Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mahmouti.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante comorienne, relève appel du jugement du 11 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône pris le 30 décembre 2021 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixant le pays de renvoi.
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 30 décembre 2021 :
En ce qui concerne la décision refusant l'admission au séjour :
2. La décision contestée comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
3. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. ".
4. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec, même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ses compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en œuvre des dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application de ces principes. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
5. Il ressort des pièces du dossier que le rapport d'analyse de l'Institut national de la police scientifique en date du 12 avril 2021 conclut que M. C... B..., ressortissant français ayant reconnu la fille de Mme A... le jour de sa naissance, le 28 décembre 2018, " ne peut pas être le père biologique " de cette enfant. En outre, il ressort de l'audition de M. C... B..., d'une part, que celui-ci a expressément indiqué avoir reconnu l'enfant à la demande de Mme A... et souhaité lui permettre de pouvoir ainsi bénéficier d'un titre de séjour, et d'autre part, que les déclarations faites par chacun des deux intéressés divergent quant à la période durant laquelle ils ont eu ensemble des relations sexuelles. Ainsi, au regard de ces éléments précis et concordants sur lesquels il s'est fondé, le préfet des Bouches-du-Rhône doit être regardé comme établissant que la reconnaissance de paternité de l'enfant Chahrazad par M. C... B... présentait un caractère frauduleux. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude dès lors que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise, était légalement fondé à refuser, pour ce seul motif, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par Mme A.... Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 423-7 doit, dès lors, être écarté.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de son audition devant les services de police, que Mme A... a cherché à obtenir un titre de séjour en incitant M. C... B... à faire une déclaration frauduleuse de paternité. En outre, elle ne démontre pas ne pas pouvoir poursuivre aux Comores, son pays d'origine, sa vie avec son enfant, ou même avec sa seconde fille dont le père est lui aussi un ressortissant comorien séjournant en situation irrégulière en France. Si elle fait valoir que celui qui s'est présenté comme le père de son enfant continue d'entretenir avec ce dernier une relation affective et matérielle, il ne vit toutefois pas avec lui et, en outre, il n'est ni allégué ni démontré que ce lien ne pourrait perdurer si l'intéressée regagnait son pays d'origine avec son enfant. Enfin, elle ne justifie pas d'une insertion socioprofessionnelle particulière. Dans ces conditions, et eu égard à la brève durée du séjour en France de l'intéressée, qui y est entrée en 2017, l'atteinte portée à son droit au respect de sa vie familiale n'est pas disproportionnée aux buts poursuivis par l'arrêté contesté. Il s'ensuit que, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral du 30 décembre 2021 méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. Aux termes de l'article de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 selon lesquelles " dans toutes les décisions qui concernent les enfants... l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". La décision contestée portant refus d'admission au séjour n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de leurs parents. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les stipulations précitées de la convention relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. La décision contestée comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée procéderait d'un examen incomplet de la situation personnelle de l'intéressée.
11. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7.
12. Compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, et eu égard au fait que si le premier enfant de Mme A... entretient une relation affective avec celui qui s'est présenté comme son père, il ne vit pas avec lui, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de la requérante ou celle de son enfant.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Par voie de conséquence de ce qui vient d'être dit, le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution.
Sur les frais liés à l'instance :
15. Par voie de conséquence de tout ce qui vient d'être dit, les conclusions présentées par la requérante sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D..., à Me Braccini et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023.
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N° 22MA02929
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