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13/11/2023 | FRANCE | N°22MA00485

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 13 novembre 2023, 22MA00485


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un déféré enregistré le 13 mai 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, d'annuler le marché public conclu le 28 novembre 2018 entre la Régie des Transports Métropolitains (RTM) et le Groupement d'intérêt économique (GIE) Transrades.

Par un jugement n° 1904184 du 21 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a résilié le marché attribué pa

r la RTM au GIE Transrades avec effet différé au 21 septembre 2022.

Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un déféré enregistré le 13 mai 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, d'annuler le marché public conclu le 28 novembre 2018 entre la Régie des Transports Métropolitains (RTM) et le Groupement d'intérêt économique (GIE) Transrades.

Par un jugement n° 1904184 du 21 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a résilié le marché attribué par la RTM au GIE Transrades avec effet différé au 21 septembre 2022.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 février 2022 et 29 juin 2023, la Régie des Transports Métropolitains, représentée par Me Bainvel, doit être regardée comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 2021 en tant qu'a été prononcée la résiliation du marché avec effet différé au 21 septembre 2022 ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le caractère excessif de la durée du marché n'est nullement établi alors que la durée de marché de douze années ayant été calculée en tenant compte de l'obligation d'achat des navires imposée au titulaire du marché et des conséquences en découlant en termes d'amortissement, la RTM a respecté les dispositions de l'article 16 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés public ;

- à titre subsidiaire, des considérations d'intérêt général commandent que la poursuite du marché en cause soit décidée ;

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il n'a pas retenu les autres moyens présentés par le préfet des Bouches-du-Rhône dans son déféré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un courrier du 2 août 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 18 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;

- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et services issu de l'arrêté du 19 janvier 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Bainvel, pour la Régie des Transports Métropolitains, de Me Tosi, pour le GIE Transrades, et de M. A..., pour le préfet des Bouches-du-Rhône.

Considérant ce qui suit :

1. La Régie des Transports Métropolitains (RTM) a lancé, le 21 juillet 2018, dans le cadre d'une procédure négociée en application des articles 26 et 74 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, une consultation en vue de l'attribution d'un marché public de services ayant pour objet la desserte maritime entre le Vieux Port et l'Archipel du Frioul. Ce marché a été attribué, le 28 novembre 2018, au GIE Transrades pour une durée de douze ans à compter du 1er janvier 2019 et pour un montant de 34 795 120 euros hors taxes. Le préfet des Bouches-du-Rhône a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'un déféré tendant à l'annulation de ce marché. Par un jugement du 21 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a prononcé la résiliation du marché à la date du 21 septembre 2022, au motif que la durée contractuelle de douze ans méconnaissait les dispositions de l'article 16 du décret du 25 mars 2016. La Régie des Transports Métropolitains fait appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la validité du marché :

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini. Il en va de même de la contestation de la validité d'un avenant à ce contrat. Compte tenu des intérêts dont il a la charge, le représentant de l'Etat dans le département peut invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini.

3. Il appartient au juge du contrat, lorsqu'il est saisi par le représentant de l'Etat d'un déféré contestant la validité d'un contrat, d'apprécier l'importance et les conséquences des vices entachant la validité du contrat. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci.

4. Aux termes de l'article 16 du décret du 25 mars 2016 alors applicable : " I. - Sous réserve des dispositions de l'ordonnance du 23 juillet 2015 susvisée et du présent décret relatives à la durée maximale de certains marchés publics, la durée d'un marché public est fixée en tenant compte de la nature des prestations et de la nécessité d'une remise en concurrence périodique. [...] ".

5. Il résulte de l'instruction que la desserte maritime de l'archipel du Frioul était initialement assumée par la métropole Aix-Marseille-Provence, laquelle avait conclu une délégation de service public avec le société Frioul-If express dont le terme avait été fixé au 31 décembre 2018 et qui prévoyait qu'à ce terme, les biens amortissables non totalement amortis pouvaient être repris par la métropole Aix-Marseille-Provence contre paiement de la valeur non amortie pendant la durée de la convention. Un avenant n° 11 à cette délégation de service public précisait qu'étaient concernés trois navires pour une valeur nette comptable à hauteur de 2 682 507 euros.

6. Par la suite, la métropole Aix-Marseille-Provence et la Régie des Transports Métropolitains ont conclu un contrat " d'obligation de service public ", le 20 décembre 2010, prenant effet le 1er janvier 2011 et ayant fait l'objet d'une prolongation jusqu'au 31 décembre 2025. La Régie des Transports Métropolitains a alors lancé une procédure négociée avec mise en concurrence, portant sur un marché public de services ayant pour objet le transport maritime et prévoyant l'achat par le cocontractant des trois navires non encore amortis à hauteur de 2 700 000 euros hors taxes. A l'issue de cette mise en concurrence, l'appelante a conclu un marché à prix forfaitaire révisable pour une durée de douze années pour un montant de 34 795 120 euros hors taxes.

7. Pour justifier de la durée particulièrement longue de douze années du marché de service en litige et qui a pour effet de retarder, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la mise en concurrence périodique des opérateurs économiques, la RTM se prévaut de la liberté contractuelle notamment s'agissant de la fixation de la durée des marchés publics et fait valoir qu'en l'espèce, cette durée était justifiée par la nécessité de prendre en compte la période restante d'amortissement des trois navires que son cocontractant avait l'obligation d'acquérir. Toutefois, des telles considérations sont inopérantes, l'appelante ne pouvant se prévaloir des règles qui régissent les biens dits de retour qui reviennent à la collectivité publique à l'issue d'une délégation de service public, dès lors qu'elle a conclu un marché public et non une délégation de service public et qu'en conséquence, les trois navires n'ont pas vocation à devenir sa propriété à l'issue de ce marché mais restent propriété de son contractant. Au demeurant, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, si les stipulations du marché en cause prévoyaient l'achat, par l'opérateur économique retenu, de ces trois navires, ceux-ci pouvaient continuer à être amortis, après le terme du contrat antérieur, dans le cadre d'une activité de prestation de services ultérieure, ou faire l'objet d'une revente pour compenser l'impossibilité d'amortir totalement les véhicules dans le cadre de la durée du contrat antérieur initialement prévu. Si la Régie a entendu se prévaloir de la possibilité de prendre en compte la nature des prestations du marché pour en déterminer la durée, l'obligation de rachat de trois navires ne peut être regardée comme étant en lien avec la nature même de la prestation en cause, qui consiste en la desserte maritime entre le Vieux Port et l'Archipel du Frioul, mais seulement en lien avec les modalités contractuelles telles qu'elle les a choisies, étrangères aux caractéristiques propres aux marchés publics.

8. Au surplus, la durée de douze années choisie par la Régie des Transports Métropolitains conduit à ce que le terme du marché fixé à 2031 excède le terme de la délégation de service public dont elle est titulaire, même prolongée jusqu'à 2025, et donc la durée résiduelle de la délégation de service public en cause.

9. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône est fondé à soutenir que la fixation de la durée du marché à douze années méconnaît les dispositions précitées de l'article 16 du décret du 25 mars 2016. Il en résulte que la Régie des Transports Métropolitains n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a prononcé la résiliation du marché qu'elle avait conclu avec le GIE Transrades.

En ce qui concerne les conséquences de l'illégalité du marché :

10. Il ne résulte de l'instruction aucune circonstance de nature à démontrer une atteinte excessive à l'intérêt général ni aucune nécessité de service justifiant de ne pas prononcer la résiliation ni d'augmenter l'effet différé de cette résiliation. Ainsi et en dépit du coût pouvant résulter de l'engagement d'une nouvelle procédure de passation, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Marseille a seulement différé les effets de la résiliation du marché en litige qu'il a prononcée au 21 septembre 2022.

11. Il résulte de ce qui précède que la Régie des Transports Métropolitains n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a prononcé la résiliation du marché qu'elle avait attribué au GIE Transrades à compter du 21 septembre 2022.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la Régie des Transports Métropolitains dirigées contre l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la Régie des Transports Métropolitains est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Régie des Transports Métropolitains (RTM), au Groupement d'intérêt économique (GIE) Transrades et au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 30 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 novembre 2023.

2

No 22MA00485


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00485
Date de la décision : 13/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Contenu.

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SELARL ANDREANI-HUMBERT-COLLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-11-13;22ma00485 ?
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