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13/11/2023 | FRANCE | N°22MA01311

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 13 novembre 2023, 22MA01311


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er février 2021, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2108370 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cou

r :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2022, M. B..., représenté par Me Chartier, demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er février 2021, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2108370 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2022, M. B..., représenté par Me Chartier, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 février 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet s'est abstenu à tort de saisir la commission du titre de séjour alors qu'il justifie d'une présence en France depuis plus de dix ans ;

- le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a également méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du même code en ne l'admettant pas au séjour ni au titre de sa vie privée et familiale ni en tant que salarié ;

- l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant congolais, né le 30 mars 1979, déclare être entré en France le 31 mai 2010. Il s'est vu refuser l'asile par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 juin 2011, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 16 décembre 2011. A la suite de l'annulation, par un jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 mars 2013, de la décision fixant le pays de destination dont l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 29 février 2012 était assortie, l'intéressé s'est vu délivrer des autorisations de séjour puis des titres de séjour en qualité d'étranger malade, plusieurs fois renouvelés dont le dernier était valable jusqu'au 8 septembre 2017. Par arrêté du 7 mai 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler le titre de séjour de l'intéressé, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 21 novembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la contestation de cet arrêté. Le 18 septembre 2021 M. B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Par arrêté du 1er février 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par le jugement du 3 février 2022, le tribunal administratif a rejeté cette demande. M. B... fait appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour [...] ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 [...] ".

3. Il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions.

4. Alors qu'il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet des Bouches-du-Rhône s'est borné à remettre en cause le maintien habituel de la présence de M. B... depuis le 31 mai 2010 et que les premiers juges ont mis en doute sa présence en France de septembre 2012 à octobre 2013, il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de sa présence en France depuis plus de dix ans, M. B... verse de très nombreuses pièces sur la période 2010-2021, parmi lesquelles figurent notamment des quittances de loyer, des bulletins de salaire ou des preuves de versement de l'aide de retour à l'emploi, pour les années 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018, des documents médicaux, des ordonnances médicales sur lesquelles est apposé le cachet de la pharmacie, des relevés de remboursement de la caisse primaire d'assurance maladie et des attestations d'admission à l'aide médicale de l'Etat, des relevés bancaires faisant état de mouvements mensuels, notamment, des retraits, des prélèvements ou des achats par carte bancaire, ainsi que des contrats de fourniture d'électricité et des factures pour des abonnements de téléphonie mobile au nom de l'intéressé. Pour la période contestée, l'intéressé a produit la preuve de la réception en septembre 2012 à Marseille de médicaments qui lui avaient été adressés depuis Kinshasa, ainsi que la preuve de la consultation d'un praticien hospitalier à Marseille, le 10 septembre 2012 et la convocation en préfecture en juin 2013. Ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, soit le 1er février 2021, M. B... justifiait résider en France de manière habituelle depuis plus de dix ans et ce malgré l'absence de justificatifs pour le seul premier trimestre de l'année 2013 alors que par ailleurs, l'intéressé a été titulaire d'un titre de séjour qui expirait le 2 juillet 2016 et en possession de récépissés valables du 22 août 2015 au 16 mai 2021, ainsi que l'atteste le récépissé délivré par le préfet des Bouches-du-Rhône le 17 novembre 2020. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône était tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour précitée avant de rejeter sa demande. Le moyen tiré du vice de procédure à raison du défaut de saisine de cette commission préalablement à l'édiction de l'arrêté attaqué doit, dès lors, être accueilli.

5. Il résulte de ce qui précède que sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. L'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". L'article L. 911-2 du même code prévoit que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Aux termes de son article L. 911-3 : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

7. Eu égard au motif retenu par le présent arrêt et seul susceptible de l'être, l'exécution de cet arrêt implique seulement le réexamen de la situation de l'intéressé ainsi que la prise d'une nouvelle décision après la saisine de la commission du titre de séjour. Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à ce réexamen dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Chartier, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Chartier de la somme de 2 000 euros.

D É C I D E :

Article 1er : L'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 1er février 2021 et le jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 février 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de la situation de M. B... et de prendre une nouvelle décision après saisine de la commission du titre de séjour dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Chartier une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Chartier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Chartier.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 30 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 novembre 2023.

2

No 22MA01311


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01311
Date de la décision : 13/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : CHARTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-11-13;22ma01311 ?
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