La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/02/2024 | FRANCE | N°23MA00981

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 06 février 2024, 23MA00981


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler, d'une part, l'arrêté du 20 septembre 2017 par lequel le maire de Zonza a délivré à Mme A... un permis de construire une maison, un garage et une piscine sur une parcelle cadastrée section AD n° 283, située chemin de Cirendinu et, d'autre part, l'arrêté du 3 janvier 2020 par lequel ledit maire a délivré à la SAS Nain Nain un permis de construire modificatif pour la création d'une rampe d'accès automobi

le, la réduction de la largeur du corps principal de la maison à 23 mètres et la réduction...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler, d'une part, l'arrêté du 20 septembre 2017 par lequel le maire de Zonza a délivré à Mme A... un permis de construire une maison, un garage et une piscine sur une parcelle cadastrée section AD n° 283, située chemin de Cirendinu et, d'autre part, l'arrêté du 3 janvier 2020 par lequel ledit maire a délivré à la SAS Nain Nain un permis de construire modificatif pour la création d'une rampe d'accès automobile, la réduction de la largeur du corps principal de la maison à 23 mètres et la réduction de la largeur du salon extérieur à 4,40 mètres.

Par un jugement n° 2000576 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de M. C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 avril 2023, 9 août 2023 et 7 septembre 2023, M. C..., représenté par Me Soler-Couteaux, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000576 du 23 février 2023 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 janvier 2020 accordant un permis modificatif à la

SAS Nain Nain ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Zonza la somme de 2 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il justifie d'un intérêt à agir contre l'arrêté en litige ;

- la demande de permis de construire modificatif ne fait pas mention de la modification de l'assiette du terrain sur lequel la construction est projetée ; une telle présentation a été de nature à tromper l'administration afin d'échapper aux prescriptions fixées par l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme en matière d'implantation, et auxquelles la société a frauduleusement cherché à se soustraire ;

- la SAS a également dissimulé des modifications substantielles de hauteurs du projet, qui dépassent la ligne de crète, et contrevient ainsi au ban de la commune de Zonza ; ce faisant, le service instructeur n'a pas été mis en mesure de vérifier le respect des dispositions de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme ;

- les dimensions de la piscine ont été modifiées sans qu'il en soit fait état dans le dossier de demande de permis modificatif, ce qui fait obstacle à la parfaite appréhension de la nature des travaux et de leur importance par le service instructeur.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 juillet 2023, 1er septembre 2023 et 29 septembre 2023, la SAS Nain Nain, représentée par Me Brémond, conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que soit prononcée une annulation partielle du permis de construire en litige en application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme et prescrit un délai pour que soit régularisée sa situation, ou, à ce qu'il soit sursis à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et prescrit l'obtention d'un permis de régularisation dans un délai à fixer ;

3°) à ce que soit mis à la charge de M. C... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- l'appelant est dépourvu d'intérêt à agir ;

- les moyens d'appel ne sont pas fondés.

Un courrier du 31 août 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par une ordonnance du 19 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- les observations de Me Vienne, substituant Me Soler-Couteaux, représentant

M. C...,

- et les observations de Me Bremond, représentant la SAS Nain Nain.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 20 septembre 2017, le maire de la commune de Zonza Santa Lucia a délivré à Mme A... un permis de construire une maison, un garage et une piscine sur une parcelle cadastrée section AD n° 283, située chemin de Cirendinu, d'une superficie de 2 000 m². Ce permis a été transféré à la SAS Nain Nain par arrêté du 1er février 2019, cette société ayant obtenu la délivrance d'un permis de construire modificatif par arrêté du 3 janvier 2020, portant sur la création d'une rampe d'accès automobile, la réduction de la largeur du corps principal de la maison à 23 mètres et la réduction de la largeur du salon extérieur à 4,40 mètres. M. C... relève appel du jugement du 23 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 janvier 2020.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la SAS Nain Nain :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. Le présent article n'est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial ou après avoir épuisé les voies de recours contre le permis initial, ainsi devenu définitif, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient dans tous les cas au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ou, lorsque le contentieux porte sur un permis de construire modificatif, des modifications apportées au projet.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est propriétaire de la parcelle cadastrée section AD n° 281, et de la maison qui s'y trouve, qui est située à proximité immédiate de la construction projetée. Il ressort par ailleurs du dossier que le permis modificatif contesté prévoit le rapprochement de l'ensemble de la construction de la limite séparative avec la propriété de l'appelant. Ainsi, en dépit de la circonstance, alléguée en défense, selon laquelle le projet autorisé par l'arrêté en litige respecterait les droits attachés à l'existence d'une servitude de passage au bénéfice de M. C..., celui-ci est de nature à affecter directement les conditions de jouissance par M. C... de son bien. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense doit être écartée.

Sur la légalité du permis de construire modificatif du 3 janvier 2020 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme :

" A moins que le bâtiment à construire ne jouxte la limite parcellaire, la distance comptée horizontalement de tout point de ce bâtiment au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapproché doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à trois mètres ".

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier de la demande de permis de construire modificatif, qui prévoit notamment, selon l'imprimé cerfa et les différents plans composant le dossier, un décalage de l'implantation de l'ensemble de la construction vers " la gauche de la parcelle ", qu'une bande de terre d'une superficie de 89,52 m² située en limite parcellaire Ouest a été détachée du terrain d'assiette d'origine, permettant ainsi l'implantation d'une partie de la construction, correspondant à un salon extérieur, sur la nouvelle limite parcellaire séparant désormais la propriété de la SAS Nain Nain de la parcelle issue de la division réalisée par le pétitionnaire. La SAS Nain Nain ne conteste pas que cette opération de morcellement du terrain d'assiette du projet initial, qui donne une apparence de régularité à la construction litigieuse, a été effectuée dans le seul but d'échapper aux prescriptions fixées par les dispositions précitées de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme. Par suite, l'arrêté du 3 janvier 2020 par lequel le maire de Zonza Santa Lucia a accordé un permis modificatif à la SAS Nain Nain est, dans cette mesure, illégal.

7. D'autre part, et en revanche, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'implantation de l'escalier situé sur la partie Ouest du bâtiment serait également contraire aux dispositions de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme dès lors qu'il ressort des plans composant le dossier de demande de permis que cet élément de la construction est situé à une distance minimale de plus de 3,22 mètres par rapport à la limite séparative antérieure à l'opération de détachement parcellaire à laquelle il a été opéré dans les conditions décrites au point précédent, limite qui est la seule à prendre en compte pour apprécier le respect des règles de prospect fixées par l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme.

8. En deuxième lieu, s'il est constant que les hauteurs de la construction projetée ont été très légèrement modifiées selon les plans produits au dossier de demande de permis de construire, et ce alors-même que le formulaire cerfa complété par le pétitionnaire indique que les façades, hauteurs des niveaux et altitudes d'implantation sont identiques au permis d'origine, et que l'appelant soutient que les constructions projetées dépasseraient ainsi la ligne de crète, en méconnaissance du ban de la commune de Zonza Santa Lucia, il n'apporte aucune précision sur les règles d'urbanisme qui auraient ainsi été méconnues, et n'établit pas davantage que ces modifications auraient eu une incidence sur l'appréciation portée par le service instructeur sur la légalité du projet au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme, dont la méconnaissance, sur ce point précis, n'est pas établie.

9. En troisième et dernier lieu, l'extension de deux mètres de la longueur de la piscine projetée apparait sur les plans produits au soutien de la demande de permis de construire modificatif, de sorte que l'omission de cette modification sur le formulaire cerfa n'a pas eu d'incidence, par elle-même, sur l'appréciation par le maire de la légalité du projet, l'appelant ne précisant pas, au demeurant, quelle règle d'urbanisme aurait été méconnue par une telle modification. Par suite, le moyen tiré de ce que le service instructeur n'aurait pas été mis à même d'apprécier la portée et la nature des travaux en cause ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les conséquences à tirer de l'illégalité entachant l'arrêté du

3 janvier 2020 :

10. Le vice affectant le permis de construire, relevé au point 6 du présent arrêt, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme au regard de la fraude commise par la SAS Nain Nain, ne peut être regardé, compte tenu de cette fraude, comme un vice susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation en application de l'article

L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, ou d'une annulation partielle en application de l'article

L. 600-5 du même code. Par suite, la SAS Nain Nain n'est pas fondée à demander l'application de ces dispositions.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 3 janvier 2020 par lequel le maire de la commune de Zonza a délivré un permis de construire modificatif à la SAS Nain Nain. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté du 3 janvier 2020.

Sur les frais liés au litige :

12. Aux termes de l'article L. 761 1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, ou pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

13. Il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Zonza la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à M. C.... Les conclusions présentées sur le même fondement par la SAS Nain Nain doivent être rejetées, tout comme ses conclusions relatives aux dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 23 février 2023 n° 2000576 du tribunal administratif de Bastia est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. C... tendant à l'annulation du permis de construire modificatif délivré le 3 janvier 2020 par le maire de Zonza à la SAS Nain Nain.

Article 2 : Le permis modificatif du 3 janvier 2020 est annulé.

Article 3 : Une somme de 2 000 euros à verser à M. C... est mise à la charge de la commune de Zonza au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la SAS Nain Nain sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la commune de Zonza et à

la SAS Nain Nain.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Ajaccio.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Martin, premier conseiller,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

2

No 23MA00981


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00981
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-04-04 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Régime d'utilisation du permis. - Permis modificatif.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : CABINET BREMOND VAISSE SERVANT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;23ma00981 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award