Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux et de la taxe sur les plus-values immobilières prévue à l'article 1609 nonies G du code général des impôts auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015, à raison de la plus-value résultant de la cession d'un bien immobilier situé à Nice.
Par un jugement n° 2001821 du 3 décembre 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 janvier 2022 et 3 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Ramon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001821 du 3 décembre 2021 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de prononcer la décharge demandée au tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- l'administration a tacitement accepté ses observations, du fait de la tardiveté de la réponse aux observations du contribuable, en application de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales ;
- alors que l'administration a admis le bien-fondé de sa réclamation, elle ne l'a pas informé de sa persistance de l'intention de l'imposer et a ainsi manqué aux principes de clarté, de transparence et de loyauté ;
- la réponse aux observations du contribuable est insuffisamment motivée ;
- il est en droit de bénéficier de l'exonération de plus-value prévue au 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts, dès lors qu'il avait établi sa résidence principale dans l'appartement qui a fait l'objet de la cession litigieuse et que le délai pendant lequel le bien est resté inoccupé est normal.
Par des mémoires en défense enregistrés les 5 mai 2022 et 1er février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire distinct, enregistré le 7 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Ramon, a demandé à la Cour, à l'appui de sa requête, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales créées par l'article 14, III de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a demandé à la Cour de ne pas faire droit à la transmission demandée.
Par une ordonnance du 1er juillet 2022, la présidente de la 3ème chambre de la Cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la demande de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité.
Par une ordonnance du 3 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Platillero, président assesseur, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
- et les observations de Me Ramon, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) C...a cédé, par acte du 10 juin 2015, le bien dont elle était propriétaire au 80, avenue du D...à Nice, pour un montant de 970 000 euros. Estimant que ce bien constituait la résidence principale de M. B..., son associé à hauteur de 99 %, la société a revendiqué l'exonération de la plus-value réalisée au profit de ce dernier, sur le fondement du 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts. A l'issue d'un contrôle sur pièces, une proposition de rectification du 22 janvier 2018 a été notifiée à M. B..., remettant en cause cette exonération. Au terme de la procédure, l'intéressé a ainsi été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux et à la taxe sur les plus-values prévue à l'article 1609 nonies G du code général des impôts au titre de l'année 2015, assorties des intérêts de retard. M. B... relève appel du jugement du 3 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces impositions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments de M. B..., a suffisamment exposé au point 15 du jugement attaqué les motifs sur lesquels il s'est fondé pour estimer, d'une part, que le bien en litige ne constituait pas la résidence principale de M. B... au jour de la cession, et, d'autre part, que le délai de cession depuis la date à laquelle ce bien avait cessé de constituer une résidence principale ne pouvait être regardé comme normal, le bien-fondé des motifs étant sans incidence sur la régularité du jugement. M. B... n'est ainsi pas fondé à soutenir que ce jugement est insuffisamment motivé.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Aux termes de l'article L. 57 A du même livre : " I. En cas de vérification de comptabilité ou d'examen de comptabilité d'une entreprise ou d'un contribuable exerçant une activité industrielle ou commerciale dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 526 000 € s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou à 460 000 € s'il s'agit d'autres entreprises ou d'un contribuable se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes est inférieur à 460 000 €, l'administration répond dans un délai de soixante jours à compter de la réception des observations du contribuable faisant suite à la proposition de rectification mentionnée au premier alinéa de l'article L. 57. Le défaut de notification d'une réponse dans ce délai équivaut à une acceptation des observations du contribuable (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 dudit livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ".
5. D'une part, les articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales ne fixent pas de délai à l'administration pour répondre aux observations du contribuable. Par ailleurs, M. B..., qui n'a pas fait l'objet d'une vérification de comptabilité ou d'un examen de comptabilité, n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 57 A de ce livre. Il n'est ainsi pas fondé à se plaindre du délai de la réponse de l'administration à ses observations consécutives à la proposition de rectification du 22 janvier 2018 intervenue par réponse aux observations du contribuable du 4 juin 2019 et à soutenir que ses observations auraient été tacitement acceptées. A cet égard, M. B... n'est en tout état de cause pas fondé à se prévaloir de l'instruction administrative référencée BOI-CF-IOR-10-50 n° 570 du 4 octobre 2017, qui se rapporte à la procédure d'imposition et ne contient ainsi aucune interprétation formelle de la loi fiscale.
6. D'autre part, si M. B... soutient que la réponse aux observations du contribuable du 4 juin 2019 est insuffisamment motivée en ce qui concerne le rejet de ses observations relatives à son retour dans l'appartement situé au 80 avenue du F... de G... au début de l'année 2015, il résulte de l'instruction que, dans ses observations consécutives à la proposition de rectification, il s'est borné sur ce point à indiquer qu'il avait réintégré l'appartement en cause au motif qu'il ne pouvait assumer les charges y afférentes en sus de celles relatives à l'appartement qu'il occupait en vertu d'un bail d'habitation. L'administration a ainsi suffisamment répondu à ces observations en exposant l'ensemble des éléments au titre desquels elle estimait que l'appartement en litige ne constituait pas la résidence principale du contribuable et en particulier en écartant l'argument avancé, au motif notamment que le bail de location précité avait perduré jusqu'en 2017.
7. En second lieu, il résulte de l'instruction qu'à la suite de la réception d'une mise en demeure de payer du 16 août 2019, M. B... a formé une opposition à poursuite, qui a été admise par une décision du 19 novembre 2019 du directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes, au motif qu'avait été reçue une réclamation d'assiette du 23 août 2019 assortie d'une demande de sursis de paiement. Le service du recouvrement s'est ainsi borné à annuler l'acte attaqué, soit la mise en demeure précitée, au motif que l'opposition à poursuite, qui constitue une réclamation préalable obligatoire, était fondée, mais n'a aucunement prononcé un dégrèvement des impositions en statuant sur la réclamation d'assiette. M. B... n'est ainsi pas fondé à soutenir que l'administration aurait admis le bien-fondé de sa réclamation d'assiette. Et en l'absence de dégrèvement des impositions, l'administration n'était pas tenue d'informer préalablement M. B... de la persistance de son intention de l'imposer et n'a en tout état de cause pas manqué aux principes de clarté, de transparence et de loyauté.
Sur le bien-fondé des impositions :
8. Aux termes de l'article 150 U du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH (...) II. Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession (...) ".
9. La résidence principale est le lieu où le contribuable réside habituellement et effectivement pendant la majeure partie de l'année, une utilisation temporaire d'un logement ne pouvant être regardée comme suffisante pour que le logement ait le caractère, au jour de la cession, d'une résidence principale susceptible de bénéficier de l'exonération prévue au 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts. Par ailleurs, un immeuble ne perd pas sa qualité de résidence principale du cédant au jour de la cession du seul fait que celui-ci a libéré les lieux avant ce jour, à condition que le délai pendant lequel l'immeuble est demeuré inoccupé puisse être regardé comme normal. Il en va ainsi lorsque le cédant a accompli les diligences nécessaires, compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l'immeuble et du contexte économique et réglementaire local, pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de sa résidence habituelle dans un autre lieu.
10. M. B... soutient qu'il est en droit de bénéficier de l'exonération de plus-value prévue au 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts, dès lors, d'une part, qu'au jour de la cession, il avait établi sa résidence principale dans l'appartement situé 80, avenue du F... de G... depuis le début de l'année 2015, et, d'autre part, que, dès lors que cet appartement a en tout état de cause constitué sa résidence principale jusqu'au 1er février 2012, le délai pendant lequel le bien est resté inoccupé est normal.
11. D'une part, il résulte de l'instruction que M. B... a porté dans ses déclarations d'impôt sur le revenu au titre des années 2013 à 2016 une adresse aux 1er janvier 2014 à 2017 au 132, avenue E...à Nice, à raison de laquelle il a été assujetti avec son épouse à une taxe d'habitation bénéficiant des abattements légaux pour résidence principale et personnes à charge. S'il fait valoir qu'il a réintégré l'appartement situé au 80, avenue du F... de G... depuis le début de l'année 2015, sans d'ailleurs indiquer de date exacte, jusqu'à sa cession le 10 juin 2015, du fait d'une séparation avec son épouse, il se borne à produire des attestations qui ne permettent pas d'établir l'établissement d'une résidence principale mais tout au plus une occupation provisoire, M. B... reconnaissant au demeurant qu'il a intégré le bien en cause en vue de réaliser sa vente dans les meilleurs délais. Par ailleurs, M. B... a opté dans sa déclaration de revenus de l'année 2015 pour les frais réels, qu'il a calculés à partir d'une résidence principale au 132, avenue E.... De même, si M. B... s'est présenté en décembre 2015 au service des impôts pour solliciter un dégrèvement de la taxe sur les logements vacants, il s'est seulement prévalu de la mise en vente du bien, mais n'a aucunement précisé que ce bien aurait constitué sa résidence principale au cours de l'année 2015. En outre, le requérant ne produit aucun élément matériel, relatif par exemple à un déménagement d'effets personnels ou à une réexpédition de courrier, qui permettrait d'établir un transfert de sa résidence principale. A cet égard, si M. B... se prévaut d'une comparaison de la consommation d'électricité au sein de l'appartement en litige entre les périodes de décembre 2013 à juillet 2014 et de décembre 2014 à juin 2015, il omet d'exposer la consommation de la période de juillet à décembre 2014, qui établit que la consommation d'électricité a diminué entre cette période où le logement était inoccupé et la suivante où ce logement aurait constitué une résidence principale. Dans ces conditions, l'appartement situé 80, avenue du F... de G... ne peut être regardé comme constituant la résidence principale de M. B... à la date de la cession le 10 juin 2015.
12. D'autre part, si l'appartement situé au 80, avenue du F... de G... a constitué la résidence principale de M. B... et de son épouse jusqu'au 1er février 2012, il résulte de l'instruction que cet appartement, acquis en décembre 2009, a été mis en vente dès le 25 juin 2010, à un prix double de celui d'acquisition. Si M. B... justifie qu'il a accordé divers mandats de vente à des agences immobilières, la vente n'a pu être réalisée qu'à la suite d'une baisse de prix consentie en 2013 et 2014. S'il fait valoir que le motif de la cession résultait de l'existence de charges de copropriété trop élevées, il n'en demeure pas moins qu'il ne résulte d'aucune des pièces produites que le prix demandé, dans des délais raisonnables à compter de la date du transfert de la résidence habituelle, aurait permis la réalisation d'une vente, l'ensemble des attestations des agences immobilières mentionnant ces baisses de prix pour permettre la vente, l'une d'entre elles, établie en 2013, faisant au demeurant état de ce que " les biens au juste prix se vendent ", une autre rappelant que la vente n'a pu se faire " aux conditions du mandat ". En outre, ces attestations mentionnent de nombreuses visites, sans que soit précisé le montant d'éventuelles offres reçues. Par ailleurs, en se bornant à se prévaloir du volume général des ventes immobilières dans le département des Alpes-Maritimes en 2012 et 2013, M. B... n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations selon lesquelles le contexte économique local aurait fait obstacle à une vente dans des délais raisonnables et à un prix adapté, l'administration justifiant d'ailleurs de la cession de biens de qualité équivalente au cours des années 2011 à 2013. Enfin, si M. B... se prévaut des caractéristiques du bien, il se borne à constater qu'il s'agit d'un appartement de grand standing avec des charges de copropriété élevées et à se prévaloir d'une attestation d'une agence faisant état d'une configuration des lieux susceptibles de freiner une clientèle âgée. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait accompli les diligences nécessaires pour mener à bien la vente dans les meilleurs délais à compter du transfert de la résidence principale et que le bien en litige aurait conservé une telle qualité entre le 1er février 2012 et la date de sa cession, le 10 juin 2015. A cet égard, la circonstance que l'administration a prononcé un dégrèvement de la taxe sur les logements vacants au titre des années 2014 et 2015, au motif que l'appartement était en vente, est sans incidence sur l'appréciation des diligences accomplies, qui n'étaient pas suffisantes pour permettre de regarder le délai pendant lequel le bien est resté inoccupé comme normal.
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 et 12 que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause l'exonération dont il avait entendu bénéficier à raison de la cession d'une résidence principale, en application du 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts. A cet égard, il n'est en tout état de cause pas fondé à se prévaloir de la doctrine référencée BOI-RFPI-PVI-10-40-10 publiée le 19 décembre 2018, qui ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions en litige doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, où siégeaient :
- M. Platillero, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Mastrantuono, première conseillère,
- M. Mérenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.
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N° 22MA00036