Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2210871 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2023, Mme C..., représentée par Me Ramon, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou à défaut de l'article L. 435-1 du même code, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui octroyer le bénéfice du regroupement familial dans un délai de quinze jours et de lui délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans et en tout état de cause de réexaminer sa situation ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas correctement apprécié l'état de santé de son époux ;
- le tribunal a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires qui justifient son séjour ;
- le tribunal a estimé à tort qu'elle ne pouvait pas prétendre au regroupement familial ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, notamment en ce qu'il ne fait pas mention de l'état de santé de son époux, révélant un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- il méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de l'état de santé de son époux qui nécessite la présence, indispensable, de son épouse à ses côtés ;
- il porte atteinte à sa vie privée et familiale ;
- il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 5 de l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 et l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle peut prétendre au regroupement familial.
Le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas produit de mémoire en défense.
Un courrier du 11 octobre 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 20 décembre 2023.
Mme C... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 22 novembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée le 27 juin 2022 Mme C..., ressortissante marocaine, sur le fondement de sa vie privée et familiale, et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme C... relève appel du jugement du 30 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille en date du 30 juin 2023, Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il n'y a donc plus lieu de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur la régularité du jugement :
3. Il n'appartient pas au juge d'appel d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la requérante ne peut utilement se prévaloir, pour contester la régularité du jugement attaqué de ce que le tribunal n'aurait pas correctement apprécié l'état de santé de son époux, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires justifiant son séjour ou encore de ce que le tribunal aurait estimé à tort qu'elle ne pouvait pas prétendre au regroupement familial.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté serait insuffisamment motivé et serait entaché d'un défaut d'examen particulier de la situation de la requérante par adoption des motifs suffisamment précis et circonstanciés retenus par les premiers juges aux points 3 et 4 du jugement, la requérante ne faisant valoir aucun élément distinct de ceux déjà soumis à l'appréciation des premiers juges.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Et selon l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Enfin, l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories (...) qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...). ".
6. Mme C... soutient que sa présence serait indispensable compte tenu de l'état de santé de son époux, avec lequel elle est mariée depuis 2005, qui est atteint de la maladie de Parkinson et est titulaire d'une carte de résident depuis 2014. L'attestation du 10 juin 2022 établie par le centre hospitalier d'Arles mentionne que la présence de la requérante auprès de son époux est " nécessaire ". Celle du même jour établie par le centre hospitalier de Nîmes mentionne que " ses troubles neurologiques irréversibles et invalidants justifient un regroupement familial ". Le 30 novembre 2022, le centre hospitalier d'Arles indique à nouveau que " l'évolution de sa maladie rend nécessaire la présence de son épouse auprès de lui ". Et il ressort d'une attestation établie par le centre hospitalier universitaire de Nîmes le 5 décembre 2022 que cette aide est désormais " absolument indispensable ", et d'une attestation établie le 13 décembre 2022 par un médecin généraliste que l'aide de Mme C... est " indispensable en raison de son état de santé ". Toutefois, ces attestations, au demeurant postérieures à la décision attaquée, ne permettent pas de démontrer que Mme C... serait la seule personne à même d'apporter à son époux l'aide dont il a besoin, alors, en premier lieu, que l'état de santé de M. C... nécessitait déjà l'assistance d'une tierce personne en 2015, ainsi qu'il ressort du certificat médical établi par le centre hospitalier universitaire de La Timone le 16 juillet 2015, en deuxième lieu, que la présence de l'intéressée en France est très récente, celle-ci étant arrivée en France le 7 juin 2022 sous couvert d'un visa délivré par les autorités espagnoles et, en troisième lieu, que les enfants mineurs du couple demeurent dans leur pays d'origine. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle ne peut d'ailleurs utilement invoquer dès lors qu'elle entre dans les catégories qui ouvrent droit au regroupement familial, et celui tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions et de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent.
8. En quatrième et dernier lieu, dès lors que Mme C... a déposé une demande de titre de séjour mention " vie privée et familiale " et qu'elle ne démontre pas que son mari aurait présenté une demande de regroupement familial, elle ne peut utilement soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de la faire bénéficier du regroupement familial prévu par l'article 5 de l'accord franco-marocain et l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Ramon.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 15 janvier 2024, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 janvier 2024.
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N° 23MA01037