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13/11/2023 | FRANCE | N°22MA01745

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 13 novembre 2023, 22MA01745


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 21 décembre 2020, par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de l'admettre au séjour.

Par un jugement n° 2100834 du 8 juin 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 21 juin 2022 sous le n° 22MA01745, M. A..., représenté par Me Jaidane, doit être regardé comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler le

jugement du 8 juin 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 21 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 21 décembre 2020, par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de l'admettre au séjour.

Par un jugement n° 2100834 du 8 juin 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 21 juin 2022 sous le n° 22MA01745, M. A..., représenté par Me Jaidane, doit être regardé comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 juin 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 21 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale et à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et, ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- c'est à tort que le préfet des Alpes-Maritimes refuse d'admettre qu'il est présent sur le territoire français depuis 2002 et à tout le moins, depuis plus de dix ans à la date à laquelle il a pris l'arrêté en litige ;

- l'arrêté est également entaché d'un vice de procédure dès lors que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie, tenant compte de sa présence depuis plus de dix années ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- c'est à tort que le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas mis en œuvre les pouvoirs de régularisation exceptionnelle qu'il tient des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2022.

II°) Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2022 sous le n° 22MA02020, M. A..., représenté par Me Jaidane, demande à la Cour :

1°) de décider le sursis à l'exécution du jugement du 8 juin 2022 ;

2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale et à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et, ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué est susceptible d'avoir des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens qu'il développe dans sa requête d'appel présentent un caractère sérieux, propre à justifier le sursis à l'exécution du jugement.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- 1'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 31 octobre 1976, a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour auprès du préfet des Alpes-Maritimes le 4 décembre 2020. Par une décision du 21 décembre 2020, le préfet a refusé de faire droit à sa demande. M. A... a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Par le jugement du 8 juin 2022, le tribunal administratif a rejeté cette demande. M. A... fait appel de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les deux requêtes visées ci-dessus présentent les mêmes moyens et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, M. A... soutient avoir établi sa résidence habituelle en France au moins depuis dix ans et y avoir fixé le centre de ses intérêts privés. Toutefois, s'agissant des années 2012, 2016 et 2019, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, l'intéressé se borne à produire des avis d'impôt sur le revenu ne comportant aucun revenu ainsi que quelques factures sans caractère probant. Alors que les premiers juges ont mentionné que, pour l'année 2018 et le premier semestre de l'année 2020, aucun document n'était produit par l'intéressé pour établir sa présence sur le territoire national, ce dernier se borne à verser au dossier une déclaration pré-remplie sur les revenus datant du 19 avril 2018 et, toujours, aucun élément pour attester de sa présence au cours du premier semestre de l'année 2020. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appelant justifie de sa résidence habituelle et continue en France depuis plus de dix ans.

4. En deuxième lieu, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. [...] ".

5. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord.

6. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

7. Au cas présent, M. A... ayant sollicité du préfet des Alpes-Maritimes la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de la vie privée et familiale, il est fondé à invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 précité. Toutefois, en faisant valoir qu'il résiderait en France depuis le 31 décembre 2002, qu'une partie de sa famille dispose de la nationalité française et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, alors que la durée de présence qu'il allègue n'est pas établie, il ne se prévaut, en tout état de cause, d'aucune circonstance qui permettrait de regarder sa situation comme répondant à des considérations humanitaires ou comme relevant de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'a pas exécuté les obligations de quitter le territoire précédemment édictées à son encontre. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article ne peut dès lors qu'être écarté.

8. En troisième lieu, l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 n'a pas entendu écarter l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour.

9. Il résulte des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à cet article et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Pour les motifs indiqués aux points 2 à 7, M. A... ne remplissait pas les conditions prévues par ces dispositions. Ainsi, le préfet des Alpes-Maritimes n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande. Le moyen tiré du vice de procédure à raison du défaut de saisine de cette commission préalablement à l'édiction de la décision attaquée ne peut, dès lors, qu'être écarté.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Devant la Cour, l'appelant se borne à reprendre l'argumentation soumise au tribunal administratif selon laquelle la décision attaquée porte atteinte à son droit à mener une vie privée et familiale. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nice, dès lors que la réponse du tribunal est elle-même suffisante et n'appelle pas de nouvelles précisions en appel.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur le sursis à exécution :

14. La Cour s'étant prononcée sur l'appel de M. A... contre le jugement du 8 juin 2022, il n'y a pas lieu pour elle de statuer sur les conclusions de son recours tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. A... dirigées contre l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Jaidane.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 30 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 novembre 2023.

2

Nos 22MA01745 - 22MA02020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01745
Date de la décision : 13/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : JAIDANE;JAIDANE;JAIDANE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-11-13;22ma01745 ?
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