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06/02/2024 | FRANCE | N°23MA01431

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 06 février 2024, 23MA01431


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B..., a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 12 mai 2022 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2204450 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 8 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Almairac, demande à la Cour :



1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B..., a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 12 mai 2022 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2204450 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Almairac, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 février 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 12 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'une erreur de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a constaté l'erreur de fait sans prononcer l'annulation de l'arrêté ;

- le préfet des Alpes-Maritimes a commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît les énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes Maritimes, qui n'a pas produit d'observations.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 28 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations du public avec l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Marcovici.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité géorgienne, née en 1988, a sollicité du tribunal administratif de Nice l'annulation de l'arrêté du 12 mai 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 2 février 2023 dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

2. L'arrêté du 12 mai 2022 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il est ainsi suffisamment motivé au regard tant des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration que de celles de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort en outre de l'arrêté que le préfet des Alpes-Maritimes a tenu compte de la situation personnelle de Mme B..., notamment de sa situation familiale et administrative, et de la durée de la présence sur le territoire national dont elle entend se prévaloir. Dès lors, les moyens tirés de ce que cette décision serait insuffisamment motivée et qu'elle procèderait d'un défaut d'examen réel et sérieux de la situation personnelle de l'appelante doivent être écartés.

3. Mme B... est, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif de Nice, fondée à soutenir que l'arrêté du 12 mai 2022 est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il mentionne qu'elle ne justifie pas de l'ancienneté de sa présence en France. Elle soutient également à bon droit que l'exigence de production d'un visa l'autorisant à entrer sur le territoire national n'est pas opposable aux ressortissants géorgiens munis d'un passeport biométrique. Toutefois, ces circonstances n'entachent pas la légalité de l'arrêté, dès lors que, comme le retient le jugement attaqué, et sans que l'appelante ne le conteste utilement en cause d'appel, il ressort du dossier que le préfet des Alpes-Maritimes aurait pris la même décision par les autres motifs mentionnés dans l'arrêté. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur de fait.

4. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

5. Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Mme B... soutient résider habituellement en France depuis janvier 2013, avec son fils né le 22 mai 2005 et sa fille née à Nice le 4 février 2013. Elle s'est séparée de son conjoint, également géorgien, contre lequel elle a porté plainte le 16 mars 2020 pour des faits de violences conjugales, et dont elle a divorcé en avril 2022. A compter du 5 mars 2020, l'appelante et ses enfants ont bénéficié d'un hébergement d'urgence à l'hôtel social, qui a pris fin suite à la notification de l'arrêté contesté. Si elle fait état de contrats à durée déterminée à temps partiel en 2021 et d'un statut de commerçant auto-entrepreneur depuis le 1er octobre 2022, Mme B... ne produit aucun justificatif de son activité professionnelle ou de ses ressources pour l'année 2022. Dans ces conditions, l'appelante ne démontre pas d'insertion socio-professionnelle significative. Il ressort également du dossier que l'intéressée, qui ne démontre pas être dépourvue d'attaches familiales en Géorgie, où elle a vécu jusqu'à ses vingt-six ans, a fait l'objet d'une précédente décision d'éloignement en 2018, contre laquelle son recours a été rejeté par le tribunal administratif, à la suite du rejet de sa demande d'asile. Il ne ressort en revanche pas que les enfants de Mme B... auraient des liens avec son ex-conjoint, incarcéré en France, ni que leur scolarité en France fasse obstacle à ce que la vie familiale se poursuive en Géorgie, où son fils a grandi jusqu'à ses huit ans, dès lors que sa fille n'est âgée que de neuf ans à la date de l'arrêté. Au regard de l'ensemble de ces éléments, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs elle n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, et méconnaît ainsi les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Si Mme B... produit des preuves de la détention de son ex-conjoint à la maison d'arrêt de Nice en 2016, ces pièces n'indiquent toutefois pas les faits pour lesquels il y a été placé, et ne permettent pas de déterminer s'il a fait l'objet d'une condamnation. Bien qu'elle démontre bénéficier d'un suivi juridique et psychologique auprès du centre d'information sur les droits des femmes et des familles dans le cadre de permanences ouvertes aux victimes de violences conjugales, Mme B... ne prétend ni ne démontre l'actualité des violences ou l'existence d'un tel risque. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'elle ne justifiait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En outre, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir. Par suite, Mme B... ne saurait se prévaloir des considérations de la circulaire à l'égard des victimes de violences conjugales, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu cette circulaire ne peut qu'être écarté.

9. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

10. Comme l'a relevé le tribunal administratif de Nice, Mme B... n'établit pas que ses enfants entretiendraient des relations avec leurs pères respectifs en France, ni qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Géorgie, pays dont ils ont la nationalité. Les certificats de scolarité et l'attestation de la proviseure du lycée Guillaume Apollinaire au dossier ne sauraient par ailleurs suffire à établir le sérieux et de l'assiduité des enfants dans leur scolarité. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que la requête de Mme B... doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction, et celles formulées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Almairac et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

2

N° 23MA01431


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01431
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : ALMAIRAC

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;23ma01431 ?
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