La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/01/2024 | FRANCE | N°23MA00391

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 12 janvier 2024, 23MA00391


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Corse a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office, d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et fami

liale " dans un délai de quinze jours suivant le jugement à intervenir ou, à défaut, de rée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Corse a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office, d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours suivant le jugement à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2201226 du 10 janvier 2023, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête de M. C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2023, régularisée le 17 février 2023, M. C..., représenté par Me Labouret-Maurel, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de faire droit à sa demande de renouvellement d'une carte de séjour temporaire et de délivrance d'une carte de résident, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros qui sera versée à son conseil en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a pas été convoqué à l'audience du 13 décembre 2023 ;

- il dispose de ressources suffisantes qui lui permettaient de bénéficier d'une carte de résident en application des dispositions de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les conditions de ressources ne sont pas exigées pour le renouvellement de la carte de séjour temporaire ;

- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il entend exciper, à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine.

La procédure a été communiquée au préfet de la Haute-Corse qui n'a pas produit d'observations.

Par une décision du 28 avril 2023, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Vincent.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité cubaine, né le 15 novembre 1999, est entré régulièrement en France le 22 février 2013 à l'âge de 13 ans. Il a été bénéficiaire, à sa majorité, de cartes de séjour temporaires dont la dernière expirait le 27 janvier 2021. Le 8 janvier 2021, M. C... a présenté une demande tendant à la délivrance d'une carte de résident ou au renouvellement de sa carte de séjour temporaire. Par un arrêté du 8 septembre 2022, le préfet de la Haute-Corse a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. M. C... interjette appel du jugement n° 2201226 du 10 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses conclusions dirigées contre ledit arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / L'avis d'audience reproduit les dispositions des articles R. 731-3 et R. 732-1-1. Il mentionne également les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public, en application du premier alinéa de l'article R. 711-3 ou, si l'affaire relève des dispositions de l'article R. 732-1-1, de la décision prise sur la dispense de conclusions du rapporteur public, en application du second alinéa de l'article R. 711-3. / L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. Toutefois, en cas d'urgence, ce délai peut être réduit à deux jours par une décision expresse du président de la formation de jugement qui est mentionnée sur l'avis d'audience. ".

3. Il ressort du dossier de première instance que M. C... a été avisé, le 18 novembre 2022, que son affaire serait appelée à l'audience du 8 décembre 2022 puis informé, le 2 décembre 2022, d'une part, que son affaire était radiée du rôle et, d'autre part, que celle-ci était réinscrite à l'audience du 13 décembre 2022. Cet avis d'audience a été lu sur l'application Télérecours par le conseil du requérant le 2 décembre 2022 à 11 h 29. Ainsi, le moyen tiré de ce que le principe des droits de la défense aurait été, pour ce motif, méconnu doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

4. Aux termes de l'article L. 433-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A l'exception de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " salarié détaché ICT ", prévue à l'article L. 421-26, et de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ", prévue à l'article L. 422-10, qui ne sont pas renouvelables, le renouvellement de la carte de séjour temporaire ou pluriannuelle est subordonné à la preuve par le ressortissant étranger qu'il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte. / L'autorité administrative peut procéder aux vérifications utiles pour s'assurer du maintien du droit au séjour de l'intéressé et, à cette fin, convoquer celui-ci à un ou plusieurs entretiens. Par dérogation au présent article la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " prévue à l'article L. 421-1, ainsi que la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent " prévue aux articles L. 421-9, L. 421-10, L. 421-11 ou L. 421-14, sont renouvelées dans les conditions prévues à ces mêmes articles ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 426-17 dudit code : " L'étranger qui justifie d'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident, de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins et d'une assurance maladie se voit délivrer, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 426-18, une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " d'une durée de dix ans (...) Les ressources mentionnées au premier alinéa doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail. / La condition de ressources prévue au premier alinéa n'est pas applicable lorsque la personne qui demande la carte de résident est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. ". Enfin, aux termes de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été condamné le 6 novembre 2019 pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis et conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique à une peine de 2 mois d'emprisonnement avec sursis et une amende de 300 euros et, le 24 juin 2020, pour des faits non seulement d'usage, mais surtout d'offre ou cession, acquisition, détention et transport non autorisé de stupéfiants ainsi que de conduite d'un véhicule sans permis en récidive, à une peine de 8 mois d'emprisonnement dont 4 mois avec sursis probatoire pendant 3 ans. Il ressort également des pièces du dossier et, notamment, du rapport établi par le juge de l'application des peines le 22 mars 2022, que M. C... a commis, du 22 juin 2020 au 29 mars 2021, de nouvelles infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive au cours de la période de sursis probatoire et alors qu'il était placé en détention à son domicile sous surveillance électronique, faits qui ont justifié la révocation du sursis probatoire dont il bénéficiait. Au regard de la nature des infractions commises, de leur caractère récent et itératif à la date de l'arrêté attaqué, le préfet de la Haute-Corse n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en considérant que la présence de M. C... sur le territoire national constituait une menace pour l'ordre public faisant obstacle au renouvellement de la carte de séjour pluriannuelle, ainsi qu'à la délivrance d'une carte de résident, sans qu'il soit, dès lors et en tout état de cause, besoin de se prononcer sur les moyens tirés de ce que le requérant aurait disposé de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins et de ce que la condition de ressources ne peut être exigée s'agissant d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour temporaire.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droits d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

7. M. C... fait valoir qu'il est entré en France à l'âge de 13 ans et s'y est maintenu régulièrement jusqu'en 2021 aux côtés de sa mère qui était, à la date de l'arrêté attaqué, bénéficiaire d'une carte de résident, et de son frère David, né en 2009, et qu'il vit en concubinage avec sa compagne, Mme D... A..., de nationalité française. Par les pièces qu'il se borne à produire, à savoir un contrat de colocation, au demeurant postérieur à la date de l'arrêté attaqué, et une attestation du père de Mme A..., le requérant n'établit pas suffisamment le caractère réel et sérieux de cette union ainsi que sa durée. Par ailleurs, il ne conteste pas ne pas être dépourvu d'attaches familiales à Cuba où réside son père. En outre, il a fait preuve de peu d'insertion professionnelle. Au regard de ces éléments et, ainsi qu'il a été dit précédemment, de la menace à l'ordre public qu'il constitue, le préfet de la Haute-Corse n'a pas méconnu les dispositions et stipulations précitées ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour opposé à M. C..., de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger a l'obligation de s'assurer, au vu du dossier dont elle dispose et sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En se bornant à faire état, de manière générale, de la situation politique et économique à Cuba, le requérant n'établit pas qu'il serait exposé à des risques en cas de retour dans son pays d'origine.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. C... ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais d'instance doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Labouret-Maurel.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 22 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vincent, présidente,

- Mme Marchessaux, première conseillère,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 janvier 2024.

N° 23MA00391 2

fa


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00391
Date de la décision : 12/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : LABOURET-MAUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-12;23ma00391 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award