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18/01/2024 | FRANCE | N°22MA03083

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 18 janvier 2024, 22MA03083


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions des 10 août, 21 août et 6 septembre 2018 par lesquelles le maire de la commune de Nice a refusé de lui délivrer des autorisations temporaires de changement d'usage pour sept studios (portes n° 4 à 10) au sein d'une villa situe 100 rue Barbéris, à Nice, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux en date du 6 octobre 2018.



Par un jugement n° 1900561 du 20 octo

bre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.





Procédure devant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions des 10 août, 21 août et 6 septembre 2018 par lesquelles le maire de la commune de Nice a refusé de lui délivrer des autorisations temporaires de changement d'usage pour sept studios (portes n° 4 à 10) au sein d'une villa situe 100 rue Barbéris, à Nice, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux en date du 6 octobre 2018.

Par un jugement n° 1900561 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2022, et des mémoires, enregistrés les 14 avril, 26 septembre et 26 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Paloux, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 20 octobre 2022 ;

2°) d'annuler les décisions des 10 août, 21 août et 6 septembre 2018, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Nice la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la violation de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, dès lors qu'il disposait de droit acquis par le biais du permis de construire qu'il a obtenu par un arrêté du 11 février 2008 l'autorisant à créer un bâtiment à usage d'habitation temporaire et saisonnière, et que le régime de changement d'usage de ses locaux, tel qu'il résulte de la loi n°2014-336 du 24 mars 2014, ne pouvait dès lors lui être appliqué ;

- il établit, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, que ce permis de construire avait pour objet un changement de destination de bureaux et de locaux industriels en logement, à usage d'habitation temporaire et saisonnière, ainsi que cela ressort des pièces composant le dossier de demande de permis de construire ; il n'avait pas besoin d'obtenir une autorisation de changement d'usage en application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, dès lors qu'il avait obtenu ce permis de construire, conformément à l'alinéa 3 de cet article ; cette demande était ainsi dépourvue d'objet et aurait dû être rejetée comme tel ;

- l'autorisation de changement d'usage n'était pas nécessaire, dès lors que les dix studios forment un ensemble indissociable avec l'appartement qui constitue sa résidence principale.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 26 juillet 2023 et 10 octobre 2023, la commune de Nice, représentée par Me Daboussy, conclut au rejet de la requête, et à la mise à la charge de M. B... de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Pellegrin, substituant Me Paloux, représentant M. B..., et celles de Me Marjary, représentant la commune de Nice.

Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 15 janvier 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est propriétaire d'une parcelle située 100 rue Barbéris, à Nice, sur laquelle est implantée une villa en R+1, pour une superficie totale de 473 m². Par un arrêté du 11 février 2008, le maire de la commune de Nice lui a accordé un permis de construire, ayant pour objet le changement de destination et l'extension de locaux industriels et de bureaux en logements. Conformément au permis de construire, la villa a été aménagée en dix studios et un appartement constituant la résidence principale de M. B.... Celui-ci a déposé, le 28 mai 2018, une unique demande d'autorisation de changement d'usage, pour la mise en location des dix studios en meublés touristiques, en application des articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation. Par arrêtés du 10 août 2018, la commune de Nice a accordé les autorisations de changement d'usage pour trois studios (portes n° 1 à 3). Par sept arrêtés des 10 août, 21 août, et 6 septembre 2018, la commune de Nice a refusé l'autorisation sollicitée pour les sept autres studios (portes n° 4 à 10), au motif que, en application de la délibération n° 25.1 du 25 juin 2015 de la métropole Nice Côte d'Azur, le nombre maximal d'autorisations accordées pour la location des meublés touristiques à un même propriétaire est de trois. M. B... a formé un recours gracieux à l'encontre de ces décisions le 6 octobre 2018, qui a été rejeté par une décision implicite de la commune de Nice. Il a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler ces décisions refusant les autorisations de changement d'usage pour ces sept studios, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1900561 du 20 octobre 2022, dont il relève appel, le tribunal a rejeté cette demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal a expressément répondu aux moyens contenus dans la requête et le mémoire produit par le requérant. En particulier, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de la violation de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, en raison de l'existence de droits acquis par l'obtention d'un permis de construire, au point 4 du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable aux décisions contestées : " La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable. / Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1. / Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés. /Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation. / Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article. / Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article ". Aux termes de l'article L. 631-7-1 A du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Une délibération du conseil municipal peut définir un régime d'autorisation temporaire de changement d'usage permettant à une personne physique de louer pour de courtes durées des locaux destinés à l'habitation à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile. / La délibération fixe les conditions de délivrance de cette autorisation temporaire par le maire de la commune dans laquelle est situé l'immeuble (...). Elle détermine également les critères de cette autorisation temporaire, qui peuvent porter sur la durée des contrats de location, sur les caractéristiques physiques du local ainsi que sur sa localisation en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements. Ces critères peuvent être modulés en fonction du nombre d'autorisations accordées à un même propriétaire. / Si la commune est membre d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme, la délibération est prise par l'organe délibérant de cet établissement. / (...) Lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, (...) l'autorisation de changement d'usage prévue à l'article L. 631-7 du présent code ou celle prévue au présent article n'est pas nécessaire pour le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile. " Selon l'article L. 631-7-1 : " L'autorisation préalable au changement d'usage est délivrée par le maire de la commune dans laquelle est situé l'immeuble, après avis, à Paris, Marseille et Lyon, du maire d'arrondissement concerné. Elle peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage. (...) " Aux termes de l'article L. 631-8 du même code : " Lorsque le changement d'usage fait l'objet de travaux entrant dans le champ d'application du permis de construire, la demande de permis de construire ou la déclaration préalable vaut demande de changement d'usage. / Ces travaux ne peuvent être exécutés qu'après l'obtention de l'autorisation mentionnée à l'article L. 631-7 ".

4. L'autorisation délivrée sur le fondement de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation vise à assurer le maintien, dans certaines communes, d'un nombre suffisant de logements, tandis que le permis de construire délivré sur le fondement de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme ou la non-opposition à déclaration préalable prononcée sur le fondement de l'article R. 421-17 du même code visent à contrôler le respect des règles d'urbanisme, lesquelles peuvent dépendre de la destination de la construction. Ces règles qui relèvent de législations indépendantes ont un objet et reposent sur l'appréciation de critères qui sont, au moins pour partie, différents. Si les dispositions de l'article L. 631-8 du code de la construction et de l'habitation prévoient néanmoins que, dans les cas qu'elles prévoient, la demande faite au titre du permis de construire ou de la déclaration préalable de travaux vaut demande de changement d'usage, lorsque le permis de construire est délivré ou que le maire ne s'oppose pas à la déclaration de travaux, ces autorisations, lorsqu'elles valent changement de destination, ne lient pas l'autorité administrative chargée de se prononcer de manière distincte sur la demande d'autorisation de changement d'usage pour les mêmes locaux.

5. En premier lieu, la circonstance, à la supposer établie, que la demande de permis de construire déposée par M. B... portant sur le changement de destination et l'extension de locaux industriels et de bureaux en logements mentionnait que ces logements étaient destinés à la location temporaire et saisonnière et que ce permis lui a été délivré le 11 février 2008 n'a, en tout état de cause, ainsi qu'il est dit au point 4, aucune incidence sur l'appréciation de l'autorité administrative sur la demande d'autorisation de changement d'usage qu'il a déposée auprès de la commune de Nice le 28 mai 2018 en application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation. Celui-ci n'est donc pas fondé à soutenir que ce permis de construire liait le maire de cette commune et qu'il disposait à cet égard d'un droit acquis à ce changement, ni que cette demande d'autorisation, qui relève, comme il est également dit au point 4, d'une législation distincte de celle du droit de l'urbanisme régissant la délivrance de ce permis, était sans objet.

6. En second lieu, il résulte des termes mêmes du dernier alinéa de l'article L. 631-7-1 A du code de la construction et de l'habitation que l'autorisation prévue par l'article L. 631-7 du même code n'est pas nécessaire lorsque le local loué constitue la résidence principale du loueur. M. B... ne peut sérieusement soutenir que les studios en cause, qui sont indépendants de son local d'habitation, constituent sa résidence principale, ou qu'ils en seraient indissociables et qu'il était dès lors dispensé de l'obtention de cette autorisation.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 10 août, 21 août et 6 septembre 2018 par lesquelles le maire de la commune de Nice a refusé de lui délivrer des autorisations temporaires de changement d'usage pour sept studios, et a rejeté son recours gracieux.

Sur les frais de l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Nice qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Nice au titre de ces mêmes dispositions.

D É C I D E

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera la somme de 2 000 euros à la commune de Nice en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Nice.

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 janvier 2024.

2

N° 22MA03083

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22MA03083
Date de la décision : 18/01/2024

Analyses

68-04 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : CABINET ADDEN MEDITERRANEE (SELARL)

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-18;22ma03083 ?
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