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18/01/2024 | FRANCE | N°23MA01596

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 18 janvier 2024, 23MA01596


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2300036 du 3 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour

:



Par une requête enregistrée le 26 juin 2023, M. B..., représenté par Me Leonard, demande à la Cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2300036 du 3 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 juin 2023, M. B..., représenté par Me Leonard, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 avril 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 décembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois aux fins de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à Me Leonard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le signataire de l'acte est incompétent ;

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet a méconnu le droit d'être entendu ;

- en refusant de l'admettre au séjour, le préfet a méconnu les articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée de la même erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 30 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- et les observations de Me Léonard, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant gabonais, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il relève appel du jugement du 3 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bienfondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., né le 4 avril 1993, est entré en France le 25 décembre 2016 sous couvert d'un visa Schengen d'une durée de validité de 15 jours. Il soutient qu'il vit depuis son arrivée en France avec sa mère, de nationalité gabonaise, qui y vit depuis 2012, et son beau-père de nationalité française. Par jugement du 9 mars 2020, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a prononcé l'adoption simple du requérant par son beau-père. L'intéressé produit des attestations et des photographies établissant la réalité de ses relations avec son demi-frère de nationalité française et la famille de son beau-père ainsi qu'avec des membres de la famille de sa mère résidant en France et dont certains sont de nationalité française. Son père, qui ne l'avait d'ailleurs pas reconnu et avec lequel il n'a jamais vécu, est décédé en 2003, de même que ses grands-parents. Il produit plusieurs attestations selon lesquelles il n'est pas retourné au Gabon depuis son arrivée en France, copie de son passeport et des cartes de bénéficiaire de l'aide médicale à l'Etat qui lui ont été délivrées sans discontinuité à compter du 3 juillet 2017. Inscrit à la mission locale d'insertion, il exerce depuis son arrivée en France une activité de bénévolat au sein de la Croix-Rouge puis, depuis 2020, de l'association sport et solidarité internationale. Même si, par arrêté du 19 décembre 2017, le préfet des Bouches du Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour présentée le 16 novembre 2017 et l'a obligé à quitter le territoire français, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts de sa décision et a méconnu, en conséquence, les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif pour lequel le présent arrêt prononce l'annulation de l'arrêté en litige, et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans les circonstances de droit ou de fait y ferait obstacle, l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 décembre 2022 implique nécessairement la délivrance au requérant d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée vie familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer un tel titre à M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Leonard, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Leonard de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 avril 2023 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 décembre 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée vie familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Leonard en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B.... à Me Leonard et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la république près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024.

N° 23MA01596 2

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01596
Date de la décision : 18/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : LEONARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-18;23ma01596 ?
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