Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015.
Par un jugement no 1911014 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Curvat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 décembre 2021 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et des majorations en litige ;
3°) de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- F...n'est pas assujettie à l'impôt sur les sociétés en France, en l'absence de siège de direction effective, alors qu'elle dispose d'un bureau au Luxembourg, constituant un établissement stable au sens de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 ;
- le solde du compte courant d'associé ouvert dans les livres de cette société au nom de M. A... n'est ainsi pas imposable en France ;
- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve d'un manquement délibéré justifiant l'application de pénalités.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention signée le 1er avril 1958 entre la République française et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Platillero, président assesseur, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mérenne,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... détiennent chacun dix des trente parts de la société de droit luxembourgeois D..., constituée en février 2011 et qui a fait l'objet en 2017 d'une vérification de comptabilité portant sur l'exercice 2015. L'administration a regardé le solde débiteur du compte courant d'associé de M. A... ouvert dans les comptes de cette société comme un revenu distribué, sur le fondement du a. de l'article 111 du code général des impôts. Elle a en outre réintégré une somme non déclarée de 78 500 euros au titre de droits d'auteur. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui en ont résulté ont notamment été assorties de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts. M. et Mme A... font appel du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces impositions.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ". Aux termes de l'article 108 du même code : " Les dispositions des articles 109 à 117 fixent les règles suivant lesquelles sont déterminés les revenus distribués par : / 1° Les personnes morales passibles de l'impôt prévu au chapitre II du présent titre ". Selon le a. de l'article 111 de ce code, sont notamment considérés comme revenus distribués : " Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. ". Aux termes de l'article 206 dudit code : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (...) et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif (...) ".
3. Il est constant que M. et Mme A... ont leur domicile fiscal en France et y sont ainsi passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus mondiaux, en application de l'article 4 A du code général des impôts. Il est tout aussi constant que la société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois D..., qui compte plusieurs associés, est assimilable à une société de capitaux mentionnée à l'article 206 du même code et est ainsi passible de l'impôt sur les sociétés. Enfin, en application du a. de l'article 111 de ce code, doivent être regardés comme des revenus distribués, sauf preuve contraire, les montants des soldes débiteurs des comptes courants ouverts dans les écritures d'une société au nom de ses associés, actionnaires ou porteurs de parts. Dès lors que M. et Mme A... ne contestent aucun de ces éléments, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a imposé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers le solde débiteur du compte courant d'associé ouvert au nom de l'époux dans F....
4. M. et Mme A... font toutefois valoir que F... ne disposait pas d'un établissement stable en France alors que ce n'est que lorsqu'une société de droit étranger y réalise l'intégralité de ses opérations par l'intermédiaire d'un établissement stable passible de l'impôt sur les sociétés que le solde débiteur d'un compte courant détenu par un associé domicilié fiscalement en France dans les écritures de cette société est imposable sur le fondement du a. de l'article 111 du code général des impôts.
5. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". Aux termes du 3. de l'article 2 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 alors applicable : " 1) Le terme " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2) Au nombre des établissements stables figurent notamment : a) les sièges de direction ; b) les succursales ; c) les bureaux ; d) les usines ; e) les ateliers ; f) les installations à usage d'entrepôt ou de magasins ; g) les mines, carrières ou autres lieux d'extraction de ressources naturelles ; h) les chantiers de construction ou d'assemblage dont la durée dépasse six mois (...) ". Aux termes de l'article 4 de la même convention : " 1. Les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'État sur le territoire duquel se trouve un établissement stable. 2. Lorsqu'une entreprise possède des établissements stables dans les deux États contractants, chacun d'eux ne peut imposer que le revenu provenant de l'activité des établissements stables situés sur son territoire (...) ".
6. Il résulte de l'instruction que la société de droit luxembourgeois D... exerce une activité de diffusion télévisuelle depuis le Luxembourg vers la France par l'exploitation d'une chaîne satellite destinée aux adultes. En 2015, la société achetait les films diffusés à la société française Studio 555 située à Marseille, qui était également en charge de l'activité de doublage et de post-synchronisation et ses contenus étaient transmis vers le site de son principal client à Paris depuis un serveur informatique situé au Luxembourg. Au cours des opérations de contrôle, l'administration a constaté que F..., qui a pour fournisseur et client des sociétés françaises, ne comporte aucune structure technique ou administrative au Luxembourg, où elle ne dispose que d'un bureau d'une superficie de 11 mètres carrés qui fait l'objet d'une simple sous-location et ne permet pas d'ailleurs de stocker ou de gérer ses documents ou d'exercer une quelconque activité. Cette société n'emploie aucun personnel au Luxembourg, sa comptabilité étant seulement tenue par un cabinet comptable externe dans ce pays. Par ailleurs, si F... est titulaire d'une concession de diffusion au départ du Luxembourg d'un programme de télévision en langue française à rayonnement international, l'émission du programme définitif n'est pas assurée par l'entreprise elle-même mais par la société Broadcasting Center Europe dans le cadre d'une convention de prestations de services. Le seul fait de disposer d'un serveur physiquement localisé au Luxembourg, au demeurant dans les locaux de cette société, et d'une assise technique assurée par cette même société ne caractérise l'exercice d'aucune activité dans cet Etat. Il en est de même des liens entretenus par F... avec l'autorité de l'audiovisuel luxembourgeois par l'intermédiaire d'avocats exerçant dans ce pays et avec l'autorité chargée du contrôle des droits musicaux et de la simple disposition de comptes bancaires. En outre, les organes de direction, composés de M. et Mme A... et d'une secrétaire de direction, sont physiquement situés en France, quand bien même les décisions d'assemblée générale n'y seraient pas prises, à Marseille, lieu d'où partent également les films diffusés et où se situe le domicile des dirigeants, ainsi que les bureaux du personnel administratif de F..., aucun élément ne permettant de supposer que les décisions stratégiques concernant la société seraient prises au Luxembourg.
7. Il résulte des éléments de fait mentionnés au point précédent que F... exerce en France une activité, de manière habituelle, dans le cadre d'un établissement autonome et constitue ainsi une entreprise exploitée en France au sens des dispositions de l'article 209 du code général des impôts. Il en résulte également, d'une part, que son siège de direction, lieu où les personnes exerçant les fonctions les plus élevées prennent réellement les décisions stratégiques, est situé en France, caractérisant un établissement stable dans cet Etat, et, d'autre part, qu'elle ne dispose d'aucun établissement stable au Luxembourg, au sens des stipulations de l'article 2 précité de la convention fiscale franco-luxembourgeoise. Dans ces conditions, à supposer même que les éléments mentionnés au point 3 soient insuffisants pour justifier l'imposition des revenus en litige et que celle-ci soit conditionnée à la réalisation, par F..., de l'intégralité de ses opérations en France par l'intermédiaire d'un établissement stable, tel est bien le cas en l'espèce.
Sur les majorations :
8. M. et Mme A... reprennent en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen tiré de ce que les pénalités prévues par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ne sont pas fondées. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif aux points 7 à 10 du jugement attaqué.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Leur requête doit donc être rejetée, y compris leurs conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient :
- M. Platillero, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme E... et M. Mérenne, premiers conseillers.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.
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No 22MA00141