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30/10/2023 | FRANCE | N°20MA03673

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 30 octobre 2023, 20MA03673


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Venelles a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la société publique locale d'aménagement (SPLA) Pays d'Aix Territoires à lui payer une indemnité de 1 625 509,20 euros en réparation de préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des fautes commises par la société dans l'exécution d'une concession d'aménagement.

Par un jugement n° 1710355 du 24 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :<

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Par une requête sommaire, enregistrée le 24 septembre 2020, un mémoire ampliatif enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Venelles a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la société publique locale d'aménagement (SPLA) Pays d'Aix Territoires à lui payer une indemnité de 1 625 509,20 euros en réparation de préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des fautes commises par la société dans l'exécution d'une concession d'aménagement.

Par un jugement n° 1710355 du 24 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, enregistrée le 24 septembre 2020, un mémoire ampliatif enregistré le 28 octobre 2020, et deux mémoires enregistrés le 10 octobre 2022 et le 26 octobre 2022, la commune de Venelles, représentée par la SARL Cabinet Briard, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la SPLA Pays d'Aix Territoires à lui payer la somme de 2 154 253 euros, à parfaire, au titre des préjudices subis ;

3°) si la Cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée, de prescrire une expertise ;

4°) de mettre à la charge de la SPLA Pays d'Aix Territoires la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- tous les mémoires échangés n'ont pas été soumis au débat contradictoire ;

- le jugement est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation en ce qu'il retient que la commune n'établit pas que la capacité hydraulique de huit mètres cubes par seconde constituait une obligation contractuelle de la société Pays d'Aix Territoires ;

- le jugement attaqué ne vise ni n'analyse avec une précision suffisante les conclusions et moyens, et notamment sa critique concernant le manque de suivi des études préalables par la société et l'absence d'étude piézométrique ;

- le jugement ne répond pas au moyen tiré des défauts d'entretien et de finition ;

- le bassin de rétention réalisé par la société concessionnaire souffre de désordres imputables à des malfaçons, à des défauts d'entretien et à des vices de conception liés eux-mêmes à la non-réalisation d'études préalables pourtant nécessaires ;

- certains ouvrages, équipements et aménagements n'ont pas été réalisés ;

- la société concessionnaire a commis une faute en souscrivant un emprunt de 300 000 euros qui n'a pas été remboursé ;

- la société a commis une faute contractuelle en ne remboursant qu'à hauteur de 20 % les emprunts qu'elle avait souscrits, alors qu'elle n'était pas défaillante ;

- elle a en conséquence droit à être indemnisée à hauteur, d'une part, du coût de la réalisation d'un nouveau bassin de rétention enterré et, d'autre part, du coût de la mise en jeu de sa garantie d'emprunt ;

- le moyen tiré de l'insuffisance des études avait déjà été soulevé en première instance et est donc recevable.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 10 décembre 2020 et le 19 octobre 2022, la SPLA Pays d'Aix Territoires, représentée par Me Courrech, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Venelles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le grief tiré de l'insuffisance des études est nouveau en appel et donc irrecevable ;

- les autres moyens présentés à l'appui de la requête d'appel sont infondés ou inopérants.

Par une lettre en date du 3 octobre 2022, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu au cours de la période comprise entre le 1er décembre 2022 et le 28 février 2023, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 17 octobre 2022.

Par ordonnance du 7 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Des pièces ont été produites pour la commune de Venelles le 24 août 2023, après clôture de l'instruction, et n'ont pas été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Weiss, pour la commune de Venelles, et de Me Carteret, pour la SPLA Pays d'Aix Territoires.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention conclue 15 décembre 2010, la commune de Venelles (Bouches-du-Rhône) a concédé à la société publique locale d'aménagement (SPLA) Pays d'Aix Territoires la réalisation d'une opération d'aménagement portant sur la construction de logements, de locaux commerciaux et d'équipements publics incluant notamment un bassin de rétention des eaux pluviales dans la zone des Tournesols. Reprochant à la société d'avoir méconnu ses obligations contractuelles, la commune a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 1 625 509,20 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Par le jugement attaqué, dont la commune relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande, ainsi que les demandes reconventionnelles présentées par la société.

1. Sur le bien-fondé du jugement :

1.1. En ce qui concerne le cadre juridique :

2. Aux termes de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme : " (...) Le concessionnaire assure la maîtrise d'ouvrage des travaux et équipements concourant à l'opération prévus dans la concession, ainsi que la réalisation des études et de toutes missions nécessaires à leur exécution (...) ". Aux termes des articles 1er, 2.3, 2.9, 7 et 12 de la concession, le concessionnaire a la charge de la réalisation des études nécessaires au projet. A ce titre, l'article 12 de la convention prévoit que " Le concessionnaire devra (...) / - assurer toute étude technique complémentaire nécessaire à l'opération (...) ".

3. Aux terme de l'article 17 de la concession d'aménagement : " (...) L'achèvement est (...) réputé accompli au plus tard : /- pour les voies et espaces libres, dès qu'ils sont en mesure d'être ouverts au public, /- pour les réseaux et superstructures publics, dès qu'ils sont en mesure d'être mis en exploitation après que le concessionnaire ait procédé à leur réception. / Lorsque les ouvrages sont achevés, ils font l'objet d'une réception par le concessionnaire à laquelle assiste le concédant, ainsi que le cas échéant, la personne à laquelle les ouvrages doivent être remis. / Lorsqu'un ouvrage est terminé, le concessionnaire notifie au concédant et éventuellement aux autres personnes publiques la date à laquelle ceux-ci auront à en prendre possession. Le concédant et les autres personnes publiques disposent alors, à compter de cette date, d'un délai de trois mois pour notifier leurs réserves au concessionnaire / (...) ". Aux termes de l'article 19 de cette concession : " (...) A l'achèvement de ces ouvrages et après levées de réserves et réception définitive des travaux, le concessionnaire procède aux opérations de remise desdits ouvrages auprès des gestionnaires concernés / Les personnes normalement compétentes pour les ouvrages réalisés sont invitées aux opérations de remise. / Le concédant ne peut refuser la remise d'un ouvrage propre à sa destination mais peut, à cette occasion, formuler toutes réserves et demander au concessionnaire de remédier aux défauts constatés. Il est procédé entre les parties à un procès-verbal contradictoire de remise. Celui-ci contient le cas échéant les réserves formulées par le concédant et le délai imparti au concessionnaire pour procéder à la levée de ces réserves. En cas de refus du concédant de participer aux opérations de remise, après mise en demeure restée infructueuse pendant un délai de quinze jours, celle-ci est considérée comme accomplie. (...) ". Aux termes de l'article 29 de la concession d'aménagement : " REMUNERATION DU CONCESSIONNAIRE / Le concessionnaire n'est pas autorisé à imputer ses charges réelles de fonctionnement au compte de la concession d'aménagement mais seulement à imputer forfaitairement des charges en fonction de l'état d'avancement de ses différentes missions réalisées au titre de la présente concession d'aménagement : conduite générale de la concession (y compris négociation foncière), suivi technique des études et des travaux, commercialisation. Ces imputations destinées à couvrir le coût d'intervention de l'aménageur, sont dites " rémunérations ". / Pour les différentes tâches prévues dans le présent traité de concession, le concessionnaire pourra imputer ses charges calculées comme suit : / 29.1 / Pour la conduite générale et le suivi technique de l'opération, un montant forfaitaire de 196 000 euros réparti annuellement sur la durée de la concession. La première fraction annuelle sera calculée au prorata temporis à compter de la date de notification de la présente convention. Cette rémunération pourra être prélevée trimestriellement. / 29.2. Pour la commercialisation, une part variable proportionnelle, calculée à raison de 0,7 % des recettes [hors taxes] de cessions de terrains estimée à 22 000 euros hors taxes. (...) ". Aux termes de l'article 30 de cette concession : " Ainsi qu'il est précisé aux articles 36 et 37 ci-après, à l'expiration de la concession d'aménagement, le bilan de clôture est arrêté par le concessionnaire et approuvé par le concédant selon les mêmes modalités que les comptes-rendus annuels ". Aux termes de son article 33 : " A l'expiration de la présente concession, pour quelque motif que ce soit et quelque terme que ce soit, l'opération d'aménagement étant ou non achevée, il sera procédé aux opérations et versements suivants : / 33.1 Arrêté des comptes de l'opération d'aménagement : / Dans tous les cas d'expiration du présent contrat, à terme ou avant terme, le concédant établira un arrêté des comptes de l'opération à la date d'expiration du contrat, d'où il résultera un solde d'exploitation et un solde des financements issus des emprunts et des avances consenties par le concédant. / 33.1.1 Solde d'exploitation : - EN PLUS / - l'ensemble des produits, hors [taxe sur la valeur ajoutée], perçus avant l'expiration de la concession d'aménagement, inclus les subventions et participations, les produits financiers perçus jusqu'au règlement final, ainsi que les créances hors TVA exigibles avant l'expiration de la concession d'aménagement (à l'exception de celles qui ne seraient pas recouvrées à l'arrêté des comptes et qui seront alors cédées au concédant dans les conditions prévues par les articles 1689 et suivants du code civil). / - EN MOINS / - l'ensemble des charges, hors [taxe sur la valeur ajoutée] déductible, exposées par le concessionnaire pour l'exécution de sa mission, payées ou exigibles avant l'expiration du présent contrat, inclus notamment les frais financiers courus jusqu'au complet règlement par le concédant et les rémunérations du concessionnaire exigible contractuellement. / - la TVA dont est éventuellement redevable le concessionnaire au titre de cette opération de transfert et d'arrêté de comptes. / 33.1.2 Solde des financements repris par le concédant / - EN RESSOURCES / - le capital reçu, à la date d'expiration du présent contrat, sur tous les emprunts ; / - les avances consenties par le concédant, / - EN EMPLOIS / - les remboursements en capital effectués par la Société sur les emprunts et avances consenties par le concédant. / 33.1.3 Règlement final / Si le solde d'exploitation du bilan de clôture est négatif, il est pris en charge par le concédant ; s'il est positif, le concédant en est créancier. ".

4. D'une part, rien n'indique que le concessionnaire aurait notifié au concédant la date à laquelle il aurait à prendre possession des ouvrages, comme le prévoient les dispositions précitées de l'article 17 de la convention. Rien n'indique non plus que le concessionnaire aurait procédé aux opérations de remise des ouvrages ou mis la commune en demeure de participer aux opérations de réception. En l'absence de remise des ouvrages, la responsabilité contractuelle de la société concessionnaire est susceptible d'être engagée.

5. D'autre part, il résulte des stipulations des article 30 et 33 de la convention que le solde de l'opération, qu'il soit positif ou négatif, doit, à l'expiration de la concession, être pris à sa charge par la commune, autorité concédante, la rémunération de la société prenant la forme d'une facturation de charges forfaitairement stipulées. Ces stipulations ne font toutefois pas obstacle à ce que l'autorité concédante engage la responsabilité contractuelle de son concessionnaire dans l'hypothèse où, en raison d'un manquement aux diligences qui peuvent être attendues du titulaire d'une concession d'aménagement, certains des équipements publics réalisés ne sont pas conformes aux caractéristiques techniques stipulées dans la concession d'aménagement ou, à défaut de telles spécifications, sont affectés de désordres qui font obstacle à leur utilisation.

1.2. En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la société concessionnaire à raison du préjudice résultant de la nécessité de reprendre le bassin de rétention et le chenal situé en amont :

1.2.1. S'agissant des fautes :

6. La commune de Venelles soutient que le bassin et le chenal situé en amont souffrent d'un défaut de conception qui trouve son explication dans l'insuffisance des études réalisées par la société concessionnaire. Elle invoque par ailleurs diverses fautes tenant à des malfaçons affectant l'ouvrage.

1.2.1.1. Quant à la recevabilité du moyen tiré de l'insuffisance des études réalisées par la société concessionnaire :

7. Contrairement à ce que soutient la société concessionnaire, cette faute peut être invoquée pour la première fois en appel, dès lors que ce moyen relève de la même cause juridique, en l'espèce le contrat, que les autres moyens soulevés en première instance.

1.2.1.2. Quant aux fautes tirées d'une insuffisance des études préalables :

8. Aux termes de l'article 1er de la convention de concession d'aménagement du 15 décembre 2010 : " (...) une grande partie du foncier sera affectée à la réalisation d'un bassin de rétention pour l'essentiel indépendant des besoins propres de l'opération elle-même mais de nature à améliorer la situation hydraulique du secteur (...) La réalisation de cette opération sera assurée sous la maîtrise d'ouvrage de la SPLA (...) A ce titre, le concessionnaire assure notamment la maîtrise d'ouvrage des travaux et équipements concourant à l'opération prévus dans la concession, ainsi que la réalisation des études et de toutes missions nécessaires à leur exécution ". Aux termes de son article 2 : " (...) le concessionnaire a notamment pour missions, sous sa propre responsabilité, de : (...) 2.3 Assurer la réalisation des études liées à la mise en œuvre de l'opération (...) 2.4 Assurer la maîtrise d'ouvrage aux fins de réalisation des travaux et équipements concourant à la réalisation de l'opération (...) et plus particulièrement : le bassin de rétention dont l'essentiel est indépendant des besoins propres de l'opération (...) ". Aux termes de l'article 12 de la convention : " Le concessionnaire devra (...) / - assurer toute étude technique complémentaire nécessaire à l'opération (...) ". Aux termes de l'article 24.3 de cette convention : " 24.3 Participation du concédant au coût de l'opération / En application de l'article L. 300-5 du code de l'urbanisme, le montant de la participation du concédant est constitué par : (...) - l'acquisition du foncier nécessaire au bassin de rétention indépendant de l'opération pour 506 000 euros hors taxes, / - les travaux et honoraires du bassin de rétention indépendant de l'opération fixés à 350 000 euros (...). La participation sera versée (...) par mandat administratif (...) à la notification de la convention : versement de la somme de 350 000 euros [hors taxes], soit 418 600 euros [toutes taxes comprises] correspondant au montant fixé des travaux et honoraires du bassin de rétention ". Par ailleurs, l'avenant n° 2 à la concession d'aménagement, conclu en décembre 2013, précise que " les travaux d'aménagement paysager du bassin de rétention ont été revus à la hausse pour intégrer un accès [pour les personnes à mobilité réduite] depuis les futures constructions ".

9. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment de l'étude réalisée par le bureau Géotec en août 2011, du rapport établi par le bureau d'études Argitec en juin 2016 et du rapport de l'expertise effectuée en décembre 2020 pour le compte de la commune, que la société concessionnaire a engagé les travaux de réalisation du bassin de rétention sur la base d'études hydrauliques qui ne permettaient pas, faute de campagne de suivi piézométrique des fluctuations de la nappe phréatique, d'identifier le niveau des plus hautes eaux, alors que l'existence d'une nappe phréatique était connue depuis 2008 et qu'il ressortait de l'étude réalisée par le bureau d'études Géotec le 30 août 2011 qu'" une mission d'études géotechnique préliminaire du site (G11) ne peut suffire pour concevoir le projet géotechnique et qu'il est indispensable de réaliser une mission d'étude géotechnique d'avant-projet (G12), après définition précise du projet, en vue d'adapter l'ouvrage au contexte géotechnique. (...) Une mission géotechnique de type G12 devra être réalisée une fois les projets définitifs arrêtés (...) " et qu'" une mission hydrogéologique complète demandée en phase G12 et comprenant la pose de piézomètres sur le site à différentes profondeurs de fiche, le suivi dans le temps des fluctuations de nappe, puis la réalisation de calculs de stabilité à l'issue du constat des venues d'eau dans la frange superficielle des sols aurait permis d'adapter parfaitement le projet au site et d'avoir recours aux bonnes solutions techniques de confortement, de drainage et d'adaptation du projet au site ".

10. En l'absence d'une telle campagne de suivi piézométrique, le bassin de rétention qui a été réalisé avait un fond situé à la cote de 327,30 mètres NGF pour sa partie basse et 328,90 mètres NGF pour sa partie haute, alors que, selon la campagne de suivi piézométrique finalement réalisée par la commune en 2017, le niveau des plus hautes eaux est compris entre 329,22 mètres NGF en amont et 328,86 mètres NGF en aval. Ainsi, comme le note l'expert mandaté par la commune, en période de hautes eaux, le niveau de la nappe phréatique est situé au-dessus du fil d'eau du bassin. Par ailleurs, si la société concessionnaire a, au vu de sondages montrant que le fond du bassin était plus bas que le niveau de la nappe phréatique, conclu un avenant avec l'entreprise de travaux pour étanchéifier une partie du fond du bassin au moyen d'un complexe d'étanchéité mettant en œuvre un géocomposite de bentonite, recouvert de 40 centimètres de terre végétale, cette solution n'a pas permis de remédier au vice affectant le bassin. Ainsi qu'il ressort de l'expertise réalisée pour le compte de la commune, qui est corroborée par les études et rapports antérieurs et qui n'est pas sérieusement contestée, ce vice de conception a pour conséquence, en premier lieu, une instabilité des talus qui, gorgés d'eau, se ravinent, ainsi que l'indiquent les différents constats, rapports et études, et notamment la note technique établie par le bureau Safege en janvier 2015 et le projet de procès-verbal de constat contradictoire du 15 mai 2017. Ce vice a pour conséquence, en deuxième lieu, un contact entre la charge du bassin et la nappe phréatique, présentant un risque de pollution de cette dernière. Il a pour conséquence, en troisième lieu, un état d'humidité permanent de la partie basse du bassin qui est source de nuisances sonores et parasitaires. Compte tenu de ces désordres, le bassin de rétention réalisé par la société concessionnaire ne peut être regardé comme propre à l'usage pour lequel il a été conçu.

11. D'autre part, la commune de Venelles soutient que l'ouvrage hydraulique d'entrée souffre d'un défaut de conception, en ce que le chenal ne peut absorber un débit de huit mètres cubes par seconde sans déborder. Le tribunal administratif a écarté ce moyen, en retenant que la commune n'établissait pas que ce débit constituait une obligation contractuelle à la charge de la SPLA Pays d'Aix Territoires.

12. Toutefois, la société concessionnaire devait contractuellement réaliser un bassin de rétention conforme aux règles de l'art. Par ailleurs, il ressort du dossier de la demande de permis d'aménager, valant déclaration au titre de la loi sur l'eau, que " le débit de projet est égal à la crue de référence, soit la crue type 1993. Le débit de pointe à considérer en amont immédiat de la zone d'étude est donc de 8 m3 / s ". Il y a donc lieu de considérer que, conformément à l'analyse de la société concessionnaire elle-même, les règles de l'art imposaient en l'espèce de prévoir un débit de huit mètres cubes par seconde. Il résulte de l'étude réalisée par le bureau Ingérop et de l'expertise réalisée à la demande de la commune de Venelles que le chenal amenant en amont les eaux pluviales vers le bassin de rétention est également affecté de désordres consistant en des débordements importants. Il ressort de ces mêmes documents que ces désordres s'expliquent par le fait que, si le chenal était bien dimensionné pour permettre le débit de huit mètres cubes par seconde requis, la nécessité s'est faite jour, pour ralentir le débit et éviter l'encombrement à l'entrée du bassin, d'installer un régulateur de débit et un dégrilleur, qui ont réduit la capacité d'écoulement de l'eau dans le chenal sur environ 60 mètres en amont. Tout comme le vice de conception affectant le bassin de rétention, ce vice de conception affectant le chenal est imputable, selon l'expert mandaté par la commune, dont l'analyse n'est pas sérieusement contredite, à l'insuffisance des études préalables.

1.2.1.3. Quant aux autres fautes invoquées s'agissant de la réalisation de l'ouvrage :

13. Il ne peut être remédié aux désordres qui viennent d'être évoqués qu'en reprenant l'ensemble de l'ouvrage et en élargissant le chenal. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner les autres fautes invoquées par la commune, et tirées des désordres affectant la cunette bétonnée destinée à assurer l'écoulement des eaux, dont la pente serait insuffisante, au mauvais profilage du bassin qui ne permettrait pas de diriger les eaux vers cette cunette du fait d'ornières et de bosses générant des poches de stagnation d'eau, du fait qu'un talutage aurait été réalisé sur des parcelles privatives, nécessitant une remise en état avec rehaussement du chenal et du garde-corps, de l'inaccessibilité au public du bassin, de l'absence de continuité piétonne et de signalétique.

1.2.2. S'agissant du préjudice :

14. La commune de Venelles sollicite le paiement, par la société concessionnaire, d'une indemnité d'un montant de 1 621 746 euros en indemnisation des désordres affectant le bassin de rétention réalisé sous la maîtrise d'ouvrage de la société concessionnaire. A l'appui de ces prétentions, elle invoque divers manquements de la société à ses obligations contractuelles, tenant, d'une part, à la non-réalisation de certains travaux et, d'autre part, à des vices de conception, défauts d'exécution et défauts d'entretien qui sont, selon elle, à l'origine de désordres auxquels il ne peut être remédié que par la réalisation d'un nouvel ouvrage.

15. L'indemnité d'un montant de 1 621 746 euros sollicitée par la commune correspond au montant toutes taxes comprises de la plus onéreuse des deux solutions préconisées par le cabinet Ingérop, missionné par la commune, pour réaliser un bassin de rétention enterré à la place de l'ouvrage réalisé sous la maîtrise d'ouvrage de la société concessionnaire. Ce montant comprend, outre le coût de la réalisation de l'ouvrage proprement dit, le coût de la démolition de l'ouvrage existant.

16. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, la commune de Venelles devait en tout état de cause supporter, à la fin de l'opération d'aménagement, l'ensemble des charges d'exploitation de la société concessionnaire. Dès lors, le préjudice qu'elle a subi correspond non pas au coût de l'ouvrage enterré dont la réalisation a été finalement préconisée, mais au seul surcoût que la commune a été amenée à supporter à raison des fautes du concessionnaire. Ce surcoût correspond à la différence entre les dépenses que la commune aurait supportées si l'ouvrage réalisé par la société concessionnaire l'avait été conformément aux règles de l'art, et celles qu'elle doit effectivement supporter pour obtenir un tel ouvrage en tenant compte du coût des travaux de démolition et de reconstruction.

17. Quelle que soit la solution retenue pour la reconstruction du bassin de rétention, la commune aurait dû, en toute hypothèse, supporter l'intégralité des coûts mentionnés dans les détails quantitatifs estimatifs établis par la société Ingérop, à l'exception des coûts de démolition et d'adaptation des ouvrages maçonnés existant, qui est chiffré à 25 000 euros hors taxes dans chacun des deux détails quantitatifs estimatifs. Le surcoût causé à la commune par la faute de la société concessionnaire se limite donc à ce montant, auquel s'ajoute la totalité des sommes versées par la commune à la société en pure perte en vue de la réalisation du bassin de rétention, soit un montant total de 350 000 euros au titre de la prise en charge par la commune du coût des travaux et des honoraires pour la réalisation du bassin. Le montant total du préjudice subi par la commune s'établit donc seulement au total de 375 000 euros.

1.3. En ce qui concerne la mise en jeu de la garantie bancaire :

18. La commune de Venelles sollicite le paiement, par la société concessionnaire, d'une indemnité d'un montant de 532 507 euros correspondant aux différentes dépenses et frais occasionnés par la mise en jeu de sa garantie bancaire à raison des montants que la société concessionnaire s'est abstenue de rembourser. Elle soutient que la société a commis une faute contractuelle en ne remboursant pas les emprunts qu'elle avait souscrits, alors qu'en application de l'article 24.7 du contrat de concession, les sommes versées au titre de la garantie sont remboursables.

19. Aux termes de l'article 24 de la convention de concession : " (...) 24.5. Emprunts / Le concessionnaire contracte tous les emprunts nécessaires au financement provisoire de l'opération, au meilleur taux possible (...) 24.7. A la demande des organismes prêteurs et compte tenu du montant des emprunts, tels qu'ils résultent du plan global de trésorerie défini à l'article 31, mais à l'exclusion des relais exceptionnels de trésorerie, le concédant accordera sa garantie au service des intérêts et au remboursement des emprunts contractés par le concessionnaire pour la réalisation de l'opération, dans la limite édictée par les textes en vigueur et en application des principes posés par le code général des collectivités territoriales (...) Les sommes ainsi versées par le ou les garants aux organismes prêteurs ont un caractère d'avances de fonds recouvrables que le concessionnaire doit rembourser (...) ".

20. Il résulte de la combinaison de ces stipulations, ainsi que de celles de l'article 33 de la convention, citées au point 3, que les sommes versées au titre de la mise en jeu de la garantie d'emprunt ont le caractère d'avances qui devront être prises en compte au stade de la détermination du solde de l'opération, laquelle doit intervenir au moment de l'expiration de la convention de concession. En l'absence de mise en œuvre de la procédure de remise des ouvrages, et en l'absence de résiliation de la convention, le remboursement de ces sommes sollicité par la commune de Venelles est prématuré.

1.4. En ce qui concerne la responsabilité contractuelle à raison de la non-réalisation de certains travaux :

21. La commune de Venelles soutient que la société concessionnaire a commis une faute contractuelle en s'abstenant de réaliser certains des travaux autorisés par le permis d'aménager du 8 mars 2013, et relatifs, en premier lieu, à un ouvrage hydraulique destiné à raccorder les eaux pluviales collectées par le fossé longeant l'avenue de la Grande Bégude au bassin de rétention, en deuxième lieu, aux clôtures du bassin de rétention en panneaux rigides d'une hauteur de 1,80 mètres avec portail et portillon, en troisième lieu, à l'aménagement paysager du bassin de rétention et son accessibilité au public, en quatrième lieu, à la requalification et l'aménagement de l'Allée du Vieux Canal prévus par l'avenant n° 1, ainsi qu'aux réseaux décrits au programme de travaux annexé au permis d'aménager.

22. Toutefois, les fautes ainsi invoquées sont sans lien avec les deux chefs de préjudice invoqués par la commune, et qui tiennent, d'une part, au coût de reprise du bassin de rétention et, d'autre part, au coût résultant de la mise en jeu de sa garantie bancaire. S'agissant de l'absence d'aménagement paysager du bassin, la commune ne peut, en outre et en tout état de cause, s'en prévaloir dès lors qu'il est constant que, compte tenu du niveau de la nappe phréatique, la seule solution de reprise qui a été envisagée est celle d'un bassin de rétention enterré, excluant ainsi toute réalisation d'un bassin paysager.

23. Il résulte de ce qui précède que la commune de Venelles a droit à une indemnité de 375 000 euros, majorée de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante. Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué, la commune de Venelles est donc fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a, dans cette mesure, rejeté sa demande tendant à la condamnation de la SPLA Pays d'Aix Territoires.

2. Sur les frais liés au litige :

24. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme quelconque soit laissée à la charge de la commune de Venelles, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SPLA Pays d'Aix Territoires une somme de 2 000 euros à verser à la commune en remboursement des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1710355 du 24 juillet 2020 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La SPLA Pays d'Aix Territoires est condamnée à payer à la commune de Venelles une somme de 375 000 euros hors taxes, ainsi que la somme de 68 600 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6 % acquittée par la commune au titre du versement de 350 000 euros, et la somme de 5 000 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 20 % afférente aux travaux de démolition d'un montant de 25 000 euros.

Article 3 : La SPLA Pays d'Aix Territoires versera à la commune de Venelles une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Venelles et à la société publique locale d'aménagement (SPLA) Pays d'Aix Territoires.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 octobre 2023.

N° 20MA03673 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03673
Date de la décision : 30/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-01-01 Marchés et contrats administratifs. - Exécution technique du contrat. - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas. - Concessions - droits et obligations des concessionnaires.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SARL CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-10-30;20ma03673 ?
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