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09/02/2024 | FRANCE | N°23MA01852

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 09 février 2024, 23MA01852


Vu les procédures suivantes :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 avril 2023 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de de réexaminer sa situation et subsidiairement de suspendre l'obligation de quitter le territoire fr

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Par un jugement n° 2301390 du 23 juin 2023, le magistrat désigné près le...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 avril 2023 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de de réexaminer sa situation et subsidiairement de suspendre l'obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2301390 du 23 juin 2023, le magistrat désigné près le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédures devant la cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2023 sous le n° 23MA01852, M. A..., représenté par Me Farhat-Vayssière, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 23 juin 2023 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2023 ;

4°) d'enjoindre au préfet du Var de réexaminer sa demande, en le munissant d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement a été rendu en méconnaissance du droit à un interprète, tel que prévu par l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par les articles 5 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il n'a pu communiquer avec son conseil, ni lui transmettre les pièces utiles à sa défense ;

- le jugement est insuffisamment motivé, en ce qu'il écarte le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté, au regard de l'examen de sa vie personnelle et de la fixation du délai de départ volontaire ;

- il méconnaît l'article R. 741-2 du code de justice administrative dès lors qu'il ne vise pas la note en délibéré produite ;

- l'arrêté est entaché d'erreur de fait dès lors qu'il disposait du droit de se maintenir sur le territoire jusqu'au 12 juin 2023 en vertu de l'attestation de demande d'asile qui lui avait été remise et du recours suspensif introduit devant la Cour nationale du droit d'asile ;

- il est également entaché d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru en situation de compétence liée ;

- le préfet a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation des risques qu'il encourt dans son pays d'origine et a méconnu les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

II°) Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2023 sous le n° 23MA01898, M. A..., représenté par Me Farhat-Vayssière, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement du 23 juin 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai de quatre mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement risque d'entrainer des conséquences difficilement réparables pour lui ;

- il est irrégulier et l'arrêté contesté est illégal à raison des motifs exposés sous le I°).

Les procédures ont été communiquées au préfet du Var qui n'a pas produit d'observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 29 décembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Poullain a été entendu en audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une première requête, enregistrée sous le n° 23MA01852, M. A..., ressortissant afghan né en 1997, relève appel du jugement du 23 juin 2023 par lequel le magistrat désigné près le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 19 avril 2023 du préfet du Var lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, d'autre part à ce qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer sa demande. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 23MA01898, il demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. Ces deux requêtes sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. ".

3. Par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 29 décembre 2023, M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur ses demandes tendant à ce qu'il soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. / (...) / L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise / (...) ".

5. Il ressort des mentions de la décision attaquée qu'un interprète était disponible lors de l'audience devant le magistrat désigné près le tribunal administratif mais que M. A... n'était pas présent. Par ailleurs, le préfet du Var a produit des écritures en première instance et y a joint les pièces sur la base desquelles l'arrêté litigieux a été pris, particulièrement la décision portant rejet pour irrecevabilité de la demande de réexamen de la demande d'asile de l'intéressé prise par le directeur général de l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 10 janvier 2023. Ces pièces ont dûment été communiquées au conseil du requérant. Dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auraient été méconnues doit être écarté comme manquant en fait. Par ailleurs, le requérant ne saurait utilement se prévaloir des stipulations des paragraphes 2 et 3 des articles 5 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives aux droits des personnes en situation d'arrestation, ou accusées d'une infraction.

6. En deuxième lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le magistrat désigné, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par M. A..., a expressément répondu, aux points 4 et 5 de sa décision, aux moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté, en ce comprise la décision fixant le délai de départ volontaire, et de l'absence d'examen de la situation personnelle de l'intéressé.

7. En troisième et dernier lieu, les visas du jugement attaqué font bien mention, après ceux dédiés à l'audience, de la note en délibéré produite pour M. A... le 22 juin 2023. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative auraient été méconnues.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

8. A supposer que le requérant ait de nouveau entendu critiquer, dans la présente instance, la motivation de l'arrêté attaqué et l'absence d'examen personnel de sa situation, il y a lieu d'écarter ces moyens par les motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné près le tribunal aux points 4 et 5 de son jugement, en relevant de surcroît que ledit arrêté mentionne expressément que rien ne justifie qu'à titre exceptionnel un délai supérieur au délai de trente jours de droit commun soit accordé à M. A... pour quitter le territoire.

9. Aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : / (...) / b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, (...) ". En application du 3° de l'article L. 531-32, une décision d'irrecevabilité peut intervenir " En cas de demande de réexamen lorsque, à l'issue d'un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l'article L. 531-42, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article ".

10. En l'espèce, par décision du 10 janvier 2023, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté comme irrecevable au sens des articles L. 531-32 et L. 531-42 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la demande de réexamen présentée par M. A..., en relevant que les éléments présentés par l'intéressé n'augmentaient pas de manière significative la probabilité qu'il justifie des conditions requises pour prétendre à une protection. Dès lors, le préfet du Var a pu estimer, lorsqu'il a pris l'arrêté contesté le 19 avril 2023, sans commettre ni erreur de fait, ni erreur de droit, que le droit de M. A... de se maintenir sur le territoire français avait pris fin. Les circonstances que l'intéressé avait contesté la décision du directeur général de l'Office devant la Cour nationale du droit d'asile et que le récépissé de son attestation de demande d'asile délivré le 13 décembre 2022 mentionnait une validité jusqu'au 12 juin 2023 sont à cet égard sans incidence.

11. Il ne ressort pas de la décision attaquée que le préfet se serait cru lié par la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

12. Enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de ladite convention : " Nul ne peut être soumis à des peines ou des traitements inhumains ".

13. M. A... soutient que son jeune frère aurait été assassiné par les talibans, et que son autre frère et son père auraient été enlevés, lui-même craignant pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son implication dans un accident de circulation. S'il produit en ce sens des photos d'un corps d'enfant, et des documents qui seraient un mandat d'arrêt et une pièce d'identité à son nom ainsi qu'une attestation des chefs de son village, ces éléments ne sont pas de nature à établir la réalité des risques personnels qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, eu égard aux éléments déjà exposés devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, et aux incohérences et imprécisions relevées dans les décisions de cette juridiction des 14 novembre 2022 et 22 mai 2023, rejetant en dernier lieu le recours formé contre la décision du directeur général de l'Office du 10 janvier 2023. Dès lors, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné près le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 19 avril 2023 ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions d'appel présentées par M. A... dans l'instance n° 23MA01852, en ce comprises les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais d'instance.

Sur les conclusions de la requête n° 23MA01898 :

15. Le présent arrêt statuant sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement contesté, il n'y a plus lieu pour la cour de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution dudit jugement. En outre, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées dans cette instance à fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant au bénéfice de l'admission à titre provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23MA01898 tendant au sursis à l'exécution du jugement du 23 juin 2023 du magistrat désigné près le tribunal administratif de Toulon.

Article 3 : La requête n° 23MA01852 et le surplus des conclusions de la requête n° 23MA01898 sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Pascale Farhat-Vayssière.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2024, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 février 2024.

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N° 23MA01852, 23MA01898

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01852
Date de la décision : 09/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : FARHAT-VAYSSIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-09;23ma01852 ?
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