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12/01/2024 | FRANCE | N°23MA01854

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 12 janvier 2024, 23MA01854


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, de lui délivrer un titre de séjour d'une durée de dix ans portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux

mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, de lui délivrer un titre de séjour d'une durée de dix ans portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et dans l'attente, lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de dix jours à compter de la date de notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de supprimer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, le passage du mémoire en défense du 5 mai 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône commençant par " En outre, il a selon l'ordonnance du 29 juillet 2021 (...) " et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2302960 du 20 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. A... et supprimé le passage précité.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Zerrouki, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

3°) d'annuler l'arrêté en date du 30 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination ;

4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de résident portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de 10 jours, sous les mêmes conditions d'astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à son conseil en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est fondé sur l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il aurait dû se fonder sur l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- il devait bénéficier d'une carte de résident dès lors qu'il exerce l'autorité parentale sur ses enfants de nationalité française et, en tout état de cause, contribue à leur entretien et à leur éducation ;

- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues.

La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Par une décision du 29 septembre 2023, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent,

- et les observations de Me Zerrouki pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité tunisienne, est entré en France en 2019. De son union avec Mme C... D... sont nés, le 21 juillet 2020, deux enfants de nationalité française. M. A... a été mis en possession d'une carte de séjour temporaire valable du 25 janvier 2021 au 24 janvier 2022 en qualité de parent d'enfant français. Il a présenté, le 2 décembre 2021, une demande de titre de séjour. Par un arrêté du 30 décembre 2022, le préfet des Bouches-du- Rhône a refusé de faire droit à sa demande, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. M. A... interjette appel du jugement en date du 20 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation dudit arrêté.

Sur les conclusions tendant à l'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. ".

3. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 29 septembre 2023, M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant à ce qu'il soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

4. Aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : (...) c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 7 quater dudit accord " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ". Enfin, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

5. Il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions qu'un ressortissant tunisien parent d'un enfant français résidant en France peut solliciter la délivrance d'un titre de séjour d'une durée de dix ans sur le fondement des stipulations du c) du 1 de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, ou d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an sur la base de l'article 7 quater du même accord et de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, lorsque la demande est présentée par un ressortissant tunisien en situation régulière sur le territoire français, celle-ci doit être regardée par le préfet comme tendant au bénéfice de l'octroi d'une carte de résident, laquelle est délivrée de plein droit aux ressortissants qui remplissent les conditions pour y prétendre en application des dispositions précitées de l'accord franco-tunisien.

6. Il résulte des stipulations de l'article 10.1 c) de l'accord franco-tunisien que la délivrance du titre de séjour qu'elles prévoient est subordonnée aux conditions alternatives, et non cumulatives, de l'exercice, même partiel, de l'autorité parentale et du fait de subvenir effectivement aux besoins de l'enfant. Ainsi, dans le cas où le ressortissant tunisien concerné, sous réserve de la régularité de son séjour, exerce l'autorité parentale, il n'est pas soumis à la condition de subvenir effectivement aux besoins de l'enfant. Par ailleurs, le respect de la condition tenant à l'exercice même partiel de l'autorité parentale n'est pas subordonné à la vérification de l'effectivité de l'exercice de cette autorité.

7. D'une part, il est constant que M. A..., bénéficiaire d'une carte de séjour temporaire valable jusqu'au 24 janvier 2022, était en situation régulière sur le territoire français. Par suite, sa situation devait être examinée sur le fondement des stipulations de l'article 10.1 c) de l'accord franco-tunisien. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et notamment d'une ordonnance du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence en date du 29 juillet 2021, et n'est au demeurant pas contesté, que M. A... exerce, conjointement avec la mère de ses enfants, l'autorité parentale sur ceux-ci. Par suite, il pouvait prétendre de plein droit à l'octroi d'une carte de résident sans qu'ait à être examinée sa contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 30 décembre 2022. Il y a lieu, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, d'annuler ledit jugement et l'arrêté précité.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. L'annulation, au motif précité, de l'arrêté du 30 décembre 2022 implique nécessairement, sauf changement dans les circonstances de droit ou de fait, que soit délivré à M. A..., une carte de résident de dix ans. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à l'intéressé une carte de résident, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, avec délivrance, dans cette attente et à supposer que tel ne soit pas déjà le cas, d'une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

10. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Zerrouki, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Zerrouki de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant au bénéfice de l'admission à titre provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le jugement n° 2302960 du tribunal administratif de Marseille du 20 juin 2023, ensemble l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 30 décembre 2022 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A..., sous réserve de changement dans les circonstances de droit ou de fait, une carte de résident de dix ans, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me Zerrouki la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Zerrouki.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence.

Délibéré après l'audience du 22 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vincent, présidente,

- Mme Marchessaux, première conseillère,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 janvier 2024.

N° 23MA01854 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01854
Date de la décision : 12/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : ZERROUKI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-12;23ma01854 ?
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