Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le président du directoire du grand port maritime de Marseille a déféré au tribunal administratif de Marseille, comme prévenue d'une contravention de grande voirie, la société Mediterranean Shipping Company (MSC) et a demandé à la juridiction, d'une part, de constater que les faits établis par le procès-verbal du 1er avril 2022 constituent la contravention prévue et réprimée par les articles L. 5335-2 et L. 5337-1 du code des transports et l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques, et d'autre part, de condamner en conséquence la société au paiement d'une amende de 800 euros ainsi qu'au versement d'une somme de 26 933,35 euros hors-taxes, en remboursement des frais avancés pour la remise en état d'installations portuaires.
Par un jugement n° 2204967 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a condamné la société MSC à payer une amende de 1 000 euros et à verser au grand port maritime de Marseille la somme de 26 933,35 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 février et 15 juin 2023, la société MSC, représentée par Me Lemarié, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 décembre 2022 ;
2°) de la relaxer de toutes poursuites ;
3°) de mettre à la charge du grand port maritime de Marseille une somme de 7 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la rupture des bollards d'amarrage résulte exclusivement d'un défaut d'entretien imputable à l'administration et assimilable à un cas de force majeure ; la base des bollards était en effet corrodée de façon importante et n'avait fait l'objet d'aucun entretien contrairement aux préconisations ;
- aucun autre lien de causalité n'est établi ; la force du vent n'était pas importante ; le système de propulsion n'a pas été mis en fonctionnement ; le plan d'amarrage était correct au regard du type de bollard et avait été validé par l'officier du port qui n'avait prescrit aucune mesure ; les guindeaux du navire sont en outre équipés d'un système automatique de contrôle et de régulation de la tension des amarres qui n'a pas déclenché d'alarme de surtension ; les calculs et l'ordre de rupture des bollards démontrent que la tension n'était ni excessive, ni déséquilibrée ; l'état de la maçonnerie ne démontre pas l'inverse.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2023, le grand port maritime de Marseille, représenté par la SCP Gobert et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société MSC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des transports ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Morabito, représentant le grand port maritime de Marseille.
Considérant ce qui suit :
1. Dans la nuit du 1er avril 2022, deux des bollards sur lesquels le navire porte-containers MSC LENI, long de 399 mètres et large de 61,54 mètres, était amarré à quai dans le terminal Seayard du port maritime de Marseille ont brutalement cédé et sont tombés dans le port. La société MSC, propriétaire du navire, relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille qui, ayant constaté qu'une contravention de grande voirie était constituée, l'a condamnée à payer une amende de 1 000 euros et à verser au grand port maritime de Marseille la somme de 26 933,35 euros en réparation des dommages occasionnés aux installations portuaires.
2. Aux termes de l'article L. 5335-2 du code des transports : " Il est interdit de porter atteinte au bon état et à la propreté du port et de ses installations, notamment de jeter dans les eaux du port tous déchets, objets, terre, matériaux ou autres ". Aux termes de l'article L. 5337-1 du même code : " Sans préjudice des sanctions pénales encourues, tout manquement aux dispositions du chapitre V du présent titre, à celles du présent chapitre et aux dispositions réglementant l'utilisation du domaine public, notamment celles relatives aux occupations sans titre, constitue une contravention de grande voirie réprimée dans les conditions prévues par les dispositions du présent chapitre ". Aux termes de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal. / Dans tous les textes qui prévoient des peines d'amendes d'un montant inférieur ou ne fixent pas le montant de ces peines, le montant maximum des amendes encourues est celui prévu par le 5° de l'article 131-13. / Dans tous les textes qui ne prévoient pas d'amende, il est institué une peine d'amende dont le montant maximum est celui prévu par le 5° de l'article 131-13 ".
3. Lorsque le juge administratif est saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie, il ne peut légalement décharger le contrevenant de l'obligation de réparer les atteintes portées au domaine public qu'au cas où ce dernier produit des éléments de nature à établir que le dommage est imputable, de façon exclusive, à un cas de force majeure ou à un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure.
4. Aux termes de l'article R. 5333-10 du code des transports : " L'autorité investie du pouvoir de police portuaire fait placer dans le port les navires, bateaux et engins flottants aux postes à quai attribués par l'autorité portuaire. / Ceux-ci sont amarrés sous la responsabilité de leur capitaine ou patron, conformément aux usages maritimes et aux prescriptions qui leur sont signifiées par l'autorité investie du pouvoir de police portuaire. / (...) / En cas de nécessité, tout capitaine, patron, ou gardien à bord doit renforcer ou faire renforcer les amarres et prendre toutes les précautions qui lui sont prescrites sur ordre de l'autorité investie du pouvoir de police portuaire. / (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les capitaines de navires sont tenus, dans l'exercice des manœuvres d'amarrage qu'ils effectuent, de se conformer aux consignes qui leur sont données par les autorités portuaires, sous la responsabilité de ces dernières.
5. En l'espèce, si le grand port maritime de Marseille soutient que l'accident résulterait de la non-conformité de l'amarrage du navire aux usages maritimes, au regard des caractéristiques du bateau, des conditions de son chargement, de la force du vent et des courants, il est constant que l'autorité investie du pouvoir de police portuaire n'a signifié aucune consigne au capitaine pour modifier celui-ci, ce qu'elle n'aurait pourtant pas manqué de faire si une insuffisance ou une inadaptation avait été constatée, eu égard notamment au caractère exceptionnel des dimensions de ce navire qui appelait une particulière vigilance. Dès lors, et compte-tenu par ailleurs des conditions météorologiques, de l'ordre dans lequel les bollards ont cédé, de leur corrosion manifeste corroborée tant par les photographies versées au dossier que par l'absence de tout plan d'entretien de ces installations, il résulte de l'instruction que l'accident est dû, ainsi que le conclut le rapport établi par un bureau d'expertise maritime à la demande de la société MSC, à l'usure excessive des bollards, qui n'en a pas permis l'usage normal. Il est ainsi imputable à une faute de l'administration assimilable à un cas de force majeure, exonératoire de la responsabilité du capitaine et de la société requérante.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société MSC est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille l'a, par le jugement attaqué, condamnée à payer une amende de 1 000 euros et à verser au grand port maritime de Marseille la somme de 26 933,35 euros. Il y a lieu d'annuler ce jugement et de relaxer la société MSC des fins de la poursuite.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de la société MSC sur leur fondement. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à ce titre une somme de 2 000 euros à la charge du grand port maritime de Marseille, au bénéfice de la société MSC.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 décembre 2022 est annulé.
Article 2 : La société MSC est relaxée des fins de la poursuite.
Article 3 : Le grand port maritime de Marseille versera la somme de 2 000 euros à la société MSC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le grand port maritime de Marseille sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société MSC et au grand port maritime de Marseille.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2024.
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N° 23MA00503
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