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26/01/2024 | FRANCE | N°22MA01702

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 26 janvier 2024, 22MA01702


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Jet Loc du Golfe a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler la décision du 11 juin 2020 par laquelle le préfet de Corse-du-Sud a rejeté sa demande d'autorisation d'exercer l'activité d'initiation à la conduite et à la randonnée encadrées en véhicule nautique à moteur, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Corse-du-Sud de procéder à l'instruction de sa demande dans un délai de huit

jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Jet Loc du Golfe a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler la décision du 11 juin 2020 par laquelle le préfet de Corse-du-Sud a rejeté sa demande d'autorisation d'exercer l'activité d'initiation à la conduite et à la randonnée encadrées en véhicule nautique à moteur, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Corse-du-Sud de procéder à l'instruction de sa demande dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2000744 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision du 11 juin 2020 du préfet de Corse-du-Sud, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SASU Jet Loc du Golfe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juin 2022, la secrétaire d'Etat chargée de la mer demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 19 avril 2022 ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par la SASU Jet Loc du Golfe.

Elle soutient que :

- les visas des dispositions législatives et réglementaires dont il est fait application ne sont pas mentionnés ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de fait en considérant que l'emplacement de la base nautique et de l'appontement étaient situés au niveau de l'hôtel Le Goëland alors qu'il se trouve en réalité sur le domaine public maritime sans autorisation ;

- le jugement est entaché d'une erreur de qualification juridique des faits dès lors que la décision de refus d'agrément est fondée sur la règlementation en vigueur en matière de police de la navigation et d'encadrement des activités d'initiation à la conduite et à la randonnée en véhicules nautiques à moteur.

La requête a été transmise à la SASU Jet Loc du Golfe qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2007-1167 du 2 août 2007 ;

- l'arrêté du 1er avril 2008 relatif à l'initiation et à la randonnée encadrées en véhicule nautique à moteur ;

- l'arrêté n° 083/2020 du 20 mai 2020 du préfet maritime de la Méditerranée réglementant la navigation, le mouillage des navires, la plongée sous-marine et la pratique des sports nautiques de vitesse dans la bande littorale des 300 mètres bordant la commune de Porto-Vecchio ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Jet Loc du Golfe, qui exerce une activité de location de véhicules nautiques et terrestres, a déposé le 24 avril 2019 une demande d'agrément pour l'exercice de l'activité saisonnière d'initiation à la conduite et à la randonnée encadrées en véhicules nautiques à moteur. Un agrément d'une durée d'un an lui a été délivré par décision du 23 mai 2019. Cependant, constatant que la base nautique et l'appontement de la société étaient implantés sans droit ni titre sur le domaine public maritime, la SASU Jet Loc du Golfe a notamment fait l'objet, par deux décisions du préfet de Corse-du-Sud du 30 juillet 2019 et du 8 août 2019, d'une suspension temporaire d'activité et d'un procès-verbal de contravention de grande voirie daté 6 août 2019. Le préfet de Corse-du-Sud a rejeté ensuite la demande de renouvellement d'agrément présentée le 28 février 2020 par la SASU Jet Loc du Golfe par une décision du 11 juin 2020, qui a été annulée par un jugement du 19 avril 2022 du tribunal administratif de Bastia. La secrétaire d'Etat chargée de la mer relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative relatif aux mentions obligatoires de la décision : " (...) Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

3. Si la secrétaire d'Etat soutient que le jugement attaqué est irrégulier en se bornant à viser uniquement le code de justice administrative, elle ne précise pas, en tout état de cause, les dispositions législatives ou réglementaires que le tribunal aurait omis de viser. Il ressort par ailleurs de ce jugement que le tribunal a annulé la décision du préfet de Corse-du-Sud pour une erreur de fait et que si le jugement n'a pas visé l'arrêté du 20 mai 2020 du préfet maritime de la méditerranée, les motifs et en particulier son point 2 font mention de l'annexe VII de cet arrêté qui matérialise le lieu où est situé le chenal de navigation n° 11 en litige. Par suite, le moyen qui est tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ne peut qu'être écarté.

4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

5. Il ressort des motifs du jugement attaqué, en particulier de son point 2, que les premiers juges ont expliqué les raisons pour lesquelles la demande de renouvellement d'agrément en litige avait été refusée et ont précisé en quoi celle-ci ne pouvait être refusée au motif qu'elle portait sur un lieu d'implantation de la base nautique et de l'appontement identique à celui qui avait donné lieu en 2019 à un procès-verbal de constat d'une infraction de grande voirie. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement, laquelle ne se confond pas avec le bien-fondé des motifs, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. Aux termes de l'article 10 du décret du 2 août 2007 relatif au permis de conduire et à la formation à la conduite des bateaux de plaisance à moteur : " La pratique de l'initiation à la conduite des véhicules nautiques à moteur et celle, à bord de ces mêmes véhicules, de la randonnée encadrée par un moniteur diplômé, pour les personnes âgées de plus de seize ans et non titulaires d'un titre de conduite, peuvent s'effectuer en eaux maritimes et en eaux intérieures selon des dispositions fixées par un arrêté des ministres chargés de la mer et des transports ". En vertu des dispositions de l'arrêté interministériel du 1er avril 2008 relatif à l'initiation et à la randonnée encadrées en véhicule nautique à moteur, les établissements qui proposent " la conduite par des non-titulaires d'un titre de conduite, dans les eaux maritimes et les eaux intérieures, d'un véhicule nautique à moteur " doivent être agréés, cet agrément ayant une durée d'un an.

7. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 20 mai 2020 du préfet maritime de la Méditerranée réglementant la navigation, le mouillage des navires, la plongée sous-marine et la pratique des sports nautiques de vitesse dans la bande littorale des 300 mètres bordant la commune de Porto-Vecchio : " Dans le dispositif du plan de balisage des plages de la commune de Porto-Vecchio sont créés : (...) 1.1.6 Golfe de Porto-Vecchio (annexe VII) / - chenal n° 11 situé au droit de la plage du Goëland et orienté au nord-ouest ". L'article 2 de cet arrêté dispose que " La navigation des véhicules nautiques à moteur (VNM) est interdite dans la bande littorale des 300 mètres balisée, à l'exception des chenaux d'accès au rivage définis à l'article 1 ". L'article 3 du même arrêté dispose que les " chenaux définis à l'article 1 sont réservés aux navires, embarcations et engins immatriculés motorisés ou à moteur ainsi qu'aux véhicules nautiques à moteur (VNM). ". Enfin, l'annexe 7 du même arrêté décrit le balisage des chenaux de navigation n° 11 à 14.

8. Il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse, qui se fonde expressément sur le plan de balisage de la commune de Porto-Vecchio approuvé par l'arrêté précité du 20 mai 2020, mentionne parmi ses motifs, d'une part, l'installation irrégulière sur le domaine public maritime, constatée par procès-verbal du 3 septembre 2019, d'un ponton flottant accueillant les véhicules nautiques à moteur au droit du terre-plein de l'avenue Georges Pompidou, d'autre part, l'incompatibilité de la situation de ce ponton avec les règles de navigation applicables, qui amène les véhicules nautiques à quitter et à regagner la côte sans emprunter de chenal de navigation, enfin, la circonstance que, pour l'année 2020, l'emplacement de la base nautique destinée au départ des véhicules est identique à celui ayant donné lieu au constat du 3 septembre 2019. La décision précise par ailleurs que la SASU Jet Loc du Golfe et son gérant ont été condamnés, par un jugement du tribunal administratif de Bastia du 30 janvier 2020, à démolir la base d'activité et de loisirs implantée irrégulièrement sur le domaine public maritime et utilisée par les véhicules nautiques à moteur. Si la SASU Jet Loc du Golfe fait valoir que son dossier de demande de renouvellement de l'agrément mentionnait explicitement que l'amarrage des véhicules nautiques se fera au port de plaisance situé à proximité immédiate de l'hôtel " Le Goëland " et que les départs et arrivées de ces derniers s'effectueront en empruntant le chenal de navigation n° 11 de ce port, le préfet a pu légalement retenir, eu égard aux circonstances susmentionnées, alors que la société s'était déjà prévalue, lors de la demande de son premier agrément, d'un amarrage au port de plaisance situé à proximité immédiate de l'hôtel " Le Goëland " et qu'il n'est pas établi que les lieux occupés sans droit ni titre auraient été remis dans leur état primitif à la suite de la condamnation précitée, que les conditions de départs, d'arrivées et d'arrimages des véhicules nautiques à moteur sont contraires aux prescriptions règlementaires précitées et sont entachées des mêmes irrégularités que celles constatées l'année précédente. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a estimé que le préfet de Corse-du-Sud avait entaché sa décision d'une erreur de fait.

9. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens articulés devant le tribunal par la SASU Jet Loc du Golfe.

Sur les autres moyens de la demande présentée par la SASU Jet Loc du Golfe :

10. Aux termes de l'article 1.2 de l'arrêté du 1er avril 2008 relatif à l'initiation et à la randonnée encadrées en véhicule nautique à moteur : " L'établissement proposant cette prestation dépose un dossier de demande d'agrément auprès du service instructeur géographiquement compétent défini par l'arrêté du 28 août 2007 susvisé. / Ce dossier comporte les documents suivants : (...) ". Aux termes de l'article 1.5 de cet arrêté : " L'autorité ayant délivré l'agrément met fin, sur proposition du service instructeur, à cet agrément lorsqu'une des conditions prévues pour sa délivrance cesse d'être remplie, après avoir adressé à l'établissement une lettre motivée l'informant de son intention et mis à même son représentant légal de présenter ses observations au plus tard huit jours après la réception de la lettre d'information. (...) ".

11. Le présent litige porte sur la contestation d'une décision refusant le renouvellement d'un agrément, en réponse à la demande présentée le 28 février 2020 à la SASU Jet Loc du Golfe pour exercer l'activité d'initiation et de randonnée encadrées en véhicule nautique à moteur. Dès lors, cette dernière ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 1.5 de l'arrêté du 1er avril 2008 qui concernent la procédure à suivre en cas de retrait et non de délivrance ou de renouvellement de cet agrément. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait méconnu le caractère contradictoire de la procédure prévu par ces dispositions doit être écarté.

12. Il résulte des éléments exposés au point 8 que le préfet de Corse-du-Sud a pu, à bon droit, rejeter la demande de renouvellement d'agrément de la SASU Jet Loc du Golfe en se fondant sur le caractère erroné des indications qu'elle avait portées sur les conditions de départs, d'arrivées et d'arrimages de ses véhicules nautiques à moteur. Par suite, la SASU Jet Loc du Golfe, qui ne peut utilement invoquer les dispositions précitées de l'article 1.2 de l'arrêté du 1er avril 2008 portant sur le contenu du dossier de demande d'agrément à déposer, n'est pas fondée à soutenir que le préfet de Corse-du-Sud a, en prenant la décision contestée, ajouté des conditions non prévues par les dispositions réglementaires applicables.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par la SASU Jet Loc du Golfe tendant à l'annulation de la décision du 11 juin 2020 rejetant sa demande de renouvellement d'agrément doivent être rejetées, ainsi que par voie de conséquence celles présentées à fin d'injonction.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2000744 du 19 avril 2022 du tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Bastia par la SASU Jet Loc du Golfe est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au secrétaire d'Etat chargé de la mer et à la société par actions simplifiée unipersonnelle Jet Loc du Golfe.

Copie en sera adressée au préfet de Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la cour,

- Mme Rigaud, présidente assesseure,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 janvier 2024.

N° 22MA01702


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01702
Date de la décision : 26/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-17 Police. - Polices spéciales. - Police en mer (voir : Mer).


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-26;22ma01702 ?
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