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23/01/2024 | FRANCE | N°23MA00445

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 23 janvier 2024, 23MA00445


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 12 avril 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2202156 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. A....



Procédure devant la Cour :

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Par une requête, enregistrée le 22 février 2023, M. A..., représenté par Me Antoine, demande à la Cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 12 avril 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202156 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2023, M. A..., représenté par Me Antoine, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2202156 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Nice et d'annuler l'arrêté du 12 avril 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " membre de famille d'un citoyen de l'Union " ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision du préfet est entachée d'une erreur de droit et méconnaît l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, l'article 7 de la directive 2004/38/CE et l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il exerce une autorité parentale sur sa fille, qu'il dispose de ressources suffisantes, qu'il exploite un salon de coiffure et dispose d'une assurance maladie car il s'acquitte ainsi que son épouse de cotisations sociales ;

- le préfet ne pouvait lui opposer une réserve d'ordre public, sur le fondement de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour prendre à son encontre un refus de titre de séjour et une mesure d'éloignement, car il est père d'une enfant de nationalité espagnole et que seules pouvaient s'appliquer les dispositions de l'article L. 200-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la décision, en ce qu'elle ne lui applique pas la directive 2004/38/CE ni l'article L. 200-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui fait grief ;

- la mise en œuvre de l'arrêté emporterait violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que son enfant n'a aucun lien avec son pays d'origine, l'Espagne ;

- avec sa famille, il est parfaitement intégré en France au regard des critères fixés par la directive 2004/38/CE et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il ne présente pas une menace réelle et actuelle pour l'ordre public dès lors qu'il n'a jamais été emprisonné et qu'il suit de façon assidue ses obligations, notamment son obligation de suivre des soins ;

- il a acquis un droit au séjour permanent sur le fondement de l'article L. 234-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par ordonnance du 4 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 octobre 2023 à 12 heures.

Un mémoire en défense, présenté par le préfet des Alpes-Maritimes, enregistré le 2 janvier 2024, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union Européenne C-413/99 du

17 septembre 2002, C-200/02 du 19 octobre 2004, C-34/09 du 8 mars 2011, C-86/12 du 10 octobre 2013 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Martin.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 12 avril 2022, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande d'admission au séjour de M. A..., ressortissant marocain né le 17 juin 1974, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 2 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) 4° Ils sont membres de famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; (...). ". Et aux termes de l'article L. 233-2 de ce même code : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. (...) Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. /

2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres : / a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ; (...) / Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. ". L'article 21 de ce traité dispose : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application. (...) ". Aux termes de l'article 7 de la directive susvisée du

29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois : (...) b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil (...) / 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) ".

4. Ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), notamment dans les arrêts visés ci-dessus, confèrent au ressortissant mineur d'un Etat membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un Etat tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes. L'Etat membre d'accueil, qui doit assurer aux citoyens de l'Union la jouissance effective des droits que leur confère ce statut, ne peut refuser à l'enfant mineur, citoyen de l'Union, et à son parent, le droit de séjourner sur son territoire que si l'une au moins de ces deux conditions, dont le respect permet d'éviter que les intéressés ne deviennent une charge déraisonnable pour ses finances publiques, n'est pas remplie.

5. Pour refuser l'admission au séjour de M. A..., dont il n'est pas contesté qu'il est père d'une enfant de nationalité espagnole née le 11 juillet 2013, le préfet des Alpes-Maritimes s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé ne justifiait pas de ressources suffisantes pour lui et sa famille, ni l'exercice d'une activité salariée. Si l'intéressé établit, par la production de liasses fiscales, qu'au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2021, l'entreprise Rayane Coiffure qu'il dirige a réalisé un résultat d'exploitation de 8 453 euros, il ne démontre toutefois pas tirer de cette activité des ressources suffisantes au sens des dispositions citées au point 2 de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, si M. A... établit avoir également créé l'entreprise " Rayane Mécanique ", immatriculée le 29 octobre 2021 au registre du commerce et des sociétés, il n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'il tire un revenu quelconque de l'exploitation de cette entité. Enfin, et en tout état de cause, si M. A... produit la liasse fiscale d'un salon qui serait exploité par sa conjointe, laquelle a déclaré un résultat d'exploitation de 9 555 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2022, ce seul document ne permet pas davantage d'établir qu'à la date de la décision attaquée, soit le 12 avril 2022, les intéressés auraient justifié de ressources stables et suffisantes permettant d'éviter le risque qu'ils ne deviennent une charge déraisonnable pour les finances publiques.

6. En deuxième lieu, si le préfet des Alpes-Maritimes a également justifié l'arrêté attaqué par un autre motif, tiré de la menace à l'ordre public que constitue la présence en France de M. A..., il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur le motif tiré de l'absence de ressources stables et suffisantes permettant d'éviter le risque que l'intéressé ne devienne une charge déraisonnable pour les finances publiques.

Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait lui opposer l'existence d'une menace à l'ordre public ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 234-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne mentionnés à l'article

L. 233-1 qui ont résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquièrent un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français ".

8. M. A..., qui ne justifie pas qu'il aurait résidé de manière légale en France pendant les cinq années ayant précédé l'arrêté en litige, n'est pas fondé à soutenir qu'il bénéficiait d'un droit au séjour permanent en application des dispositions de l'article L. 234-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point précédent.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Si M. A... soutient être entré en France le 1er janvier 2015 et y résider avec son épouse, sa fille, née le 11 juillet 2013 qui est de nationalité espagnole, et son fils, né le 29 juin 2006, il ne justifie toutefois pas d'une intégration particulière dans la société française par la seule production de contrats de bail pour un logement et des quittances de loyers afférentes. Par ailleurs, alors que la conjointe de l'appelant était également en situation irrégulière à la date de l'arrêté attaqué, le récépissé de demande de carte de séjour versé dans l'instance lui ayant été délivré le 22 avril 2022 seulement, l'intéressé n'établit pas ni même n'allègue la présence en France d'autres membres de sa famille, et pas davantage être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu la majeure partie de son existence, et au sein duquel rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue. A l'exception de son activité professionnelle de gérant d'un salon de coiffure depuis le 4 juin 2021 et de la scolarisation en France de ses enfants, l'appelant ne se prévaut d'aucune intégration particulière. Dans ces conditions, compte tenu des conditions du séjour en France de M. A..., eu égard notamment à la condamnation prononcée le 2 octobre 2020 par le Tribunal correctionnel de Nice à un an d'emprisonnement avec sursis probatoire pendant deux ans pour des faits de détention de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique et agression sexuelle, l'arrêté attaqué n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des objectifs de cette mesure. Par suite, à les supposer soulevés, les moyens tirés d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés, de même, en tout état de cause, que le moyen tiré de la violation de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

12. Outre qu'aucun élément ne fait obstacle à ce que les enfants du couple poursuivent leur scolarité dans le pays d'origine de la famille, il résulte de ce qui a été exposé au point 10 que, par l'arrêté attaqué, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant, tel que protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par conséquent, être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Antoine et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.

2

No 23MA00445


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00445
Date de la décision : 23/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : ANTOINE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-23;23ma00445 ?
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