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12/01/2024 | FRANCE | N°22MA01557

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 12 janvier 2024, 22MA01557


Vu les autres pièces du dossier.





Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.





La présidente de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.



Ont été entendus au cours de l'audience

publique :

- le rapport de M. Danveau ;

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.





Considérant ...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau ;

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a créé le 19 juillet 2013 une entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) d'agencements de lieux de vente dont il a été le gérant jusqu'au 31 décembre 2014. L'entreprise a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 19 juillet 2013 au 31 décembre 2014, à l'issue de laquelle des rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés lui ont été notifiées. Par ailleurs, la société par actions simplifiée (SAS) ACDA, dont Mme A... est la présidente et qui exerce une activité de travaux de maçonnerie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 13 décembre 2013 au 31 décembre 2014, étendue au 31 décembre 2015 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause, au titre de l'exercice clos en 2014, la déduction de charges du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés, ainsi que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente. L'administration fiscale a ensuite notifié à M. et Mme A... une proposition de rectification datée du 29 juillet 2016, tirant les conséquences fiscales de ces redressements à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux selon la procédure contradictoire. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 31 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à obtenir la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la SAS ACDA :

2. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...). ". Il appartient en principe à l'administration, lorsque le contribuable a, comme en l'espèce, régulièrement contesté les rectifications, d'apporter la preuve de l'existence et du montant de ces distributions ainsi que de leur appréhension. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

3. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 29 juillet 2016, que l'administration a réintégré dans les résultats de la SAS ACDA diverses charges pour un montant total de 41 875 euros, ramené, suite aux observations du contribuable, à la somme de 41 410 euros, au motif qu'elles n'avaient pas été justifiées ou engagées dans l'intérêt de l'entreprise. Cette somme a été regardée comme non déductible du résultat imposable de la société en application de l'article 39-1 du code général des impôts et a, consécutivement, été imposée entre les mains de M. et Mme A... dans la catégorie des revenus distribués, sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts.

4. M. et Mme A... reprennent en appel, avec une argumentation identique, les moyens tirés de ce que l'achat d'un abri à bois d'un montant de 899 euros, les dépenses de maintenance d'un montant de 1 116,88 euros et les primes versées à l'organisme MAFF AGPIS d'un montant de 1 820,92 euros ont été engagés dans l'intérêt de la SAS ACDA. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

5. L'administration fiscale n'a pas admis le caractère déductible de charges relatives aux frais kilométriques enregistrées au compte n° 625100 " voyages et déplacements " pour un montant de 27 360 euros, dès lors que la SAS ACDA n'a pas été en mesure d'en apporter des justificatifs. En l'espèce, M. et Mme A... n'établissent pas la réalité des frais de déplacement professionnel dont ils entendent obtenir la déduction, en se bornant à produire une liste des déplacements comportant des dates, les distances parcourues et des destinations au demeurant imprécises, y compris sur l'objet du déplacement. Leurs allégations ne sont assorties d'aucune pièce justificative sur le lien entre ces frais et l'objet de la SAS ACDA. Le calcul de ces dépenses à hauteur de 27 360 euros n'est pas davantage explicité. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que la réalité de ces déplacements et leur engagement dans l'intérêt de l'entreprise n'étaient pas démontrés et a imposé ces sommes entre les mains de Mme A... en sa qualité, non contestée, de maître de l'affaire, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts.

En ce qui concerne l'EURL A... :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

6. D'une part, aux termes de l'article 1655 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Pour l'application du présent code et de ses annexes, à l'exception du 2 de l'article 206, du 5° du 1 de l'article 635 et de l'article 638 A, l'entrepreneur individuel qui exerce son activité dans le cadre d'une entreprise individuelle à responsabilité limitée (...) peut opter pour l'assimilation à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (...) / 2. L'option mentionnée au 1, exercée dans des conditions fixées par décret, est irrévocable et vaut option pour l'impôt sur les sociétés ". L'article 350 bis de l'annexe III au même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " I.- Pour l'exercice de l'option prévue à l'article 1655 sexies du code général des impôts, l'entreprise individuelle à responsabilité limitée adresse une notification au service des impôts du lieu de son principal établissement. / La notification de l'option indique la dénomination et l'adresse de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée, ainsi que les nom, prénom, l'adresse et la signature de l'entrepreneur individuel qui exerce son activité dans le cadre d'une entreprise individuelle à responsabilité limitée. (...) / L'option est notifiée avant la fin du troisième mois de l'exercice au titre duquel l'entrepreneur individuel, qui exerce son activité dans le cadre d'une entreprise individuelle à responsabilité limitée, souhaite être assimilé à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ou à une exploitation agricole à responsabilité limitée. (...) ".

7. D'autre part, aux termes du 3 de l'article 206 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) 3. Sont soumis à l'impôt sur les sociétés s'ils optent pour leur assujettissement à cet impôt dans les conditions prévues à l'article 239 : / a. Les sociétés en nom collectif ; / b. Les sociétés civiles mentionnées au 1° de l'article 8 ; / c. Les sociétés en commandite simple ; / d. Les sociétés en participation ; / e. Les sociétés à responsabilité limitée dont l'associé unique est une personne physique ; / f. Les exploitations agricoles à responsabilité limitée mentionnées au 5° de l'article 8 ; / g. les groupements d'intérêt public mentionnés à l'article 239 quater B. / h. Les sociétés civiles professionnelles visées à l'article 8 ter. / i. les groupements de coopération sanitaire et les groupements de coopération sociale et médico-sociale mentionnés à l'article 239 quater D. (...) ".

8. Enfin, aux termes de l'article 108 du code général des impôts : " Les dispositions des articles 109 à 117 fixent les règles suivant lesquelles sont déterminés les revenus distribués par : / 1° Les personnes morales passibles de l'impôt prévu au chapitre II du présent titre ; / 2° Les personnes morales et sociétés en participation qui se sont volontairement placées sous le même régime fiscal en exerçant l'option prévue au 3 de l'article 206. ". Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ".

9. Pour imposer entre les mains de M. A..., en tant que revenus distribués, les sommes réintégrées dans les résultats de l'EIRL dont il est le gérant, l'administration s'est fondée sur la circonstance que l'EIRL est une entreprise individuelle ayant opté pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés et que M. A..., seul maître de l'affaire, devait être regardé, sur le fondement du 1° de l'article 109 du code général des impôts s'agissant des dépenses, d'un montant de 921 euros, comptabilisées à tort dans les charges de l'entreprise, comme le bénéficiaire de ces distributions.

10. Il ressort des dispositions précitées de l'article 1655 sexies du code général des impôts, ainsi, au demeurant, que des travaux parlementaires qui ont précédé son adoption, que pour l'application de ce code à l'exception de certains articles parmi lesquels n'est pas visé l'article 109 relatif aux revenus distribués, l'entrepreneur individuel qui exerce son activité dans le cadre d'une entreprise individuelle à responsabilité limitée peut opter pour l'assimilation à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée. En l'espèce, il est constant que l'EIRL A... C... a, dès sa création, exercé valablement son option pour l'imposition selon le régime propre aux sociétés de capitaux, conformément aux prescriptions de l'article 1655 sexies du code général des impôts et de l'article 350 bis de l'annexe III au même code.

L'EIRL doit ainsi être regardée comme ayant opté pour son assimilation à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, conformément aux dispositions précitées de l'article 1655 sexies du code général des impôts. Dès lors, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'option ainsi exercée par M. A..., qui entraîne la création d'une personnalité fiscale distincte de celle de l'entrepreneur individuel, conduit à imposer l'EIRL, assimilée à une EURL, à l'impôt sur les sociétés et à imposer, le cas échéant, entre les mains de son gérant et associé unique, les sommes désinvesties de la société. Le caractère révocable de l'option pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, introduit à l'article 1655 sexies précité à compter du 31 décembre 2018, soit, au demeurant, postérieurement à l'année d'imposition en litige, ne saurait en tout état de cause justifier que les sommes en cause ne puissent présenter le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus mobiliers. Enfin, la circonstance que les EIRL, dont le régime fiscal permet, selon les dispositions précitées, d'opter à l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, ne soient pas listées au 3 de l'article 206 du code général des impôts n'a aucune incidence sur le bien-fondé des impositions litigieuses. Par suite, et alors que les motifs des rehaussements ne font l'objet d'aucune contestation, c'est à bon droit que l'administration a regardé les sommes en litige comme constituant des revenus distribués par l'EIRL de M. A... passibles de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année 2014.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

11. Les requérants ne peuvent pas se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe n° 1 de l'instruction de l'administration fiscale référencée 4 J-111 du 1er novembre 1995 et du paragraphe n° 10 de l'instruction BOI-RPPM-RCM-10-20-10 du 12 septembre 2012, qui ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application. Les requérants ne sont pas davantage fondés à invoquer l'instruction administrative BOI-BIC-CHAMP-70-30 du 23 novembre 2022, au demeurant postérieure à l'année d'imposition en litige, qui ne comporte, en tout état de cause, aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, la somme demandée par M. et Mme A... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et B... A..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Rigaud, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Mahmouti, premier conseiller ;

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 janvier 2024.

2

N° 22MA01557


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01557
Date de la décision : 12/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : Mme RIGAUD
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : FEAT SOCIETE D'AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-12;22ma01557 ?
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