Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
La SCI Théodore et Investissements a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler la décision implicite du maire de la commune du Val, refusant de donner suite à sa demande d'abrogation de la délibération du conseil municipal du 21 octobre 2019, approuvant le plan local d'urbanisme, en tant qu'elle crée l'emplacement réservé n° 29, d'autre part, de condamner la commune à lui verser la somme de 1 460 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de cette décision et de la création de l'emplacement.
Par deux jugements n° 2003239 et n° 2101839 du 6 mai 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2022 sous le n° 22MA01911, la SCI Théodore et Investissements, représentée par la SELARL Grimaldi - Molina et Associés avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 mai 2022 du tribunal administratif de Toulon n° 2003239 ;
2°) d'annuler la décision implicite du maire de la commune du Val, refusant de donner suite à sa demande d'abrogation de la délibération du conseil municipal du 21 octobre 2019, approuvant le plan local d'urbanisme, en tant qu'elle crée l'emplacement réservé n° 29 ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune du Val de convoquer le conseil municipal afin de procéder à l'abrogation sollicitée dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune du Val une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que
- le plan local d'urbanisme comporte, dans ses différentes composantes, des dispositions incohérentes entre elles quant à l'usage de cet emplacement ;
- la décision est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme ; l'objet de l'équipement projeté sur l'emplacement est insuffisamment défini si bien qu'il n'est pas justifié que sa réalisation relève de l'intérêt général ; la superficie réservée est excessive et l'emplacement est non adapté, compte-tenu de la présence d'un bâti industriel et de la proximité du parcours de santé existant ;
- la commune n'a pas de réelle intention de réaliser l'équipement objet de la réserve et a simplement entendu constituer une réserve foncière.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2023, la commune du Val, représentée par LLC et Associés Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCI Théodore et Investissements au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II°) Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2022 sous le n° 22MA01910, la SCI Théodore et Investissements, représentée par la SELARL Grimaldi - Molina et Associés avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 mai 2022 du tribunal administratif de Toulon n° 2101839 ;
2°) de condamner la commune du Val à lui verser la somme de 1 460 000 euros, assortie des intérêts moratoires à compter de la réclamation préalable en indemnité formée le 24 mai 2021 et de leur capitalisation, en réparation des préjudices subis du fait de la création de l'emplacement réservé n° 29 au plan local d'urbanisme tel qu'arrêté par délibération du conseil municipal du 21 octobre 2019 et du refus d'abroger à cet égard cette délibération ;
3°) de mettre à la charge de la commune du Val une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que
- pour les mêmes raisons qu'exposées dans la requête visée sous I°), l'emplacement réservé et le refus d'abroger le plan local d'urbanisme à cet égard sont illégaux ;
- cette réservation illégale engage la responsabilité pour faute de la commune et l'empêche de donner son bien en location dès lors qu'il est impossible d'y obtenir une autorisation d'urbanisme ; la signature d'un bail avec une société précisément identifiée a particulièrement été empêchée du fait de la non-réalisation de la condition suspensive ;
- son préjudice financier est égal aux neuf années de loyer, subsidiairement et a minima aux trois années de loyer, dont elle a été privée en conséquence ;
- elle a également subi un préjudice moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2023, la commune du Val, représentée par LLC et Associés Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCI Théodore et Investissements au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requérante ne justifie pas de sa qualité pour agir et n'a pas lié le contentieux ;
- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève dès lors que ni la faute, ni le lien de causalité avec des préjudices ne sont démontrés, la SCI ayant notamment effectué ses investissements alors que le plan local d'urbanisme, comprenant le projet d'emplacement réservé, était sur le point d'être approuvé.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain, rapporteure,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Callen, représentant la SCI Théodore et Investissements, et de Me Reghin, représentant la commune du Val.
Considérant ce qui suit :
1. Par délibération du 21 octobre 2019, le conseil municipal de la commune du Val a approuvé le plan local d'urbanisme communal prévoyant un emplacement réservé n° 29, d'une superficie de 33 280 m², pour la réalisation d'un " équipement sportif loisirs nature ". Par sa requête, enregistrée sous le n° 22MA01911, la SCI Théodore et Investissements, propriétaire du terrain concerné, relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision refusant d'abroger cette délibération en ce qu'elle concerne cet emplacement. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 22MA01910, elle relève appel du jugement par lequel le même tribunal a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la création de cet emplacement et de ce refus d'abrogation. Ces requêtes présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par le même arrêt.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé ". L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus opposé à la demande tendant à ce que soit abrogé un document de portée générale réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à son abrogation. Dans un tel cas, le juge doit apprécier la légalité des dispositions contestées au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.
3. En vertu de l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme, " Le plan local d'urbanisme comprend : / 1° Un rapport de présentation ; / 2° Un projet d'aménagement et de développement durables ; / 3° Des orientations d'aménagement et de programmation ; / 4° Un règlement ; / 5° Des annexes. / (...) ". Aux termes de l'article L. 151-4 du même code : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. / (...) ". L'article L. 151-5 dispose que : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit : / 1° Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques. / 2° Les orientations générales concernant l'habitat, les transports et les déplacements, les réseaux d'énergie, le développement des communications numériques, l'équipement commercial, le développement économique et les loisirs, retenues pour l'ensemble de l'établissement public de coopération intercommunale ou de la commune. / (...) ". Enfin, l'article L. 151-8 précise que : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols (...) " et l'article L. 151-41 que : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : / 1° Des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics dont il précise la localisation et les caractéristiques ; / 2° Des emplacements réservés aux installations d'intérêt général à créer ou à modifier ; / (...) ".
4. En premier lieu, pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, dont les choix doivent seulement être expliqués par le rapport de présentation, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision.
5. En l'espèce, d'une part, le rapport de présentation évoque la dimension touristique de la " Provence verte " et particulièrement du territoire communal, inclus dans un schéma territorial de développement et d'organisation touristique durable dont le diagnostic a mis en évidence la nécessité de renforcer l'offre de pleine nature et de réaliser des équipements touristiques structurants. Il mentionne de surcroît, à la fois la définition d'emplacements réservés pour la création " d'équipements publics de loisirs nature ", dont fait nécessairement partie l'équipement " sportif loisirs nature " prévu par le règlement à l'emplacement litigieux, et le possible changement de destination des bâtiments situés sur cet emplacement, à proximité du parcours de santé et du secteur dédié à l'activité paint-ball, afin d'y développer des activités qui, si elles ne sont pas encore précisément identifiées, seront " liées au tourisme nature ". Alors que les auteurs du plan local d'urbanisme n'étaient pas tenus de justifier la création de chaque emplacement réservé dans le rapport de présentation, celui-ci explique ainsi, sans contradiction, le choix mentionné au projet d'aménagement et de développement durables, dont relève la réservation contestée, de " permettre de développer de nouveaux projets touristiques et de loisirs, ainsi que certains équipements spécialisés ", particulièrement le " développement des activités de loisir-nature " hors secteur cave coopérative et zone urbaine.
6. D'autre part, il ne résulte pas des circonstances que l'emplacement réservé en cause n'est pas précisément listé au projet d'aménagement et de développement durables et qu'il n'y figure pas sur la cartographie des principaux sites potentiels de développement touristiques, alors au demeurant qu'est mentionnée la zone " paint ball " toute proche qui peut former une unité avec le projet à venir, que le règlement viendrait, en instituant cette réservation, contrarier les orientations générales et objectifs définis à l'échelle du territoire, dans lesquelles il s'inscrit pleinement. La requérante n'indique d'ailleurs pas quelle orientation ou objectif serait ainsi contrarié.
7. Enfin, si la définition de l'emplacement réservé implique qu'un refus soit opposé à toute demande de permis de construire dont l'objet ne serait pas conforme à la destination de l'emplacement réservé, elle n'empêche pas l'usage des bâtiments industriels qui y sont implantés, ainsi qu'évoqué dans le rapport de présentation.
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'incohérence des documents constituant le plan local d'urbanisme doit être écarté, comme l'ont fait les premiers juges.
9. En deuxième lieu, il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme citées ci-dessus que les auteurs du plan local d'urbanisme auraient dû, eu égard aux mentions figurant déjà au rapport de présentation et au projet d'aménagement et de développement durables quant aux intentions de développement touristique communales, faire état d'un projet plus précisément défini que celui inscrit au règlement de réalisation d'un " équipement sportif loisirs nature ", qui répond à un intérêt général. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier, notamment pas de la circonstance que le classement du terrain est demeuré en zone N " naturelle ", que la commune aurait simplement entendu constituer une réserve foncière, sans intention de voir ce projet se réaliser.
10. En troisième et dernier lieu, l'emplacement litigieux est situé en zone naturelle, à proximité d'un parcours de santé existant et du secteur identifié pour le développement de l'activité paintball. Les bâtiments qui y sont implantés n'ont jamais été utilisés pour l'usage industriel auquel ils avaient été destinés. La disposition et la dimension du terrain permettent d'envisager de multiples activités, intérieures et extérieures, consommatrices d'espace et répondant aux objectifs poursuivis par les auteurs du plan local d'urbanisme. Ces derniers n'ont ainsi pas entaché leur décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'importance et la localisation de la réservation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le plan local d'urbanisme n'est pas entaché d'illégalité en ce qu'il prévoit l'emplacement réservé n° 29. Dès lors, la SCI Théodore et Investissements n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du refus d'abroger la délibération l'ayant approuvé. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, en l'absence d'illégalité et donc de faute commise, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort qu'il a également rejeté ses conclusions tendant à voir la responsabilité de la commune engagée.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune du Val, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Théodore et Investissements une somme de 2 000 euros à verser à la commune du Val sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de la SCI Théodore et Investissements sont rejetées.
Article 2 : La SCI Théodore et Investissements versera une somme de 2 000 euros à la commune du Val au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Théodore et Investissements et à la commune du Val.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
-M. Portail, président,
-M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
-Mme Poullain, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.
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N°s 22MA01910, 22MA01911