montant de 280 000 euros en 2016 opérés par M. A... au profit de M. C..., devenu légataire universel de l'intéressé avec lequel il entretenait des relations amicales antérieures, constituaient des remises d'argent à titre gratuit et amical et qu'à supposer qu'il puisse être reproché à M. C... de ne pas avoir déclaré un don d'argent portant sur la somme de 280 000 euros, par application des articles 635 A et 757 du code général des impôts, l'administration fiscale avait été informée de la perception des fonds dans le cadre de l'enquête préliminaire, les obligations déclaratives relatives aux dons manuels ayant été accomplies compte tenu de la révélation de la donation à l'administration. La Cour a ainsi confirmé au vu de ces constatations de fait la relaxe prononcée en première instance au profit de M. C....

6. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les constatations de fait qui sont le support nécessaire de la décision définitive de relaxe rendue par le juge pénal tranchent la question de l'objet et de la nature des opérations effectuées et énoncent que les revenus perçus ne constituent pas des revenus imposables dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée mais des dons manuels. Ces constatations de fait s'imposent au juge de l'impôt. L'autorité de chose jugée par le juge répressif fait ainsi obstacle à ce que les sommes en litige imposées au principal puissent être qualifiées de revenus imposables dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée. Par suite, ces sommes ne peuvent pas supporter les majorations pour manquement délibéré afférentes à de tels revenus, aux motifs, comme l'allègue le ministre, qu'elles auraient été volontairement omises dans le cadre de la déclaration des revenus de l'année 2016 imposables à l'impôt sur le revenu et que M. C... n'a pas donné suite à un courrier du 25 octobre 2018 l'informant des conditions de révélation d'un don manuel.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ce jugement doit dès lors être annulé et M. C... doit être déchargé de la majoration pour manquement délibéré qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, afférente aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2016.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 2 000 euros que M. C... demande au titre des frais qu'il a exposés, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1 : Le jugement n° 2002765 du 23 décembre 2021 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : M. C... est déchargé de la majoration pour manquement délibéré qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, afférente aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2016.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à M. C..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 février 2024.

2

N° 22MA00613


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00613
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-04-03 Contributions et taxes. - Généralités. - Amendes, pénalités, majorations. - Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : SCP DELPLANCKE - LAGACHE - MARTY - POZZO DI BORGO - ROMETTI & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;22ma00613 ?
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