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06/02/2024 | FRANCE | N°23MA00829

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 06 février 2024, 23MA00829


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2021 par lequel la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence lui a infligé la sanction disciplinaire de révocation et de mettre à la charge de cette métropole une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2200057 du 7 février 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2021 par lequel la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence lui a infligé la sanction disciplinaire de révocation et de mettre à la charge de cette métropole une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2200057 du 7 février 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 avril et 5 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Roze, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 février 2023 ;

2°) d'annuler cet arrêté de la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence du 9 novembre 2021 ;

3°) d'enjoindre à la métropole Aix-Marseille-Provence, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'une part, de le réintégrer et de reconstituer sa carrière et, d'autre part, de le changer d'affectation ;

4°) de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sur la régularité du jugement attaqué : en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, ce jugement indique deux dates de lecture différentes ;

- sur le bien-fondé du jugement attaqué :

. l'arrêté contesté de la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence est entaché du vice d'incompétence ;

. contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Marseille, la matérialité des faits retenus à son encontre, qui ne sauraient constituer un délit, ne peut être regardée comme établie ; en tout état de cause, ces faits sont étrangers au service ; les premiers juges ont, à ce titre, commis une erreur de droit ;

. la sanction qui lui a été infligée est disproportionnée et le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur d'appréciation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 septembre et 6 novembre 2023, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par Me Semeriva, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Un courrier du 11 août 2023, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par une ordonnance du 12 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénal ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Semeriva, représentant la métropole Aix-Marseille-Provence.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 9 novembre 2021, la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence a infligé à M. A..., adjoint administratif de 2ème classe qui exerçait alors les fonctions de développeur économique territorial, la sanction disciplinaire de révocation. M. A... relève appel du jugement du 7 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " (...) La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée. "

3. M. A... soutient que le jugement attaqué, qui mentionne deux dates de lecture différentes, méconnaît les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative. Toutefois, dès lors que la date d'audience du 24 janvier 2023 mentionnée dans cette décision juridictionnelle, dont il n'est pas contesté qu'elle correspond à la date effective, conduit sans aucun doute possible à retenir comme date de lecture celle du 7 février 2023, et non celle du 7 février 2024, qui correspond d'ailleurs à un jour futur, cette erreur purement matérielle est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué et le moyen afférent soulevé par l'appelant doit dès lors être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen de légalité externe de l'arrêté contesté du 9 novembre 2021 :

4. Par un arrêté n° 21/485/CM portant la signature manuscrite de la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence du 26 avril 2021, régulièrement publié le lendemain au recueil des actes administratifs n° 2021/208 de cette métropole, cette présidente a donné délégation à M. D... B..., directeur général adjoint des ressources humaines à l'effet de signer, notamment, les arrêtés relatifs à l'application de sanctions disciplinaires des 2ème, 3ème et 4ème groupes. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté du 9 novembre 2021 doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne les moyens de légalité interne de l'arrêté contesté du 9 novembre 2021 :

5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes (Conseil d'Etat, Assemblée, 13 novembre 2013, n° 347704).

S'agissant de la matérialité des faits reprochés à M. A... et leur qualification de fautes disciplinaires :

6. Aux termes de l'article 29 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. (...) ".

7. En l'espèce, dans son arrêté contesté du 9 novembre 2021, la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence rappelle que, depuis plusieurs années, M. A... a adopté un comportement inadapté et inapproprié à l'égard tant de sa hiérarchie que de ses collègues de travail. Elle précise que ce comportement, qui induisait une ambiance de travail particulièrement délétère au sein du service, se traduisait par une insubordination récurrente, une violence verbale incontrôlable, une désinvolture manifeste et délibérée dans les tâches qui étaient confiées à l'appelant, voire des agissements constitutifs de harcèlement moral à l'encontre de son supérieur hiérarchique direct. Dans ce même arrêté, la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence indique également qu'en conséquence, M. A... a fait l'objet, le 4 février 2020, d'un rappel à ses obligations déontologiques par la directrice générale des services du territoire Istres-Ouest-Provence avant de se voir infliger, par un arrêté du 16 mars 2021, une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de douze mois, du 24 mars 2021 au 23 mars 2022. Puis, pour prononcer sa révocation, ladite présidente reproche à M. A... d'avoir, le 10 juin 2021, soit durant cette période d'exclusion, adopté une nouvelle fois un comportement menaçant et violent à l'encontre d'un agent administratif de la direction du développement économique et d'avoir également proféré des menaces à l'endroit de ses autres collègues de travail. Dans le procès-verbal de dépôt de sa plainte pénale, le 11 juin 2021, cet agent administratif déclare qu'alors qu'il venait de quitter son service pour rentrer en voiture à son domicile, il a été doublé par M. A..., qui, après avoir bloqué son véhicule, s'est approché de lui, très en colère et en le pointant du doigt, pour le menacer, ainsi que ses autres collègues de travail. Il ressort des pièces du dossier que, consécutivement à cet incident, dix de ces collègues ont déposé des mains-courantes auprès des services de police et ont sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle à la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence qui leur a accordé le 15 juin 2021, tandis que la métropole intimée a porté plainte auprès du procureur de la République

d'Aix-en-Provence, sur le fondement des dispositions de l'article 222-17 du code pénal, pour menaces de commettre un crime ou un délit. En se bornant à contester, non avoir croisé cet agent administratif, mais seulement l'avoir menacé et à rappeler qu'aucune condamnation pénale n'a été prononcée à son encontre et que lui-même a porté plainte pour dénonciation calomnieuse alors que les mains-courantes auraient été déposées contre lui à la demande de la directrice du développement économique, l'appelant, qui au demeurant, n'était ni présent, ni même représenté lors de la séance du conseil de discipline du 6 septembre 2021, ne conteste pas utilement et sérieusement ces faits qui apparaissent ainsi suffisamment établis au vu des pièces versées aux débats.

8. En outre, contrairement à ce que soutient M. A..., le comportement qu'il a adopté le 10 juin 2021 et les menaces qu'il a alors proférées à l'encontre des ses collègues de travail, agents publics, pour des motifs qui tiennent au service dans lequel il était affecté et dont il avait été exclu suite à une précédente sanction disciplinaire, demeurent liés au service. Par suite, et alors qu'au surplus, des faits commis par un agent public en dehors du service et sans utiliser les moyens du service peuvent constituer une faute passible d'une sanction disciplinaire lorsque, eu égard à leur gravité, à la nature des fonctions de l'intéressé et à l'étendue de ses responsabilités, ils ont eu un retentissement sur le service, jeté le discrédit sur la fonction exercée par l'agent ou sur l'administration, ou encore si ces faits sont incompatibles avec la qualité d'agent public, les faits reprochés à M. A... constituent des manquements à ses obligations statutaires et déontologiques, et en particulier à ses devoirs de dignité, de réserve, d'exemplarité et de loyauté qui s'imposent à tout agent public. Ainsi, ces faits sont de nature à justifier une sanction disciplinaire.

Quant à la proportionnalité de la sanction infligée à M. A... :

9. Aux termes de l'article 89 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : / la radiation du tableau d'avancement ; / l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : / la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à un échelon correspondant à un indice égal ou immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : / la mise à la retraite d'office ; / la révocation. (...) ".

10. Eu égard à la nature et à la gravité de griefs énoncés au point 7 ci-dessus du présent arrêt, et alors que, ainsi qu'il a été déjà dit, ce dernier avait fait l'objet d'un rappel à ses obligations déontologiques et s'était vu infliger une sanction d'exclusion disciplinaire qu'il n'avait au demeurant pas encore purgée au moment de l'incident susmentionné, l'appelant n'est pas fondé à soutenir qu'en décidant de le révoquer, la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. Ce moyen doit, dès lors, être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 7 février 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de l'arrêté de la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence du 9 novembre 2021. Ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement et ses conclusions, nécessairement secondes à celles-ci, tendant à l'annulation de cet arrêté doivent dès lors être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

14. D'une part, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... sollicite au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

15. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions par la métropole intimée.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la métropole Aix-Marseille-Provence tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la métropole Aix-Marseille-Provence.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

2

No 23MA00829


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00829
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03-01 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Motifs. - Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : ROZE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;23ma00829 ?
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