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26/10/2023 | FRANCE | N°22MA02521

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 26 octobre 2023, 22MA02521


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Bormes-les-Mimosas à lui verser la somme de 675 809 euros, majorée des intérêts de retard à compter de sa réclamation préalable, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité du refus de permis de construire qui lui a été opposé le 13 juin 2006.

Par un jugement n° 1701303 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulon a condamné la commune de Bormes-les-Mimosas à verse

r à M. B... une somme de

350 000 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Bormes-les-Mimosas à lui verser la somme de 675 809 euros, majorée des intérêts de retard à compter de sa réclamation préalable, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité du refus de permis de construire qui lui a été opposé le 13 juin 2006.

Par un jugement n° 1701303 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulon a condamné la commune de Bormes-les-Mimosas à verser à M. B... une somme de

350 000 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2016, date de réception par la commune de sa réclamation préalable.

Par un arrêt n° 19MA04215 du 19 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé contre ce jugement par la commune de Bormes-les-Mimosas, accordé à M. B... la capitalisation des intérêts échus à la date du 15 juin 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date au cas où ce jugement n'aurait pas encore été exécuté, pour produire eux-mêmes des intérêts, réformé le jugement du 11 juillet 2019 en ce qu'il avait de contraire et rejeté le surplus des conclusions de l'appel incident de M. B....

Par une décision n° 448601 du 21 septembre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt du 19 novembre 2020 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 septembre 2019, un mémoire enregistré le 10 novembre 2020 et non communiqué, ainsi qu'un mémoire enregistré le 5 octobre 2022, la commune de Bormes-les-Mimosas, représentée par Me Grimaldi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 11 juillet 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulon ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la créance dont se prévaut M. B... est prescrite en application des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ;

- M. B... a commis des fautes à l'origine du préjudice dont il demande réparation ;

- la faute commise est exonérée par le fait du tiers, en l'occurrence l'Etat, dès lors que le permis de construire refusé a été instruit exclusivement par les services de l'Etat qui ont émis un avis défavorable, repris par le maire dans sa motivation ;

- l'intéressé ne justifie pas d'un lien de causalité entre la faute de la commune de Bormes-Les-Mimosas et le préjudice dont il demande réparation, alors que le refus de permis de construire aurait pu être fondé sur d'autres motifs ;

- la fixation du montant du préjudice à hauteur de 350 000 euros par le tribunal administratif de Toulon méconnaît le principe selon lequel une personne publique ne peut être condamnée à verser une somme qu'elle ne doit pas ;

- le préjudice lié à la valeur vénale du bien n'est pas établi et il n'existe aucun lien de causalité direct ; en tout état de cause, en l'absence de circonstances particulières, il ne peut exister aucun lien direct entre ce préjudice et la faute résultant du refus illégal de permis de construire, ni même avec la faute résultant du classement illégal par le plan d'occupation des sols ;

- le préjudice lié à la perte de chance et au manque à gagner n'est pas établi.

Par des mémoires en défense enregistrés le 15 juin 2020 et le 9 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Moisson, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à ce que la commune de Bormes-les-Mimosas soit condamnée à lui verser la somme de 350 000 euros, assortie des intérêts au taux légal depuis sa réclamation préalable et de leur capitalisation à compter du 15 juin 2020, et à ce que soit mise à la charge de la commune de Bormes-les-Mimosas la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'exception de prescription, opposée pour la première fois en appel, doit être écartée ;

- il n'a commis aucune faute de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ;

- aucun fait du tiers n'est de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ;

- le refus de permis de construire qui lui a été illégalement refusé le 13 juin 2006 n'aurait pas pu être fondé sur les autres motifs dont se prévaut la commune ;

- le plan local d'urbanisme approuvé en 2011 n'a pas classé en zone urbanisée ou urbanisable les parties des parcelles cadastrées section AZ n° 161 et section BD n° 1 dont il était propriétaire ;

- le préjudice lié à la perte de valeur vénale de son terrain doit être indemnisé à hauteur de 350 000 euros ;

- il a subi un préjudice au titre de la perte de chance de céder le fonds de commerce qu'il souhaitait créer ainsi que de la valeur du droit au bail.

La clôture immédiate de l'instruction a été prononcée par une ordonnance du 22 février 2023.

Le mémoire présenté pour la commune de Bormes-les-Mimosas le 22 février 2023, enregistré postérieurement à la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mouret,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- les observations de Me Piquet, représentant la commune de Bormes-les-Mimosas, et celles de Me Moisson, représentant M. B...

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a acquis, au cours de l'année 2003, un terrain d'une superficie totale de 11 150 mètres carrés, correspondant au lot n° 116 localisé sur une partie des parcelles cadastrées section AZ n° 161 et section BD n° 1, inclus dans l'îlot J du lotissement de la baie du Gaou Bénat situé sur le territoire de la commune de Bormes-Les-Mimosas. Par un arrêté du 13 juin 2006, le maire de Bormes-les-Mimosas a refusé de délivrer à M. B... un permis de construire en vue de l'édification d'un ensemble immobilier comprenant une école de voile, un centre de remise en forme et un espace de restauration sur ce terrain, au motif notamment que la règlementation applicable à la zone ND du plan d'occupation des sols de la commune, adopté le 30 septembre 1987, au sein de laquelle le terrain d'assiette du projet était situé, y faisait obstacle. Par un jugement du 29 décembre 2009, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté. Alors que l'appel de M. B... contre ce jugement était pendant, le conseil municipal de Bormes-les-Mimosas a, par une délibération du 28 mars 2011, approuvé le plan local d'urbanisme de la commune, lequel classe le lot n° 116 en zone Nl. Le 30 novembre 2011, M. B... a vendu son terrain à l'association syndicale libre des propriétaires du lotissement de la baie du Gaou Bénat pour un montant de 500 000 euros. Par un arrêt, devenu irrévocable, du 15 mars 2012, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur l'appel de M. B..., a annulé l'arrêté de refus de permis de construire du 13 juin 2006 ainsi que le jugement du 29 décembre 2009, au motif notamment que le classement du terrain de M. B... en zone ND du plan d'occupation des sols était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Le 29 décembre 2016, M. B... a demandé au maire de Bormes-les-Mimosas de l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité tant du refus de permis de construire qui lui a été opposé le 13 juin 2006 que du plan d'occupation des sols de la commune sur lequel ce refus était fondé. Par un jugement du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulon a condamné la commune de Bormes-les-Mimosas à lui verser une somme de 350 000 euros, correspondant à la différence entre la valeur estimée du terrain et le montant pour lequel il avait été vendu, et rejeté le surplus des conclusions indemnitaires de M. B.... La commune de Bormes-les-Mimosas relève appel de ce jugement du tribunal administratif de Toulon.

2. Pour apprécier si la responsabilité de la puissance publique peut être engagée, il appartient au juge de déterminer si le préjudice invoqué est en lien direct et certain avec une faute de l'administration. La perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, telles que des engagements souscrits par de futurs locataires ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain. Il est fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération.

3. En premier lieu, M. B... demande l'indemnisation du préjudice tenant à la différence entre le prix de la vente de son terrain, intervenue le 30 novembre 2011, et la valeur vénale, à cette date, de ce terrain correspondant au lot n° 116 mentionné au point 1. Il résulte toutefois de l'instruction qu'à la date de cette vente, le plan d'occupation des sols de Bormes-les-Mimosas, qui avait classé en zone naturelle ND le terrain de M. B... et a été déclaré illégal dans cette mesure par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 15 mars 2012 annulant le refus de permis de construire opposé le 13 juin 2006 à l'intéressé, n'était plus en vigueur, le conseil municipal de Bormes-les-Mimosas ayant, par une délibération du 28 mars 2011, approuvé le plan local d'urbanisme de la commune. Il n'est pas contesté que le lot n° 116 a été classé en secteur Nl de la zone naturelle de ce plan local d'urbanisme. Si M. B... relève que le principe du classement en zone naturelle de son terrain n'a pas été remis en cause par les auteurs du plan local d'urbanisme de Bormes-les-Mimosas, cette circonstance, qui se rattache au demeurant à un fait générateur distinct de ceux mentionnés dans sa demande préalable évoquée ci-dessus, est en tout état de cause sans incidence sur le présent litige indemnitaire. Dans ces conditions, et en l'absence de circonstances particulières, le préjudice ainsi allégué ne présente pas un lien de causalité direct avec la faute résultant du refus illégal du permis de construire du 13 juin 2006, ni d'ailleurs avec la faute résultant du caractère illégal du motif de refus fondé sur le règlement de la zone ND du plan d'occupation des sols, celui-ci n'étant plus en vigueur à la date de la vente de ce terrain ainsi qu'il vient d'être dit.

4. En second lieu, à supposer que M. B... puisse être regardé, dans le dernier état de ses écritures, comme demandant également, par la voie de l'appel incident, l'indemnisation du préjudice résultant d'une " perte de chance de céder le fonds de commerce " qu'il souhaitait créer sur son terrain ainsi que de la " valeur du droit au bail ", il se borne à produire un rapport d'expertise fournissant une évaluation de la perte de valeur du fonds de commerce et du droit au bail fondée sur une extrapolation à partir du chiffre d'affaires réalisé par l'association syndicale libre des propriétaires du lotissement de la baie du Gaou Bénat, laquelle a acquis le lot n° 116 le 30 novembre 2011 dans les conditions rappelées ci-dessus. Il ne résulte pas de l'instruction que M. B... aurait engagé, antérieurement à l'arrêté de refus de permis de construire du 13 juin 2006, des négociations commerciales avec de possibles acquéreurs du bien qu'il projetait d'édifier sur son terrain. Par suite, et en tout état de cause, M. B... ne justifie pas de circonstances particulières permettant de regarder le préjudice allégué comme présentant un caractère direct et certain.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que la commune de Bormes-les-Mimosas est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon l'a condamnée à verser à M. B... une somme de 350 000 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2016. Il en résulte également que les conclusions incidentes présentées par M. B... doivent être rejetées.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Bormes-les-Mimosas qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Bormes-les-Mimosas sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 11 juillet 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulon et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : M. B... versera à la commune de Bormes-les-Mimosas une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bormes-les-Mimosas et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.

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N° 22MA02521

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