Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2019 par lequel la maire d'Aix-en-Provence lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire des fonctions d'une durée de deux ans, d'autre part, d'enjoindre à ladite maire de le réintégrer sur un poste adapté à ses compétences et aux recommandations médicales relatives à son handicap, et, enfin, de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2001273 du 26 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande de M. B... et a mis à la charge de ce dernier la somme de 800 euros à verser à la commune d'Aix-en-Provence sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mars 2022, M. B..., représenté par Me Susini, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 janvier 2022 ;
2°) d'annuler cet arrêté de la maire d'Aix-en-Provence du 17 décembre 2019 ;
3°) d'enjoindre à la commune d'Aix-en-Provence de le réintégrer sur un poste adapté à ses compétences et aux recommandations médicales afférentes à son handicap ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la critique du jugement attaqué :
- c'est à tort que, dans son considérant n° 5, le tribunal administratif de Marseille a considéré que l'exercice d'une activité privée lucrative non autorisée durant un congé de maladie était suffisamment établie ;
- si, dans son considérant n° 6, le tribunal administratif de Marseille a retenu que le refus d'exécuter les tâches simples était avéré, il n'a pas répondu aux moyens qu'il avait soulevés selon lesquels de nombreuses tâches pouvaient être confiées aux personnes occupant ce même grade, que ses compétences dans le domaine de la comptabilité étaient dépassées et qu'il avait formulé de nombreuses demandes de formation ;
- dans son considérant n° 7, le tribunal administratif de Marseille n'a pas répondu au fait qu'il a été contraint de s'opposer à la circonstance que son responsable avait profité de son absence pour fouiller dans son ordinateur sans respecter la procédure ;
- en jugeant, dans son considérant n° 8, que l'administration pouvait légalement tenir compte de ce que son dossier faisait état d'un antécédent disciplinaire pour des faits commis en 2010, lesquels avaient donné lieu à une sanction d'exclusion temporaire d'une durée de deux ans dont un an avec sursis, le tribunal administratif de Marseille a méconnu la portée du principe général du droit de Non bis in idem ;
- en tout état de cause, le jugement attaqué ne fait pas le moindre cas, y compris dans son considérant n° 8 relatif à la proportion de la sanction prononcée, de son état de santé, physique et moral ;
Sur l'effet dévolutif de l'appel :
- sur les faits reprochés :
. le grief tenant à l'exercice d'une activité lucrative non autorisée n'est pas établi ;
. il ne nie pas certaines difficultés rencontrées dans l'exercice quotidien de ses missions mais ils relèvent davantage de l'obligation de la commune d'Aix-en-Provence de l'aider à surmonter ces difficultés qui sont en grande partie dues à son handicap physique et à sa détresse psychologique ; en tout état de cause, l'essentiel des débats devant le conseil de discipline a tourné autour de ses insuffisances professionnelles, lesquelles ne peuvent justifier une sanction disciplinaire ;
. il s'est expliqué, dans son mémoire en première instance, sur le seul comportement prétendument agressif qui lui aurait été reproché ; s'agissant des prétendues difficultés relevées avec des partenaires extérieurs, son dossier disciplinaire ne mentionne qu'un seul " incident " ; en aucune manière, un comportement agressif récurrent ne lui a été reproché ;
. si le conseil de discipline s'est fondé sur l'existence d'une précédente sanction disciplinaire, au demeurant non assortie de sursis, fonder une sanction disciplinaire par l'existence d'une autre ancienne sanction disciplinaire purgée est illégal et devra être écarté dans l'appréciation de la gravité des faits allégués ;
. comme pour les retards, les erreurs et l'insuffisance du traitement des factures sont alléguées sans preuve, ni détails probants ; il en est de même du grief tenant à ce qu'une analyse de son poste informatique, qui ne figure pas dans son dossier disciplinaire, démontrerait des consultations sur Internet et des visionnages de films ;
. il suit un traitement lourd qui peut provoquer des endormissements ;
. s'agissant de la fois où il aurait été surpris " les pieds sur le bureau ", la médecine préventive professionnelle a recommandé des aménagements dans ses conditions de travail ;
. s'agissant de propos grossiers qu'il aurait tenus, il serait question d'un fait isolé dont il n'existe aucune preuve matérielle ;
. s'agissant du fait du 8 août 2019, les circonstances, en corrélation avec son état de santé et sa fragilité psychologique, peuvent justifier le comportement, au demeurant mesuré, qui lui est reproché ;
. le prétendu dénigrement de la commune d'Aix-en-Provence et des fonctionnaires est asséné sans aucune preuve, ni détail suffisant ;
. le reste des considérations formant la lettre d'engagement d'une procédure disciplinaire s'avère inopérant ;
- la sanction d'exclusion temporaire de deux ans retenue à son encontre est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2022, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par Me Lonqueue, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 16 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 février 2023, à 12 heures.
En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la Cour a demandé, le 5 septembre 2023, au conseil de la commune d'Aix-en-Provence de produire une copie de l'arrêté de la maire d'Aix-en-Provence de juillet 2010 portant infliction à M. B... d'une précédente sanction disciplinaire ainsi qu'une copie entièrement lisible du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 13 août 2019 permettant à la Cour de prendre connaissance des textes figurant sur les captures d'écran qu'il contient.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Susini, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Adjoint administratif principal de deuxième classe, en poste au sein des effectifs de la commune d'Aix-en-Provence depuis l'année 2005, M. B... y exerçait, depuis le mois de mai 2019, les fonctions d'assistant comptable, au sein du service de la gestion administrative et financière lorsque, par un arrêté du 17 décembre 2019, la maire a décidé de lui infliger la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 26 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " A cet égard, si le juge doit statuer sur l'ensemble des moyens et conclusions qui lui sont soumis, il n'est en revanche pas tenu de répondre à la totalité des arguments présentés à l'appui de ces moyens et conclusions.
3. Les allégations de M. B... selon lesquelles de nombreuses missions peuvent être confiées aux personnes occupant son grade, que ses compétences dans le domaine de la comptabilité étaient dépassées et qu'il avait formulé de nombreuses demandes de formation, constituent des arguments au soutien du moyen tiré de ce que la matérialité du grief tenant au refus d'exécuter les tâches qui lui étaient confiées ne serait pas établie. Les premiers juges, qui ont suffisamment répondu à ce moyen au point 6 de leur jugement attaqué, n'étaient pas tenus de répondre spécifiquement à ces arguments et n'ont, par suite, entaché celui-ci ni d'une omission à statuer, ni d'une insuffisance de motivation. Il suit de là que ces moyens doivent être écartés.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes (Conseil d'Etat, Assemblée, 13 novembre 2013, n° 347704).
En ce qui concerne la matérialité des faits reprochés à M. B... et leur qualification de fautes disciplinaires :
5. Aux termes de l'article 29 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait preuve d'un manque manifeste et volontaire de diligence et de rigueur dans l'exécution de ses missions, ne respectant pas ses horaires de travail et allant même jusqu'à refuser d'exécuter certaines consignes de sa hiérarchie. Il ressort également de ces pièces qu'il a entretenu des relations difficiles tant avec ses collègues que ses supérieurs et les partenaires extérieurs, se manifestant, de manière réitérée, par des écarts de langage, un comportement inadapté, irrespectueux, voire agressif. En se bornant à se prévaloir de son manque de formation ou de son état de santé, et en particulier de son handicap, et du traitement médicamenteux qu'il suit, l'appelant ne conteste pas sérieusement la matérialité de ces griefs qui lui sont reprochés par la maire d'Aix-en-Provence dans son arrêté contesté du 17 décembre 2019 et qui, alors même qu'ils pourraient également relever de l'insuffisance professionnelle, caractérisent des manquements à ses obligations professionnelles. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des pièces médicales fournies par l'intéressé, que son état de santé, pour la période durant laquelle les faits reprochés ont été commis, faisait obstacle à ce qu'une sanction soit prononcée en raison des manquements en cause, lesquels présentent le caractère de fautes disciplinaires.
7. En revanche, si la maire d'Aix-en-Provence a également reproché à M. B... le visionnage de films sur son ordinateur professionnel, durant son temps de travail, ce grief n'est pas suffisamment établi au vu des pièces versées aux débats. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Marseille, il en est de même du grief tenant à ce que M. B... aurait travaillé dans une pizzéria, sans avoir sollicité, auprès de l'autorité territoriale, une autorisation pour exercer ce cumul d'activités et alors qu'au surplus, il était en congé maladie. Alors que l'appelant conteste fermement ce cumul, les pièces versées aux débats par la commune d'Aix-en-Provence, dont les deux procès-verbaux de constat d'huissier, ne sont pas suffisamment précises et circonstanciées pour caractériser ces faits.
En ce qui concerne le respect du principe Non bis in idem :
8. Il ne ressort pas de la lecture de l'arrêté contesté du 17 décembre 2019 que celui-ci serait fondé sur les mêmes faits que ceux qui avaient donné lieu à la précédente sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans prise par la maire d'Aix-en-Provence à l'encontre de M. B.... En effet, il ressort des pièces du dossier que l'appelant s'était vu infliger cette précédente sanction, par un arrêté du 13 juillet 2010, pour avoir agressé physiquement l'un de ses collègues de travail. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe Non bis in idem, qui interdit de sanctionner deux fois un agent public à raison des mêmes faits, doit être écarté.
En ce qui concerne la proportionnalité de la sanction infligée à M. B... :
9. Aux termes de l'article 89 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : / la radiation du tableau d'avancement ; / l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : / la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à un échelon correspondant à un indice égal ou immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : / la mise à la retraite d'office ; / la révocation. (...) ".
10. D'une part, la maire d'Aix-en-Provence a rappelé, dans son arrêté contesté du 17 décembre 2019, que M. B... s'était déjà vu infliger, par un arrêté du 13 juillet 2010, une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, pour avoir agressé physiquement l'un de ses collègues de travail. Comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la maire pouvait se référer à cet antécédent disciplinaire pour fixer le quantum de la sanction en litige.
11. D'autre part, et tout en prenant en compte cet antécédent disciplinaire, eu égard à la nature et à la gravité de griefs énoncés au point 6 ci-dessus du présent arrêt, dont la matérialité est établie et qui n'apparaissent pas isolés dans le parcours professionnel de M. B..., et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé, notamment sur le plan psychologique, était de nature à altérer son discernement au moment des faits en cause, l'appelant n'est pas fondé à soutenir qu'en suivant l'avis émis à l'unanimité des membres du conseil de discipline qui s'est réuni le 27 novembre 2019 et en lui infligeant la sanction d'exclusion temporaire des fonctions d'une durée de deux ans, la maire d'Aix-en-Provence aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. Ce moyen doit, dès lors, être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 26 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
15. D'une part, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Aix-en-Provence, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... sollicite au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
16. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions par la commune intimée.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune d'Aix-en-Provence tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune d'Aix-en-Provence.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.
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No 22MA00915
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