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20/10/2023 | FRANCE | N°22MA01491

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 20 octobre 2023, 22MA01491


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 28 février 2018 en tant qu'elle a retenu un trop-versé en faveur de l'Etat d'un montant de 13 046,21 euros et rejeté le surplus des conclusions de son recours, d'enjoindre à la ministre des armées de lui délivrer les bulletins de soldes rectifiés et de procéder aux règlements correspondants, dont les sommes seront majorées des intérêts au taux légal capitalisés à compter du 10 juin 2017, dans un délai d'un mois

à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 300 eur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 28 février 2018 en tant qu'elle a retenu un trop-versé en faveur de l'Etat d'un montant de 13 046,21 euros et rejeté le surplus des conclusions de son recours, d'enjoindre à la ministre des armées de lui délivrer les bulletins de soldes rectifiés et de procéder aux règlements correspondants, dont les sommes seront majorées des intérêts au taux légal capitalisés à compter du 10 juin 2017, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard et de condamner l'Etat à lui payer la somme de 10 000 euros, majorée des intérêts au taux légal capitalisés à compter du 10 juin 2017, au titre de l'indemnisation du préjudice financier et moral subi.

Par un jugement n° 1901625 du 21 mars 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 mai 2022 et 27 septembre 2023, sous le n° 22MA01491, M. A..., représenté par Me Hébert, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 mars 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision du 28 février 2018 en tant qu'elle a retenu un trop versé en faveur de l'Etat d'un montant de 13 046,21 euros et rejeté le surplus des conclusions du recours ;

3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui délivrer les bulletins de solde rectifiés et de procéder aux règlements correspondants, dont les sommes seront majorées des intérêts au taux légal capitalisés à compter du 10 juin 2017, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros, majorée des intérêts au taux légal capitalisés à compter du 10 juin 2017, au titre de l'indemnisation du préjudice financier et moral subi ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le mémoire en défense de première instance était irrecevable ;

- le tribunal a méconnu le droit à un procès équitable garanti par l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'école de l'intendance n'avait pas pour vocation unique de former les membres du corps des intendants, ultérieurement intégrés au corps des commissaires de l'armée de terre ;

- son appellation a été amenée à évoluer pour devenir l'école d'administration militaire à laquelle il a appartenu et ouvrant droit à la prime " QAL 68 " ;

- les premiers juges ont omis de préciser qu'après avoir succédé à l'école de l'intendance et avant même l'école d'administration militaire, l'école du commissariat de l'armée de terre a disparu au profit de l'école militaire supérieure d'administration et de management de l'armée de terre (EMSAM) de Montpellier, laquelle a formé tant des officiers des corps des commissaires que du corps technique et administratif de l'armée de terre ;

- si les militaires relevant du corps des officiers des corps techniques et administratifs de l'armée de terre étaient effectivement initialement formés à l'école militaire du corps administratif et technique (EMCTA) créée à Coëtquidan le 1er août 1977, cela ne concernait pour autant que la première année de scolarité :

- il ne pouvait être issu de l'EMCTA ;

- il ne résulte d'aucun texte ni principe que la formation délivrée aux commissaires de l'armée de terre à l'école d'administration militaire est seule la continuatrice de l'école de l'intendance figurant à l'article 1er du décret du 10 juillet 1968 ;

- à la date de sa nomination, le 1er août 2012, au grade de lieutenant, seule pouvait être appliquée l'instruction n° 101000 dans sa version du 04 février 2009 qui ne limitait alors pas l'attribution de la prime " QAL 68 " aux seuls commissaires et ne donnait aucune précision sur les écoles du commissariat des trois armées, auxquelles se rattache l'école d'administration militaire ;

- l'administration lui a donc en réalité versé à juste titre la prime de qualification et ne saurait ainsi agir, par la voie de la répétition de l'indu, d'autant plus en présence d'une décision individuelle créatrice de droit, légale et définitive, accordant un avantage financier ;

- ses soldes sont amputées de 669,35 euros net par mois, soit sur cinq mois la somme totale de 3 346,90 euros alors qu'il ne l'a jamais perçue et dont le retrait n'est pas justifié ;

- le ministre des armées a commis une faute en lien de causalité direct et certain avec son préjudice financier et moral.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mai 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une lettre du 28 septembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office, tirés :

- d'une part, de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires de M. A... dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le requérant aurait saisi la ministre des armées d'une demande préalable indemnitaire ayant pour objet de faire naître une décision liant le contentieux, préalablement à sa saisine de la commission des recours militaires,

- d'autre part, de l'irrecevabilité du moyen tiré du caractère injustifié des retenues réalisées sur les bulletins de solde des mois d'avril à août 2016, portant sur l'indemnité différentielle " officier issu des sous-officiers " qui constitue un litige distinct de celui portant sur la prime de qualification de certains personnels militaires prévue par l'article 1er du décret du 10 juillet 1968.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la défense ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 68-657 du 10 juillet 1968 ;

- le décret n° 76-799 du 19 août 1976 ;

- le décret n° 76-1227 du 24 décembre 1976 ;

- le décret n° 84-173 du 12 mars 1984 ;

- le décret n° 2008-945 du 12 septembre 2008 ;

- le décret n° 2008-950 du 12 septembre 2008 ;

- le décret n° 2012-1029 du 5 septembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Hébert, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., diplômé depuis le 24 juillet 2012 de l'école d'administration militaire (EMA) et promu lieutenant le 1er août 2012, a été affecté à compter du 1er juillet 2021 à l'état-major de la 3ème division de la base de défense de Marseille-Aubagne. Par une décision du 17 mars 2017, le centre expert des ressources humaines et de la solde a réclamé à M. A... le remboursement de la somme de 13 054,39 euros correspondant à un trop-versé de 19 576,25 euros au titre de la prime de qualification attribuée aux officiers issus de certaines écoles, dite " QAL 68 ", d'un moins-versé de 5 252,80 euros au titre des primes de qualification des officiers titulaires de certains brevets militaires et de 1 269,06 euros de cotisations sociales y afférentes, pour la période du 1er juin 2015 au 31 juillet 2017. Les 10 juin et 24 novembre 2017, M. A... a formé un recours préalable obligatoire contre cette décision devant la commission des recours des militaires. Par une décision du 28 février 2018, le ministre des armées a ramené le montant de cette somme à 13 046,21 euros net. M. A... relève appel du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la décision du 28 février 2018 en tant qu'elle a retenu un trop versé de 13 046,21 euros et rejeté le surplus de sa demande, ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros, en réparation de ses préjudices financier et moral.

Sur l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) ".

3. Il ne résulte pas de l'instruction que M. A... aurait saisi la ministre des armées d'une demande préalable indemnitaire ayant pour objet de faire naître une décision liant le contentieux, préalablement à la saisine de la commission des recours militaires les 10 juin et 24 novembre 2017. Par suite, ces conclusions sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article R. 431-9 du code de justice administrative : " Sous réserve des dispositions de l'article R. 431-10 du présent code et des dispositions spéciales attribuant compétence à une autre autorité, (...), les recours, les mémoires en défense et les mémoires en intervention présentés au nom de l'Etat sont signés par le ministre intéressé. / Les ministres peuvent déléguer leur signature dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur. (...) ".

5. En se fondant, pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire du mémoire en défense de la ministre des armées sur ce que, d'une part, le capitaine D... B..., adjoint au chef du bureau du contentieux de la fonction militaire, disposait d'une délégation de signature, consentie par le ministre des armées par arrêté du 17 septembre 2020, régulièrement publié, à l'effet de signer au nom du ministre, en cas d'absence ou d'empêchement de M. F... C..., chef du bureau, tous mémoires devant les juridictions et d'autre part, que M. A..., n'établissait pas que M C... était présent au jour de la signature dudit mémoire, les premiers juges n'ont méconnu ni les règles de dévolution de la charge de la preuve applicables devant le juge de l'excès de pouvoir ni le droit à un procès équitable garanti par l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ils ont ainsi estimé, à juste titre, que M. A... n'était pas fondé à demander que le mémoire en défense de la ministre des armées soit écarté des débats.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la prime de qualification de certains personnels militaires " QAL 68 " :

6. Aux termes de l'article 1er du décret du 10 juillet 1968 relatif aux primes de qualification de certains personnels militaires, dans sa version en vigueur pendant la période de versement de la prime " QAL 68 " du 1er juin 2015 au 31 juillet 2017 : " Une prime de qualification est allouée, à compter de la date de promotion au grade de lieutenant ou au grade correspondant aux officiers subalternes et assimilés et aux commandants et assimilés issus des écoles suivantes : / Ecole polytechnique ; / Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr ; / Ecole navale ; / Ecole de l'air ; / Ecole du commissariat de la marine ; / Ecole du commissariat de l'air ; / Ecole de l'intendance (...) ".

7. Aux termes de l'article 7 du décret du 24 décembre 1976 créant le corps des officiers des corps techniques et administratifs (OCAT) : " Les officiers des corps techniques et administratifs des armées sont recrutés au grade de sous-lieutenant ou d'officiers de 3e classe, (...) parmi les élèves officiers de carrière des écoles de formation des officiers de ces corps figurant sur la liste de sortie de ces écoles ". L'article 1er du décret du 12 septembre 2008 régissant notamment le corps des officiers des corps techniques et administratifs de l'armée de terre au 1er août 2012 dispose que : " Les officiers des corps techniques et administratifs constituent les corps d'officiers de carrière suivants : / 1° Corps technique et administratif de l'armée de terre (...) ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Les officiers des corps techniques et administratifs régis par le présent décret sont recrutés : / 1° Au grade de lieutenant ou officier de 2e classe : / b) Pour le corps technique et administratif de l'armée de terre : par concours sur épreuves (...). Les écoles de formation des officiers des corps techniques et administratifs de l'armée de terre, de la marine, de la gendarmerie nationale, du service de santé des armées et du service des essences des armées sont respectivement l'école d'administration militaire, l'école d'administration de la marine, l'école des officiers de la gendarmerie nationale, l'école de formation spécialisée du service de santé des armées et l'école de formation spécialisée du service des essences des armées ".

8. Aux termes de l'article 5 du décret du 19 août 1976 susvisé : " Les intendants militaires sont recrutés : / 1° Au grade d'intendant miliaire adjoint de 3°classe, parmi les élèves intendants de l'école de l'intendance (...) / 2° Au grade d'intendant militaire de 3° classe, parmi les officiers qui, admis à l'école supérieure de l'intendance, ont satisfait aux épreuves de fin de scolarité de cette école ". Selon l'article 5 du décret du 12 mars 1984 créant le corps des commissaires de l'armée de terre et abrogé le 1er janvier 2009 : " Les commissaires de l'armée de terre sont recrutés au grade de commissaire sous-lieutenant parmi les élèves commissaires de l'école du commissariat de l'armée de terre ayant satisfait, à l'issue de la première année d'études, aux conditions de scolarité définies par le règlement de cette école ". L'article 29 du même décret prévoit que : " Les intendants militaires sont intégrés dans le corps des commissaires de l'armée de terre ". Aux termes de l'article 3 du décret du 12 septembre 2008 visé ci-dessus régissant notamment l'ancien corps des commissaires de l'armée de terre, abrogé au 1err janvier 2013 : " Les commissaires de l'armée de terre, les commissaires de la marine et les commissaires de l'air sont recrutés au grade de commissaire lieutenant ou commissaire de 2e classe parmi les élèves des écoles de formation des commissaires de leur armée d'appartenance ayant satisfait aux conditions de scolarité définies par arrêté du ministre de la défense. / Les écoles de formation des commissaires de l'armée de terre, de la marine nationale et de l'armée de l'air sont, respectivement, l'Ecole d'administration militaire de l'armée de terre, l'Ecole des officiers du commissariat de la marine et l'Ecole des commissaires de l'air ". Aux termes, enfin, de l'article 3 du décret du 5 septembre 2012 régissant le corps des commissaires des armées : " Les commissaires des armées sont recrutés au grade de commissaire de 2e classe parmi les élèves de l'Ecole des commissaires des armées ayant satisfait aux conditions de scolarité définies par arrêté du ministre de la défense ".

9. Il est constant que M. A..., a été promu au grade de lieutenant des corps techniques et administratifs de l'armée de terre le 1er août 2012 après avoir satisfait au cycle de formation de l'école d'administration militaire et obtenu le diplôme de cette école le 24 juillet 2012. Par la décision contestée, la ministre des armées a rejeté son recours préalable obligatoire au motif que l'école d'administration militaire ne figurait pas dans la liste des écoles mentionnées à l'article 1er précité du décret du 10 juillet 1968.

10. M. A... soutient que l'école d'administration militaire étant la continuatrice de l'école de l'intendance, il peut se prévaloir du bénéfice de la prime " QAL 68 " en qualité d'ancien élève de cette école. Toutefois, il résulte des dispositions citées au point 8 que l'école de l'intendance, qui formait les membres du corps des intendants créé par décret du 19 août 1976 et intégré au corps des commissaires de l'armée de terre par le décret du 12 mars 1984, a disparu au profit de l'école du commissariat de l'armée de terre, à la faveur de la création du corps des commissaires de l'armée de terre. En vertu du décret précité du 12 septembre 2008, qui a abrogé le décret du 12 mars 1984, l'école de formation des commissaires de l'armée de terre est devenue l'école d'administration militaire de l'armée de terre, et enfin, à la faveur de la création du corps des commissaires des armées par décret du 5 septembre 2012, a disparu au profit de l'école des commissaires des armées. Par ailleurs, l'école de l'intendance ne figure pas parmi les écoles mentionnées à l'article 7 du décret du 24 décembre 1976 créant le corps des officiers des corps techniques et administratifs auquel appartient M. A.... Depuis l'entrée en vigueur du décret du 12 septembre 2008 régissant notamment le corps des officiers des corps techniques et administratifs de l'armée de terre, l'école de formation de ces officiers est devenue l'école d'administration militaire. Toutefois, la circonstance que la formation des OCAT de l'armée de terre se fasse dans la même école que celle des commissaires de l'armée de terre, à compter de l'entrée en vigueur du décret du 12 septembre 2008 et jusqu'à la création de l'école des commissaires des armées par le décret du 5 septembre 2012, ne suffit pas à faire regarder M. A... comme entrant dans le champ d'application de l'article 1er du décret du 10 juillet 1968, dès lors que seule la formation délivrée aux anciens commissaires de l'armée de terre à l'école d'administration militaire de l'armée de terre est la continuatrice de l'école de l'intendance figurant dans le décret du 10 juillet 1968 et non la formation dispensée dans cette même école aux OCAT. Dans ces conditions, sont sans incidence les circonstances que l'appellation de l'école de l'intendance a été amenée à évoluer pour devenir l'école d'administration militaire, que l'école d'intendance n'avait pas pour vocation unique de former les membres du corps des intendants, ultérieurement intégrés au corps des commissaires de l'armée de terre, que l'école du commissariat de l'armée de terre a disparu au profit de l'école militaire supérieure d'administration et de management de l'armée de terre (EMSAM) et que cette dernière école a formé tant des officiers des corps des commissaires que du corps technique et administratif de l'armée de terre. Il ne ressort pas du jugement attaqué que les premiers juges auraient estimé que le requérant était issu de l'école militaire du corps technique et administratif (EMCTA) dès lors qu'ils se sont bornés à constater que les militaires relevant du corps des OCAT de l'armée de terre étaient initialement formés à l'EMCTA, laquelle a fusionné avec l'école d'administration militaire. Par suite, la ministre des armées a pu légalement demander à M. A... le remboursement de la somme de 13 046,21 euros indûment versée, au cours de la période du 1er juin 2015 au 31 juillet 2017, au titre de la prime de qualification de certains personnels militaires prévue par l'article 1er du décret du 10 juillet 1968 à laquelle il n'avait pas droit.

11. L'instruction n° 101000/DEF/SGA/DRH-MD du 4 février 2009 relative aux droits financiers du personnel militaire, de ses ayants droits et de ses ayant causes, prévoit que la prime de qualification de certains personnels militaires dite " QAL 68 " " est attribuée à l'officier du grade de lieutenant à commandant ou équivalents, (...) issu des écoles suivantes : /école polytechnique, école spéciale militaire de Saint-Cyr, / école navale, / école de l'air, / écoles du commissariat des trois armées. (...) ".

12. M. A... soutient qu'à la date de sa nomination, le 1er août 2012, au grade de lieutenant, seule pouvait être appliquée l'instruction n°101000 dans sa version du 4 février 2009 qui ne limitait alors pas l'attribution de la prime " QAL 68 " aux seuls commissaires et ne donnait aucune précision sur les écoles du commissariat des trois armées, auxquelles se rattache l'école d'administration militaire. Toutefois M. A... ne peut utilement se prévaloir de cette instruction du 4 février 2009 qui ne s'appliquait pas à la période au cours de laquelle il a bénéficié de la prime " QAL 68 ". Si le requérant invoque, dans ses dernières écritures, des instructions plus récentes, celles-ci sont postérieures à la période en cause. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

13. Aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive (...) ".

14. Il résulte des dispositions précitées de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. M. A... ne remplissant pas les conditions pour bénéficier de la prime de qualification de certains personnels militaires prévue par l'article 1er du décret du 10 juillet 1968, l'administration était fondée à lui réclamer, par la décision contestée, le remboursement de la somme indûment versée au titre de cette prime au cours de la période du 1er juin 2015 au 31 juillet 2017.

En ce qui concerne l'indemnité différentielle " officier issu des sous-officiers " :

15. L'institution d'un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue nécessairement à la décision initiale. Elle est seule susceptible d'être déférée au juge de la légalité. Si l'exercice d'un tel recours a pour but de permettre à l'autorité administrative, dans la limite de ses compétences, de remédier aux illégalités dont pourrait être entachée la décision initiale, sans attendre l'intervention du juge, la décision prise sur le recours n'en demeure pas moins soumise elle-même au principe de légalité. Le requérant qui entend contester cette dernière décision peut invoquer devant le juge, jusqu'à la clôture de l'instruction, tout moyen de droit nouveau, alors même qu'il n'aurait pas été invoqué à l'appui du recours administratif contre la décision initiale, dès lors que ces moyens sont relatifs au même litige que celui dont avait été saisie l'autorité administrative.

16. M. A... soutient que les bulletins de solde produits par la ministre des armées, particulièrement ceux des mois d'avril à août 2016, font état d'une retenue injustifiée au titre de l'indemnité différentielle " officier issu des sous-officiers ", à hauteur de 669,35 euros net par mois, dès lors qu'il n'a jamais perçu ces sommes. Toutefois, ce moyen qui concerne un litige distinct de celui portant sur la prime de qualification de certains personnels militaires prévue par l'article 1er du décret du 10 juillet 1968 est irrecevable.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 février 2018 et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices moral et financier.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

18. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de M. A....

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2023, où siégeaient :

- Mme Vincent, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Marchessaux, première conseillère,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2023.

N° 22MA01491 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01491
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

08-01-01-06 Armées et défense. - Personnels militaires et civils de la défense. - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires. - Soldes et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : HEBERT JEAN-YVES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-10-20;22ma01491 ?
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