La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/11/2023 | FRANCE | N°23MA00636

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 20 novembre 2023, 23MA00636


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

LA SARL Le Chalet des Jumeaux a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Ramatuelle à lui verser la somme de 3 618 121 euros en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière de la procédure de passation pour l'attribution de trente lots de sous-traités d'exploitation de la plage de Pampelonne, ladite somme étant assortie des intérêts au taux légal capitalisés.

Par un jugement n° 1903616 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a r

ejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

LA SARL Le Chalet des Jumeaux a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Ramatuelle à lui verser la somme de 3 618 121 euros en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière de la procédure de passation pour l'attribution de trente lots de sous-traités d'exploitation de la plage de Pampelonne, ladite somme étant assortie des intérêts au taux légal capitalisés.

Par un jugement n° 1903616 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 31 août 2021 et le 4 octobre 2021, la société Le Chalet des Jumeaux, représentée par la SCP d'avocats aux conseils Lyon-Caen et Thiriez, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Ramatuelle à lui verser la somme de 3 618 121 euros hors taxes, assortie des intérêts légaux capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Ramatuelle une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car le tribunal a méconnu le principe du contradictoire ;

- le jugement est entaché d'erreurs de droit, de qualification et d'appréciation des faits ;

- pour les lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d, E3 et T3d, c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de ce qu'en méconnaissance de l'article 27 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 et des principes de libre accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'autorité concédante avait insuffisamment défini ses besoins sur la gamme de services et de clientèle, compte tenu de l'objectif de diversité d'accueil fixé par l'article 4 de l'avis d'appel public à la concurrence ; ce faisant, la commune a comparé des offres trop différentes ce qui lui conférait un pouvoir discrétionnaire ;

- pour les lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d, c'est à tort que le tribunal a considéré que le pouvoir adjudicateur avait pu légalement limiter à deux le nombre des sous-concessions pour lesquelles un candidat pouvait déposer une offre, cette limitation n'étant pas justifiée par un motif légitime et proportionnée à l'objectif poursuivi ;

- elle a été irrégulièrement évincée de l'attribution des sous-concessions E3 et T3d et a été irrégulièrement empêchée de soumissionner aux autres sous-concessions mises en concurrence notamment aux lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d ;

- elle disposait d'une chance sérieuse d'obtenir ces sous-concessions si ces illégalités n'avaient pas été commises ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'irrégularité du critère financier prévu à l'article 6.2 du règlement de consultation qui était imprécis et incohérent, comportait deux objectifs contradictoires et reposait sur les seules déclarations des candidats ; les critères d'attribution pour les lots E3 et T3d étaient irréguliers ce qui a conféré un pouvoir discrétionnaire à l'autorité administrative ; la sélection des offres a méconnu les principes de transparence et d'égalité de traitement des candidats ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'appréciation de son offre financière pour les lots E3 et T3d n'était pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; cette appréciation méconnaît le principe d'égal traitement des candidats ;

- elle disposait d'une chance sérieuse d'obtenir l'un des dix contrats dont l'attribution est contestée, en particulier celui correspondant au lot E3, et eu égard aux stipulations de l'article 4.3 du règlement de la consultation, elle peut légitimement prétendre à obtenir le manque à gagner qu'elle aurait retiré de l'exploitation de l'un des lots prévus par la consultation, augmenté des frais de présentation de l'offre ;

- son manque à gagner correspond à ce qui aurait résulté de l'exploitation du contrat de sous-concession correspondant au lot n° E3, soit la somme de 3 618 121 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2022, la commune de Ramatuelle, représentée par Me Petit, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Le Chalet des Jumeaux d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas opérants car elle ne justifie pas d'un intérêt lésé ; en tout état de cause ils ne sont pas fondés ;

- il n'existe pas de lien de causalité direct entre les fautes et le préjudice invoqués ;

- le manque à gagner doit se limiter au résultat net de 2 725 795 euros ; il n'est toutefois étayé par aucun document comptable ; et ce manque à gagner ne saurait inclure les frais de présentation de l'offre.

Par un arrêt n° 21MA03747 du 10 mai 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1903616 et a condamné la commune de Ramatuelle à verser à la société Le Chalet des Jumeaux la somme de 2 725 795 euros, assortie des intérêts au taux légal capitalisés.

Par une décision du 10 mars 2023 n° 464830, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par la commune de Ramatuelle, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 10 mai 2022 et a renvoyé l'affaire devant la même Cour.

Un courrier du 5 avril 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par un mémoire, enregistré après cassation le 19 mai 2023, la société Le Chalet des Jumeaux, représentée par la SCP d'avocats aux conseils Lyon-Caen et Thiriez, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Ramatuelle à lui verser la somme de 2 725 795 euros hors taxes, assortie des intérêts légaux capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Ramatuelle une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle reprend les moyens développés dans ses écritures avant cassation.

Par un mémoire, enregistré après renvoi le 19 mai 2023, la commune de Ramatuelle, représentée par Me Petit, demande à la Cour de rejeter la requête de la société Le Chalet des Jumeaux et de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- pour les contrats E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d, les demandes ne sont pas recevables, dès lors que la société Le Chalet des Jumeaux n'a pas candidaté ;

- elle reprend les moyens développés avant cassation.

Par ordonnance du 20 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Deux mémoires présentés pour la société Le Chalet des Jumeaux ont été enregistrés les 8 et 9 août 2023, postérieurement à la clôture d'instruction et non communiqués.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;

- le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Baïta, pour la société Le Chalet des Jumeaux, et de Me Petit, pour la commune de Ramatuelle.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 7 avril 2017, le préfet du Var a accordé à la commune de Ramatuelle la concession de la plage naturelle de Pampelonne pour une durée de douze ans à compter du 1er janvier 2019. La commune de Ramatuelle a engagé, le 30 juin 2017, une procédure de mise en concurrence en vue de l'attribution de sous-concessions du service public balnéaire sur cette plage pour une durée de douze ans à compter du 1er janvier 2019 et jusqu'au 31 décembre 2030. La consultation portait sur trente lots, parmi lesquels vingt-trois lots " établissements de plage ". Par deux courriers du 19 juillet 2018, la société Le Chalet des Jumeaux qui avait déposé sa candidature pour les lots E3 et T3d, a été informée du rejet de ses deux offres. Le 19 octobre 2018, le maire de Ramatuelle a signé les conventions de délégation de service public notamment des lots " établissements de plage ". Estimant avoir été irrégulièrement évincée non seulement des deux lots E3 et T3d, sur lesquels elle avait candidaté, mais aussi avoir été illégalement privée de la possibilité de candidater sur les lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d, la société Le Chalet des Jumeaux a formé une demande préalable indemnitaire par courrier du 3 juin 2019, reçue le 5 juin suivant. Elle a ensuite saisi la Cour du jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1903616 du 1er juillet 2021 rejetant sa demande tendant au versement d'une somme de 3 618 121 euros. Par un arrêt n° 21MA03747 du 10 mai 2022, la Cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon du 1er juillet 2021 et a condamné la commune de Ramatuelle à verser à la société Le Chalet des Jumeaux la somme de 2 725 795 euros, assortie des intérêts au taux légal capitalisés. Mais, par une décision du 10 mars 2023 n° 464830, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par la commune de Ramatuelle, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 10 mai 2022 et lui a renvoyé l'affaire.

Sur le cadre juridique :

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d'une demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution du contrat. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini. Toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l'Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l'excès de pouvoir jusqu'à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet. Le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini. Les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office.

3. Saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du contradictoire, faute de communication régulière de l'ensemble des pièces produites par la commune de Ramatuelle, doit être écarté, comme non assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

5. En second lieu, il n'appartient pas au juge d'appel d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la société requérante ne peut utilement se prévaloir, pour contester la régularité du jugement attaqué, de l'erreur de droit ou des erreurs d'appréciation que les premiers juges auraient commises.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. D'une part, lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique.

7. D'autre part, lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et les préjudices dont le candidat demande l'indemnisation. Il s'en suit que lorsque l'irrégularité ayant affecté la procédure de passation n'a pas été la cause directe de l'éviction du candidat, il n'y a pas de lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à raison de son éviction. Sa demande de réparation des préjudices allégués ne peut alors qu'être rejetée.

En ce qui concerne les lots E3, T3d sur lesquels la société Le Chalet des Jumeaux a candidatés :

S'agissant de la faute tirée de l'insuffisante définition des besoins de la commune de Ramatuelle :

8. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, dans sa version applicable aux faits de l'espèce : " I. - Les contrats de concession soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. / Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ". Et selon l'article 27 de la même ordonnance : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. ". Enfin, l'article 36 de l'ordonnance précise que : " Sans préjudice des dispositions du chapitre préliminaire et du chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales, l'autorité concédante organise librement la procédure qui conduit au choix du concessionnaire, dans le respect des principes énoncés à l'article 1er de la présente ordonnance, des dispositions du présent chapitre et des règles de procédure fixées par voie réglementaire... ".Ainsi, les concessions sont soumises aux principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique. Pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit apporter aux candidats à l'attribution d'une concession, avant le dépôt de leurs offres, une information suffisante sur la nature et l'étendue des besoins à satisfaire. Il lui appartient à ce titre d'indiquer aux candidats les caractéristiques essentielles de la concession et le type d'investissements attendus ainsi que les critères de sélection des offres.

9. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'article 3 du règlement de consultation et du document programme correspondant aux lots " établissements de plage ", que l'autorité concédante avait informé les candidats des principales caractéristiques du service public concédé, au demeurant développées à l'article 6 du cahier des charges de la concession du 7 avril 2017, acte réglementaire disponible sur internet. L'article 3 du règlement de la consultation précisait ainsi que les délégataires auraient notamment la charge de " développer le caractère attractif du site de la plage de Pampelonne au plan touristique, la qualité de l'architecture, des activités et des services personnalisés à destination d'une clientèle diversifiée sur le périmètre délégué ". Et l'article 2.3 du document programme des établissements de plage déterminait les caractéristiques des vingt-trois lots de plage répartis en trois zones de type B, C ou A selon que le bâtiment d'exploitation se trouvait sur le domaine public maritime, sur le domaine public communal, ou à la fois sur les deux. Il était ainsi précisé que le service de plage comprenait majoritairement une activité de bains de soleil mais aussi une activité de restauration. Il était également indiqué l'étendue géographique des différents lots, la durée du contrat et les investissements attendus. Par ailleurs l'article 8.3 du règlement de consultation disposait que, pour apprécier l'offre présentant le meilleur avantage économique global, la commune de Ramatuelle retenait quatre critères par ordre d'importance décroissant. Le premier critère était relatif au " projet d'établissement ", le deuxième à la " qualité et cohérence de l'offre au plan technique : moyens humains et matériels ", le troisième à la " proposition du candidat en rapport avec l'attente d'excellence de la commune : démarche de responsabilité sociale de l'entreprise ". Enfin, le quatrième critère relatif à la " qualité et cohérence de l'offre au plan financier : cohérence entre le compte prévisionnel d'exploitation, la tarification de service proposée et le niveau de redevance communale proposée " visait clairement à apprécier la cohérence d'ensemble, la solidité et la crédibilité de l'offre au plan financier en comparant ce compte prévisionnel d'exploitation avec la tarification du service et le niveau de redevance communale proposés, ce qui était suffisamment précis. Les candidats étaient donc informés sur la nature et l'étendue des besoins à satisfaire.

10. La société requérante reproche à la commune de Ramatuelle de ne pas avoir défini avec suffisamment de précision, pour chaque lot de plage, le type d'établissement et d'ambiance, familiale, festive ou autre et de gamme de prestation de service, de redevance et de tarifs attendus en fonction des catégories d'usagers, et d'avoir ainsi comparé des offres trop différentes et laissé à la commune un pouvoir discrétionnaire. L'autorité concédante n'était toutefois pas tenue de définir cet élément de la stratégie commerciale des établissements exploités sur chacun des lots. Par suite, alors même que les informations sur les besoins étaient communes à l'ensemble des lots de sous-concession et que, par ailleurs, la commune avait limité le nombre de lots auxquels le candidat pouvait soumissionner, et qu'elle entendait clairement garantir une diversité de gammes de prestations pour un public varié, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence de définition suffisamment précise des besoins de la commune, la procédure de passation des contrats des lots E3 et T3d méconnaitrait l'objectif de diversité d'accueil fixé par l'article 4 de l'avis d'appel public à la concurrence ainsi que l'article 27 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 et les principes de libre accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.

S'agissant de la faute tirée de l'imprécision des critères d'attribution :

11. L'autorité concédante définit librement la méthode d'évaluation des offres au regard de chacun des critères d'attribution qu'elle a définis et rendus publics. Elle peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour son évaluation des offres que les modalités de leur combinaison. Une méthode d'évaluation est toutefois entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d'appréciation pris en compte pour évaluer les offres au titre de chaque critère d'attribution sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ou si les modalités d'évaluation des critères d'attribution par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure offre ne soit pas la mieux classée, ou, au regard de l'ensemble des critères, à ce que l'offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie.

12. L'article 8.3 du règlement de consultation prévoyait quatre critères d'attribution " par ordre d'importance décroissant ", parmi lesquels en quatrième et dernière position, un critère de " qualité et cohérence de l'offre au plan financier : cohérence entre le compte prévisionnel d'exploitation, la tarification de service proposé et le niveau de redevance communal proposé ". Il indiquait que les quatre critères n'étaient pas pondérés, ce qui était suffisamment précis alors même que n'étaient pas spécifiés le type d'établissement et d'ambiance et le niveau de services attendus. Si la société requérante soutient que le critère financier était incohérent car il était exigé des candidats d'un côté des redevances forfaitaires et variables les plus élevées possible et de l'autre de garantir des prix modérés, ce qui confèrerait selon elle à l'autorité administrative un pouvoir d'appréciation discrétionnaire, il résulte du cahier des charges techniques (page 14/14) que la cohérence d'ensemble entre tous les éléments financiers de l'offre devait faire l'objet d'une attention toute particulière. Le fait que dans le règlement de consultation, ce critère se fonde sur le " compte prévisionnel d'exploitation ", ce qui inclut le chiffre d'affaires prévisionnel alors que celui-ci repose seulement sur les déclarations des candidats sans être assorti d'engagements contractuels ne saurait être regardé comme entachant d'irrégularité la méthode d'évaluation, dès lors qu'il s'agissait d'apprécier la cohérence d'ensemble, la solidité et la crédibilité de l'offre au plan financier en comparant ce plan prévisionnel d'exploitation avec la tarification du service et le niveau de redevance communale proposés. Dans ces conditions, et alors même que le critère financier était commun à l'ensemble des sous-concessions, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que les critères d'attribution pour les lots E3 et T3d étaient irréguliers ce qui aurait conféré un pouvoir discrétionnaire à l'autorité administrative et aurait conduit à une sélection des offres en méconnaissance des principes de transparence et d'égalité de traitement des candidats.

S'agissant de la faute tirée de l'erreur de fait, de l'erreur manifeste d'appréciation de l'offre de la société Le Chalet des Jumeaux concernant le lot E3, pour lequel elle avait manifesté sa préférence :

13. Ainsi qu'il a été dit plus haut, l'article 8.3 du règlement de consultation prévoyait, que pour apprécier l'offre présentant le meilleur avantage économique global, la commune de Ramatuelle a retenu quatre critères par ordre décroissant d'importance. Le premier critère relatif au " projet d'établissement " se décomposait en trois sous-critères, selon lesquels, en premier lieu, le projet d'établissement doit être en corrélation avec la politique touristique communale, en deuxième lieu, le projet architectural et paysager doit s'intégrer dans l'espace naturel et remarquable dans l'esprit de la plage de Pampelonne et, en troisième lieu, les prestations doivent permettre une personnalisation du service, une communication, un contrôle de la qualité et de la maintenance des ouvrages. L'autorité administrative a en outre retenu un deuxième critère portant sur la " qualité et cohérence de l'offre au plan technique : moyens humains et matériels ". Le troisième critère était relatif à la " proposition du candidat en rapport avec l'attente d'excellence de la commune : démarche de responsabilité sociale de l'entreprise (RSE) ". Et le quatrième critère avait trait à la " qualité et cohérence de l'offre au plan financier ". L'autorité concédante a, pour évaluer les offres qui lui étaient soumises, associé à chacun des critères hiérarchisés qu'elle avait fixés et rendus publics une appréciation qualitative des offres. Cette appréciation était composée d'une évaluation littérale décrivant les qualités des offres pour chaque critère, suivie d'une flèche qui la résumait. Dans le cadre de cette méthode, une flèche verte orientée vers le haut représentait la meilleure appréciation, une flèche rouge vers le bas la moins bonne, tandis que des flèches orange orientées de biais vers la droite ou à l'horizontale vers la droite constituaient deux évaluations intermédiaires. La commune a classé les offres admises à négocier au regard de l'appréciation qu'elle avait portée sur chacun des critères.

14. Pour le quatrième critère, d'ordre financier, il résulte de l'instruction et notamment de la fiche individuelle d'évaluation des offres que la commune a analysé l'ensemble des paramètres financiers de la société Le Chalet des Jumeaux. En revanche, il ne résulte pas du rapport d'analyse des offres que la commune se soit livrée à une analyse comparative des offres sur la cohérence financière de l'offre. Ainsi, dans le premier rapport, établi avant la négociation, l'incohérence de la proposition financière de la société attributaire avait été mise en évidence. Cependant, au cours de la conduite des négociations, la commune a axé son analyse sur le montant des redevances en demandant aux candidats d'améliorer leur offre sur ce point. Et il résulte en outre du commentaire final sur le critère financier n° 4 du rapport d'analyse des offres que l'autorité délégante a apprécié le niveau de redevance proposé sans comparer la cohérence financière d'ensemble de l'offre de la société requérante par rapport à celle de l'attributaire non seulement au regard de la redevance mais aussi des tarifs et du compte prévisionnel d'exploitation, alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 12, il était précisé dans le cahier des charges techniques (page 14/14) que la cohérence entre tous les éléments financiers de l'offre ferait l'objet d'une attention toute particulière. A cet égard, la circonstance que la commune se soit référée au chiffre d'affaires n'apparaît pas suffisante alors que son commentaire ne porte que sur le montant de la redevance variable, qui est indexée sur le chiffre d'affaires. La société Le Chalet des Jumeaux est par conséquent fondée à soutenir que la commune de Ramatuelle a irrégulièrement apprécié son offre sur ce point.

15. Toutefois, quand bien même l'offre de la société Le Chalet des Jumeaux aurait été correctement appréciée au titre de ce critère financier, cela ne lui aurait pas permis pour autant d'être mieux classée que la société attributaire et de se voir attribuer le contrat alors que le critère financier était le quatrième et dernier critère de ceux retenus par ordre décroissant d'importance et qu'il résulte de l'appréciation générale du rapport d'analyse des offres pour le lot E3, pour lequel la société requérante a été classée deuxième, que, si l'offre de la société Le Chalet des Jumeaux était dernière sur le critère financier, elle était seulement, dans son ensemble, " intéressante et de qualité sur le service et l'architecture, un peu inférieure à l'offre du vainqueur en termes de qualité et d'engagement " et qu'elle présentait " une démarche RSE (critère 3) détaillée mais peu engageante ". Ainsi, pour le premier critère portant sur le projet d'établissement, la société Le Chalet des Jumeaux disposait d'une flèche orange dirigée vers le haut et la droite et était appréciée comme ayant une " architecture répondant aux attentes du cahier des charges. Offre de service intéressante et labellisée, mais sans engagements contractuels mis à part non-respect flagrant (sauf engagement intéressant sur nuisances sonores) " tandis que l'offre de la société attributaire avait obtenu une flèche verte dirigée vers le haut et l'appréciation plus favorable suivante : " projet architectural en bois très satisfaisant et engageant contractuellement - avec des ambitions de haute qualité - accompagnement CARSAT pour chantier et pénalités sur le bâtiment. Très bonne qualité de service prévue (carte signée chef une étoile) et engagement contractuel associé pour s'assurer de l'application du contrat. Engagement de maîtrise du coût facturé au client. ". Pour le deuxième critère de qualité et cohérence de l'offre au plan technique, la société requérante et la société attributaire disposaient de la même flèche orange dirigée vers le haut et la droite. Et pour le troisième critère sur la démarche RSE, la société requérante avait obtenu une flèche orange horizontale tandis que celle de l'attributaire était orange mais de biais et dirigée vers le haut, accompagnée de l'appréciation suivante : " démarche RSE satisfaisante avec des engagements intéressants, mais peu détaillés sur la partie " objectifs ". Tableau de suivi mensuel de la performance environnementale transmis à la collectivité ". De la sorte, l'irrégularité de l'appréciation de l'offre financière et la méconnaissance du principe d'égal traitement des candidats sur ce point, ainsi que l'erreur de fait qui aurait été commise sur ce même critère financier, à la supposer même établie, ne sont pas la cause directe de l'éviction de la société Le Chalet des Jumeaux de l'offre sur le lot E3.

S'agissant de la faute tirée de l'erreur manifeste d'appréciation de l'offre de la société Le Chalet des Jumeaux concernant le lot T3d :

16. Pour le quatrième et dernier critère de ceux retenus par ordre décroissant d'importance, si la société requérante soutient que la cohérence de son offre financière pour le lot T3d n'aurait pas été examinée et aurait été mal appréciée, car le montant de la redevance a été privilégié au détriment de l'analyse des tarifs, il résulte toutefois de l'instruction qu'elle était classée septième sur neuf candidates et qu'elle n'a pas été admise à la négociation. Sur le premier critère, l'offre de la société attributaire était " très bonne " et sur les critères 2 et 3, de " très grande qualité ". L'offre de la société Le Chalet des Jumeaux, quant à elle, était seulement " intéressante " sur le critère 1 et " bien détaillée " sur le critère 2 et était également moins bien classée sur le critère 3 pour lequel sa démarche RSE avait été jugée " peu engageante contractuellement pour le candidat ". Ainsi, quand bien même la société requérante aurait obtenu l'appréciation maximale pour le critère financier, dernier dans la hiérarchie d'importance des critères, cela ne lui aurait pas permis pour autant d'être globalement mieux classée que l'entreprise attributaire et de se voir attribuer la sous-concession T3d. L'irrégularité de l'appréciation de son offre financière n'est, par suite, pas la cause directe de l'éviction de la société Le Chalet des Jumeaux sur le lot T3d.

En ce qui concerne les lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d, sur lesquels la société Le Chalet des Jumeaux n'a pas candidaté :

S'agissant de la faute tirée de l'insuffisante définition des besoins de la commune de Ramatuelle :

17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 10, la société Le Chalet des Jumeaux n'est pas fondée à soutenir, au soutien de ses conclusions indemnitaires concernant les lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d, sur lesquels elle n'a pas candidatés, que la commune de Ramatuelle n'aurait pas suffisamment défini ses besoins et aurait méconnu l'objectif de diversité et d'accueil fixé par l'article 4 de l'avis d'appel public à la concurrence ainsi que l'article 27 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 et les principes de libre accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.

S'agissant de la faute tirée de la limitation du nombre de lots :

18. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, dans sa version applicable aux faits de l'espèce : " I. Les contrats de concession soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. / Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. ". Et selon l'article 36 de la même ordonnance : " Sans préjudice des dispositions du chapitre préliminaire et du chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales, l'autorité concédante organise librement la procédure qui conduit au choix du concessionnaire, dans le respect des principes énoncés à l'article 1er de la présente ordonnance, des dispositions du présent chapitre et des règles de procédure fixées par voie réglementaire... ".

19. L'article 4.3 du règlement de la consultation disposait d'une part, que " Les candidats sont informés de la possibilité de présenter une offre pour un ou pour deux lots au maximum en précisant expressément leur préférence " et, d'autre part, qu'" Afin d'assurer une réelle diversité sur le site de la plage de Pampelonne, chaque candidat ne pourra être attributaire que d'un seul lot ".

20. La société requérante soutient qu'en limitant à la fois, d'une part, à deux sur trente le nombre d'offres pouvant être présentées par un candidat et, d'autre part, à un sur trente, le nombre de lots pouvant être attribué par candidat, le pouvoir adjudicateur aurait méconnu les règles de libre accès à la concurrence énoncées aux articles 1er et 36 de l'ordonnance concessions cités aux points précédents et désormais codifiés à l'article L. 3 du code de la commande publique. Elle estime qu'une telle limitation ne serait pas justifiée par la commune de Ramatuelle par un motif d'intérêt général, alors que le nombre de lots à attribuer était limité, et que la limite du nombre de présentation d'offres ne serait pas proportionnée.

21. En premier lieu, la commune justifie la limitation du nombre de présentation de dossiers de candidature par la nécessité d'égaliser les conditions de concurrence entre les candidats afin de permettre l'émergence de candidatures d'acteurs économiques plus modestes face à des sociétés plus importantes. Elle fait aussi valoir que l'absence de limitation du nombre de lots aurait complexifié l'analyse au point de rendre quasiment impossible la tenue d'une procédure de mise en concurrence dans des conditions acceptables tout en contestant avoir eu pour seul objectif de réduire sa charge de travail. En second lieu, elle invoque le règlement de la consultation lequel prévoyait expressément l'attribution d'un seul lot par candidat afin " d'assurer une réelle diversité sur le site de la plage de Pampelonne ".

22. D'une part, aucun texte légal ni réglementaire n'interdit, dans le cadre de l'attribution de sous-concessions portant occupation du domaine public par une commune, elle-même concessionnaire unique d'une plage naturelle, le principe d'une limitation du nombre de présentation d'offres alors notamment qu'en vertu de l'article 36 de l'ordonnance du 29 janvier 2016, en tant qu'elle-même autorité concédante, elle organise librement la procédure qui conduit au choix des sous-concessionnaires. Cette limite, qui était la même pour tous les candidats et avait été clairement prévue par le règlement de la consultation, ne méconnaît ni le principe d'égalité ni le principe de transparence énoncés à l'article 1er de la même ordonnance.

23. La société Le Chalet des Jumeaux soutient qu'une telle limite méconnaitrait le principe de libre accès à la commande publique. La démarche communale s'inscrit cependant dans la répartition aussi variée que possible d'une concession unique entre autant de sous-concessionnaires qu'il y avait de lots. D'un point de vue quantitatif, il résulte de l'instruction que, pour les trente lots, cinquante-neuf candidats ont été admis par la commission à présenter une offre à l'issue de la réunion du 18 décembre 2017 et quatre-vingt-treize offres ont été analysées pour l'ensemble des trente lots, ce qui a permis à la commune de rationnaliser l'analyse des offres. Il résulte également d'une note établie par la directrice de recherche au CNRS du 4 août 2022 produite par la commune que la limite à deux du nombre de présentations des offres reste neutre sur les chances de réussite d'une société qui s'est portée candidate à l'un des lots, dès lors que, dans l'hypothèse où chaque candidat ne pourra être attributaire que d'un seul lot, la probabilité de réussite d'une entreprise, qui correspond au ratio du nombre de lots par le nombre de sociétés soumissionnaires, demeure inchangée, et ce, quel que soit le nombre de lots auxquels la société peut présenter une offre. En outre, le nombre de candidatures par lot était illimité. Surtout, d'un point de vue qualitatif, cette limite du nombre de présentation des offres permettait de rétablir un équilibre concurrentiel en laissant la possibilité à des entreprises de moindre taille et aux moyens humains et financiers plus limités de présenter une offre qui ne soit pas en concurrence avec une société aux moyens bien supérieurs, alors que la commune fait valoir, sans être contestée, que les coûts de présentation de l'offre étaient non négligeables car il était exigé un projet architectural avancé allant bien au-delà de l'esquisse et qu'il n'était pas prévu d'indemnisation des candidats. Ce mécanisme permettait ainsi d'éviter la domination des grands groupes présentant de multiples dossiers d'offres personnalisées et ce faisant, garantissait une diversification de la taille des entreprises présentant une offre. Contrairement à ce que soutient la société Le Chalet des Jumeaux, le seul fait que la procédure ait été allotie, ce qui ne donne aucune garantie au candidat plus modeste que son offre puisse être retenue, ne suffisait pas à atteindre un tel objectif de renforcement de la concurrence. Dans ces conditions, la commune a pu légalement, sans méconnaitre le principe de libre accès à la concurrence, limiter le nombre de présentation des offres à deux.

24. D'autre part, il résulte de l'article 4.3 précité du règlement de la consultation que la limitation du nombre de lots attribué avait pour objet de favoriser la diversité des attributaires ou des prestations ainsi proposées. Ainsi qu'il est indiqué dans la délibération du conseil municipal de Ramatuelle du 19 juin 2017, la commune souhaitait " sélectionner des professionnels capables de valoriser l'image de Ramatuelle, et donc de se démarquer, d'échapper aux stéréotypes, de proposer des prestations typiques, personnalisées, diversifiées. Il s'agira aussi, grâce à un ensemble bien équilibré d'établissements, de satisfaire les attentes de toute une gamme de clientèles, locales, régionales et internationales en offrant sur la plage une large gamme de prestations, du plus chic jusqu'au plus authentique. " tout en poursuivant " l'effort d'intégration de l'économie locale à l'environnement naturel remarquable ". Le pouvoir adjudicateur en recourant à l'allotissement pouvait ainsi décider, afin de susciter l'émergence d'une plus grande concurrence, de limiter le nombre de lots qui pourra être attribué à chaque candidat.

25. La société requérante n'est par conséquent pas fondée à soutenir que la commune de Ramatuelle ne pouvait à la fois limiter la possibilité de présenter des offres, et limiter le nombre de lots attribué à un seul candidat, eu égard à l'objet et aux finalités distinctes de ces deux limitations. Plus précisément, en l'espèce, la commune de Ramatuelle a pu légalement, afin d'améliorer la concurrence et de rationnaliser la procédure d'examen des offres, limiter le nombre de présentation de candidatures à deux, alors notamment que la procédure de délégation de service public visait à attribuer trente lots, dont vingt-trois établissements de plage, et ce, alors même qu'elle n'avait pas précisé ses besoins pour chaque lot de plage en fonction de la gamme de prestations attendues ainsi qu'il a été dit aux points 9 et 10 et que chaque candidat ne pouvait se voir attribuer qu'un seul lot.

26. La société requérante n'est, dans ces conditions, pas fondée à soutenir qu'en procédant à cette double limitation, la commune de Ramatuelle aurait méconnu le principe de libre accès à la commande publique énoncé aux articles 1er et 36 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et repris à l'article L. 3 du code de la commande publique.

27. La société requérante ne démontre donc pas l'existence d'illégalités fautives dans l'attribution des lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d.

28. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, la société Le Chalet des Jumeaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les frais liés au litige :

29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Le Chalet des Jumeaux formées à l'encontre de la commune de Ramatuelle qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Le Chalet des Jumeaux la somme de 500 euros à verser à la commune de Ramatuelle.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Le Chalet des Jumeaux est rejetée.

Article 2 : La société Le Chalet des Jumeaux versera à la commune de Ramatuelle une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Chalet des Jumeaux et à la commune de Ramatuelle.

Délibéré après l'audience du 30 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2023.

2

N° 23MA00636


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00636
Date de la décision : 20/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. - Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN et THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-11-20;23ma00636 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award