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10/11/2023 | FRANCE | N°22MA03145

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 10 novembre 2023, 22MA03145


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; à titre principal, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritim

es de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; à titre principal, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois.

Par un jugement n° 2201080 du 14 décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Hmad, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2022 du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'erreurs de fait et d'erreurs d'appréciation ;

- il n'a pas sollicité de demande d'admission au séjour par le travail mais seulement sur le fondement de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ; en tout état de cause, il disposait déjà d'une autorisation de travail sous la forme d'un récépissé de demande de titre de séjour et le préfet ne pouvait donc exiger qu'il fournisse une demande d'autorisation de travail à l'appui de sa demande de titre de séjour ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale, au regard des stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, du 7° de l'article 313-11 et de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- sa présence stable et continue sur le territoire français depuis plus de dix ans est établie ; le préfet était tenu de saisir la commission des titres de séjour prévue à l'article L. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ensemble de sa famille réside sur le territoire français et il ne dispose plus d'aucune attache privée ou familiale dans son pays d'origine ;

- il justifie son insertion professionnelle sur le territoire français ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

La requête a été transmise au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 29 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau ;

- et les observations de Me Hmad, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant tunisien né le 10 juillet 1973, relève appel du jugement du 14 décembre 2022 du tribunal administratif de Nice ayant rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 31 janvier 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. M. A... soutient qu'il n'a pas sollicité son admission au séjour par le travail et que le préfet a examiné uniquement sur ce fondement les pièces concernant son insertion professionnelle. Cependant, un tel moyen est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, le préfet ayant également statué sur la demande d'admission au séjour présentée par le requérant au titre de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 7 mars 1988 et de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas tenu compte de ces pièces pour examiner la demande de titre de séjour sur le fondement de ces dispositions et que l'arrêté serait, de ce fait, entaché d'un défaut d'examen de sa situation.

3. Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. M. A... soutient qu'entré en France en 2004, il y réside habituellement depuis lors, y travaille en qualité d'agent d'entretien et y a établi le centre de sa vie privée et familiale avec ses frères de nationalité française. Toutefois, si M. A... se prévaut ainsi d'une présence continue en France depuis 2004, celle-ci n'est toutefois établie par aucune pièce pour les années 2004, 2006 et 2010. Des pièces parcellaires sont seulement produites pour les années 2005, 2007 à 2009 et 2011 à 2021. A cet égard, les avis d'imposition produits par l'intéressé font état d'une absence de revenus de sa part. En outre, les autres pièces produites pour ces années, tels que des documents médicaux, des factures ou des pièces portant sur ses droits à l'aide médicale de l'Etat, sont insuffisamment variées et nombreuses pour justifier de sa résidence habituelle en France au titre de ces années. L'arrêté attaqué mentionne en outre, sans être contesté sur ces points, que M. A... est célibataire et sans enfant et qu'il a fait l'objet de précédentes obligations de quitter le territoire français, les 19 mai 2006, 26 février 2009, 25 octobre 2012 et 18 septembre 2014. Enfin, la circonstance qu'il soit titulaire depuis le 1er janvier 2022 d'un contrat de travail à durée indéterminée, que ses deux frères de nationalité française résident en France et que ses parents soient décédés ne suffit pas à établir qu'il a effectivement transposé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux et qu'il serait dépourvu d'attaches privées et familiales en Tunisie, son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 30 ans. Dans ces conditions, en prenant l'arrêté contesté, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, cet arrêté ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché cet arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. A....

5. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / (...) ".

6. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

7. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, bien que l'accord franco-tunisien ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation au titre de l'activité salariée. En revanche, les dispositions précitées de l'article L. 435-1 sont applicables aux ressortissants tunisiens s'agissant de la délivrance, au titre de la régularisation, d'une carte de séjour temporaire au titre de la vie privée et familiale.

8. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui se prévaut de l'ancienneté de sa présence en France et de son insertion professionnelle, ne justifie pas, au regard des éléments exposés au point 4, d'éléments de sa vie personnelle pouvant constituer des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort également de l'ensemble des pièces produites que M. A... ne justifie pas d'une présence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans, de sorte que le préfet des Alpes-Maritimes n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour. Enfin, si M. A... soutient que l'arrêté préfectoral, qui souligne qu'il n'a pas produit de demande d'autorisation de travail, est entaché d'erreurs de fait et de droit dès lors qu'il était en possession d'un récépissé de titre de séjour l'autorisant à travailler, cet élément est en tout état de cause sans incidence sur sa légalité dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, le requérant n'a pas sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre de l'exercice d'une activité salariée et que, d'autre part, le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les seuls motifs mentionnés au point 4. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision de refus de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, le requérant n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2022 du préfet des Alpes-Maritimes. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente assesseure,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023.

N° 22MA03145 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA03145
Date de la décision : 10/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : OLOUMI - AVOCATS et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-11-10;22ma03145 ?
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