La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/11/2023 | FRANCE | N°21MA00832

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 16 novembre 2023, 21MA00832


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... et D... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le maire de Manosque a délivré un permis de construire une maison individuelle à M. C..., ensemble la décision implicite du 24 août 2020 portant rejet de leur recours gracieux.

Par une ordonnance n° 2007395 du 15 décembre 2020, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête en application de l'article R. 222-4.

Procéd

ure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 février 2021, M. et Mme B... et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... et D... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le maire de Manosque a délivré un permis de construire une maison individuelle à M. C..., ensemble la décision implicite du 24 août 2020 portant rejet de leur recours gracieux.

Par une ordonnance n° 2007395 du 15 décembre 2020, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête en application de l'article R. 222-4.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 février 2021, M. et Mme B... et D... A..., représentés par Me Chapuis, demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 15 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le maire de Manosque a délivré le permis litigieux à M. C..., ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Manosque la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité en étant fondée sur l'absence de régularisation de leur requête en application de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme, alors qu'aucune demande expresse de régularisation ne leur a été faite à cette fin ;

- le projet objet du permis litigieux méconnaît l'article U3-3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Manosque dès lors, d'une part, que les parcelles sur lesquelles ce projet doit s'édifier est privé de voie de desserte, en étant ainsi inconstructibles, et que ces parcelles ne sont pas desservies par des voies conformes aux prescriptions fixées par cet article ;

- ce projet méconnaît l'article U3-7 de ce règlement relatif aux limites séparatives ;

- ce projet ne respecte pas l'article U3-11 du même règlement relatif à l'aspect extérieur des constructions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2021, la commune de Manosque, représentée par Me Grimaldi conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au renvoi de l'affaire devant le tribunal administratif de Marseille, et à la mise à la charge de M. et Mme A... de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors que M. et Mme A... ne justifient d'aucun intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La requête a été communiquée à M. F... C..., qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier et notamment la lettre du 25 avril 2023 de Me Chapuis indiquant que M. A... est décédé le 4 août 2022 et que son épouse, Mme E..., entend poursuivre l'instance.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Dubecq, substituant Me Grimaldi, représentant la commune de Manosque.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 3 mars 2020, le maire de Manosque a délivré à M. C... un permis de construire en vue de la réalisation d'une maison individuelle sur les parcelles cadastrées section AO n° 100, 214, 215, 279 et 281, sises chemin Le Colombier sur le territoire de la commune. M. et Mme B... et D... A... relèvent appel de l'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 15 décembre 2020 qui a rejeté leur requête comme étant irrecevable.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ". Aux termes de l'article R. 612-1 du même code: " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser./ La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. (...) "

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme : " Les requêtes dirigées contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l' article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation , du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant. (...) " Il appartient à l'auteur d'un recours contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol, autre que le pétitionnaire, de produire la ou les pièces requises par l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme, notamment, s'agissant d'un requérant autre que l'Etat, une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales ou une association, le titre ou l'acte correspondant au bien dont les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance seraient selon lui directement affectées par le projet litigieux.

4. L'ordonnance attaqué a rejeté la requête de M. et Mme A... comme étant irrecevable sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, faute d'avoir produit, à la suite d'une invitation à régulariser leur requête qui leur a été adressée en application de celles de l'article R. 612-1 du même code, et dans le délai fixé par ces dispositions, les éléments requis par l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme. Cependant, il ressort des termes de cette invitation, notifiée le 14 octobre 2020 au moyen de l'application mentionnée à l'article R. 414-6 du code de justice administrative, dite " Télérecours ", que si les dispositions de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme y étaient reproduites, aucune invitation à régulariser leur requête n'y était formulée expressément, et qu'y figurait seulement et clairement une invitation à régulariser la requête en vue de produire les éléments requis par l'article R. 600-1 de ce code. Par suite, l'auteur de l'ordonnance attaquée ne pouvait rejeter cette demande par ordonnance sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

5. Il convient d'annuler l'ordonnance attaquée du fait de cette irrégularité, et, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer le litige pour statuer sur la demande de M. et Mme A... en tant que juge de première instance.

Sur l'intérêt à agir et la recevabilité de la requête :

6. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. " Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Les écritures et les documents produits par l'auteur du recours doivent faire apparaître clairement en quoi les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien sont susceptibles d'être directement affectées par le projet litigieux.

7. Pour justifier de son intérêt à agir, Mme A... se borne à se prévaloir de sa qualité de propriétaire des parcelles cadastrées section AO n° 179 et n° 295, sans aucune précision quant à l'atteinte directe portée par le projet litigieux à ses conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien et, par ailleurs, que le projet de M. C... " entend passer sur un chemin situé sur leur parcelle ", sans même le désigner. Or, d'une part, si elle se prévaut de la circonstance que ces parcelles se situeraient à " proximité immédiate " du projet, il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section AO n° 214, 215, 279 et 281 sur lesquelles, ainsi que l'affirme la commune de Manosque sans être contredite, la maison individuelle objet du projet litigieux va se réaliser, sont séparées de la parcelle cadastrée section AO 295 appartenant à Mme A... par le chemin nommé " Le Colombier " ainsi que par une parcelle cadastrée section AO n° 296 qui est bâtie. Dans cette configuration, où cette dernière ne peut être regardée comme une voisine immédiate du projet en litige, la parcelle cadastrée section AO 295 étant distante de plus de 30 mètres de la parcelle cadastrée section AO 281 la plus proche, celle-ci ne fait état d'aucun élément établissant que ce projet est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Si, d'autre part, elle se prévaut de la circonstance que M. C... ne peut accéder à la parcelle cadastrée section AO n° 100, sur laquelle est édifiée sa maison d'habitation et qui n'est que marginalement concernée par le projet, lequel prévoit seulement qu'un accès aux parcelles concernées y sera réalisé, qu'au moyen d'une servitude conventionnelle du 11 août 1972, elle ne fait pas davantage état d'une atteinte directe aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de sa propriété, notamment en raison d'une augmentation de la circulation qui ne peut qu'être faible compte tenu de ce que seule une maison individuelle est projetée. Dès lors, Mme A... ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire délivré à M. C....

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 3 mars 2020 du maire de Manosque délivrant un permis de construire à M. C..., ni de la décision implicite du 24 août 2020 portant rejet du recours gracieux à l'encontre de cet arrêté.

Sur les frais liés au litige :

9. La commune de Manoque n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par Mme E... veuve A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E... veuve A... la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Manoque au titre de ces mêmes dispositions.

D É C I D E

Article 1er : L'ordonnance du 15 décembre 2020 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Mme A... versera la somme de 2 000 euros à la commune de Manosque en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., à la commune de Manosque et à M. F... C...

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023

N°21MA00832 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00832
Date de la décision : 16/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-04-01 Procédure. - Introduction de l'instance. - Intérêt pour agir. - Absence d'intérêt.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : SELARL GRIMALDI - MOLINA et ASSOCIÉS - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-11-16;21ma00832 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award