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17/10/2023 | FRANCE | N°22MA02661

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 17 octobre 2023, 22MA02661


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Belgodère à lui verser la somme de 227 175,43 euros, assortie des intérêts au taux légal, à compter du 27 décembre 2019, et de leur capitalisation, à compter du 27 décembre 2020, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité du classement de la parcelle cadastrée section A n° 875 en zone UC de l'ancien plan d'occupation des sols (POS) et de mettre à la charge de cette commune la s

omme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Belgodère à lui verser la somme de 227 175,43 euros, assortie des intérêts au taux légal, à compter du 27 décembre 2019, et de leur capitalisation, à compter du 27 décembre 2020, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité du classement de la parcelle cadastrée section A n° 875 en zone UC de l'ancien plan d'occupation des sols (POS) et de mettre à la charge de cette commune la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000193 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Bastia a, d'une part, condamné la commune de Belgodère à verser à M. A... la somme de 185 579,90 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2020 et capitalisation à la date du 7 janvier 2021, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, et, d'autre part, mis à la charge de cette commune la somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avant de rejeter le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 octobre 2022 et 14 mars 2023, la commune de Belgodère, représentée par Me Ceccaldi-Volpei, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 22 septembre 2022 ;

2°) à titre principal, de rejeter les conclusions indemnitaires présentées par M. A... et, à titre subsidiaire, d'une part, de réduire le montant de l'indemnité allouée à ce dernier au regard du montant qu'il a emprunté et qui est supérieur de 10 000 euros à la valeur de son bien et, d'autre part, de condamner l'Etat à la garantir de toute condamnation pécuniaire à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le recours de M. A... était prescrit au 1er janvier 2016 ;

- les premiers juges n'ont pas motivé le prétendu lien de causalité qu'ils ont établi, ni n'ont répondu au moyen tiré de l'existence d'une autorisation d'urbanisme favorable ;

- aucune faute ne saurait être reprochée à son maire et en jugeant le contraire, le tribunal administratif de Bastia a commis une erreur d'appréciation des faits de l'espèce :

. son maire a délivré les deux certificats d'urbanisme et le permis de construire en cause conformément aux documents d'urbanisme successifs et en respectant à la fois les dispositions de la loi Littoral et celles du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) ;

. aucune des autorisations d'urbanisme délivrées par son maire n'a été annulée ou même contestée ; les services de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) n'ont fait aucune observation quant à la délivrance des deux certificats et du permis de construire en cause ; le contrôle de légalité n'a fait aucun recours ;

. c'est la propre négligence de M. A..., qui n'a, notamment, entrepris aucun recours contre la révision de son plan local d'urbanisme (PLU), qui l'a empêché de construire ;

- il n'existe pas de lien de causalité entre sa prétendue faute et le préjudice de M. A..., compte tenu des négligences de ce dernier et de la circonstance que le permis de construire qui lui a été délivré le 8 juillet 2013 faisait écran ;

- les frais de notaire et d'agence ainsi que les frais du prêt n'ont pas été exposés en pure perte et trouvent leur origine dans la décision d'acheter le terrain, et non dans le fait que les autorisations d'urbanisme auraient été délivrés illégalement ;

- en allouant à M. A... la somme de 185 579,90 euros, les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- à titre subsidiaire, elle n'a pas vocation à indemniser la totalité du coût de l'emprunt ;

- à titre infiniment subsidiaire, en n'opérant pas un contrôle de légalité efficient, l'Etat a participé au préjudice de M. A... et a commis une faute lourde de nature à engager sa responsabilité ; il lui appartient donc de la garantir de toute condamnation pouvant intervenir de ce chef.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Muscatelli, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Belgodère au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que le tribunal administratif de Bastia a fait une exacte appréciation tant en fait qu'en droit des circonstances de l'espèce en condamnant la commune de Belgodère de l'indemniser à hauteur de 185 579,90 euros en principal.

Par une ordonnance du 14 mars 2023, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 17 mars 2023, a été reportée au 14 avril 2023, à 12 heures.

Par des lettres du 14 mars 2023, la Cour a informé les parties, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions en garantie présentées par la commune de Belgodère contre l'Etat en ce qu'elles sont nouvelles en appel.

En réponse à une mesure d'instruction qui lui a été adressée sur le fondement des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, M. A..., représenté par Me Muscatelli, a produit, le 11 août 2023, une copie complète du certificat d'urbanisme qui lui a été délivré le 15 mai 2012. Cette copie n'a pas été communiquée à la commune de Belgodère.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me de Casalta-Bravo, substituant Me Muscatelli, représentant M. A....

Une note en délibéré, présentée pour M. A..., par Me Muscatelli, a été enregistrée le 4 octobre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a acquis, le 31 janvier 2012, la parcelle cadastrée section A n° 875,

issue d'une division de la parcelle cadastrée section A n° 384, située au lieu-dit Chioso Longo, dans le secteur de Travalo, sur le territoire de la commune de Belgodère. Cette parcelle cadastrée section A n° 384 a fait l'objet d'un certificat d'urbanisme délivré le 1er mars 2011,

sur le fondement du a) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, dans lequel il était indiqué qu'elle était classée en zone UC dans le plan d'occupation des sols (POS) de la commune.

Le 15 mai 2012, le maire de Belgodère a délivré, en application du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, et à la demande de M. A..., un certificat d'urbanisme déclarant réalisable la construction d'une maison individuelle de 170 m2 de surface plancher, avec garage et piscine. Si, le 8 juillet 2013, alors que le plan local d'urbanisme (PLU), adopté le 4 mai 2013, classait toujours la parcelle cadastrée section A n° 875 en zone constructible, M. A... s'est vu délivrer le permis de construire afférent, cette autorisation n'a pas été mise à exécution et, suite à une révision de ce PLU, intervenue en 2015, cette parcelle a été reclassée en zone naturelle (N).

Par un courrier du 23 décembre 2019, reçu le 7 janvier 2020, M. A... a demandé au maire de Belgodère l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des fautes commises par ses services de l'urbanisme concernant la constructibilité de cette parcelle. Suite au rejet, le 30 janvier 2020, de cette réclamation indemnitaire préalable, M. A... a saisi le tribunal administratif de Bastia qui, par un jugement du 22 septembre 2022, a condamné la commune de Belgodère à lui verser la somme de 185 579,90 euros en principal. La commune de Belgodère relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " A cet égard, si le juge doit statuer sur l'ensemble des moyens et conclusions qui lui sont soumis, il n'est en revanche pas tenu de répondre à la totalité des arguments présentés à l'appui de ces moyens et conclusions.

3. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué du 22 septembre 2022 que le tribunal administratif de Bastia a expressément et suffisamment répondu aux moyens de défense développés par la commune de Belgodère devant lui. En particulier, le tribunal administratif a, au point 6 de cette décision juridictionnelle, jugé que cette commune ne pouvait pas utilement se prévaloir de la circonstance que M. A... n'avait pas mené à bien son projet de construction en dépit du certificat d'urbanisme et du permis de construire qui lui avaient été délivrés respectivement les 15 mai 2012 et 8 juillet 2013. En outre, au point 9 de ce même jugement, ledit tribunal a rappelé que la responsabilité d'une personne publique n'était susceptible d'être engagée que s'il existait un lien de causalité suffisamment direct entre les fautes commises par cette personne et le préjudice subi par la victime, avant de se prononcer sur les préjudices allégués par M. A.... A cette occasion, le tribunal administratif de Bastia a jugé, au point 11 de son jugement attaqué, que les préjudices résultant de la différence entre le prix d'achat du terrain et sa valeur réelle, des frais bancaires et du surcroît de frais d'acquisition étaient " directement imputables aux fautes commises par la commune de Belgodère ". Ainsi, la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que ce jugement serait, sur ces points, entaché d'un défaut ou d'une insuffisance de motivation. Ce moyen doit dès lors être écarté.

Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Belgodère :

4. L'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics dispose que : " Sont prescrites, au profit (...) des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ". L'article 7 de la même loi précise que : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que la prescription quadriennale, qui n'a pas été opposée par la commune de Belgodère devant le tribunal administratif de Bastia, alors qu'elle était à même de le faire, ne peut être invoquée pour la première fois devant la Cour au titre du règlement de l'affaire au fond. Dès lors, l'exception tirée de ce que la créance détenue par M. A... serait atteinte par la prescription quadriennale ne peut qu'être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. En principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. La responsabilité de l'administration ne saurait en revanche être engagée pour la réparation des dommages qui ne trouvent pas leur cause dans cette illégalité.

En ce qui concerne les fautes de la commune de Belgodère :

7. En vertu d'un principe général, il incombe à l'autorité administrative de ne pas appliquer un règlement illégal. Ce principe trouve à s'appliquer, en l'absence même de toute décision juridictionnelle qui en aurait prononcé l'annulation ou les aurait déclarées illégales, lorsque les dispositions d'un document d'urbanisme, ou certaines d'entre elles si elles en sont divisibles, sont entachées d'illégalité, sauf si cette illégalité résulte de vices de forme ou de procédure qui ne peuvent plus être invoqués par voie d'exception en vertu de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme. Ces dispositions doivent ainsi être écartées, sous le contrôle du juge par l'autorité chargée de délivrer des certificats d'urbanisme ou des autorisations d'utilisation ou d'occupation des sols, qui doit alors se fonder, pour statuer sur les demandes dont elle est saisie, sur les dispositions pertinentes du document immédiatement antérieur ou, dans le cas où celles-ci seraient elles-mêmes affectées d'une illégalité dont la nature ferait obstacle à ce qu'il en soit fait application, sur le document encore antérieur ou, à défaut, sur les règles générales fixées par les articles L. 111-1 et suivants et R. 111-1 et suivants du code de l'urbanisme (Conseil d'Etat, 18 février 2019, n° 414233, B).

8. Aux termes du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I - L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. (...) ". Il résulte de ces dispositions, sous réserve des exceptions qu'elles prévoient, notamment pour les activités agricoles, que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants,

c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages (Conseil d'Etat, 9 novembre 2015, n° 372531, A).

9. Adopté par une délibération n° 15/234 AC du 2 octobre 2015 de l'Assemblée de Corse et édicté sur le fondement des articles L. 4424-9 et suivants du code général des collectivités territoriales, le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) a été rendu exécutoire le 24 novembre 2015. Par conséquent, il n'était pas applicable tant à la date du classement de la parcelle litigieuse en zone UC du plan d'occupation des sols approuvé par une délibération du conseil municipal de Belgodère du 20 mars 1994 qu'à la date du certificat d'urbanisme informatif du 1er mars 2011. La commune de Belgodère ne peut dès lors utilement s'en prévaloir dans la présente instance.

10. Il résulte de l'instruction que, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, tant à la date de son classement en zone UC du plan d'occupation des sols qu'à la date de délivrance du certificat d'urbanisme informatif le 1er mars 2011, la parcelle cadastrée section A n° 875, alors comprise dans la parcelle cadastrée section A n° 384, était incluse dans le vaste secteur de Travolo, au sein de la plaine du Reginu, qui présentait une dominante agricole et naturelle et qui, s'agissant de ce même secteur, n'était composé que de seulement trois constructions particulièrement isolées. En effet, les constructions actuellement regroupées dans le lotissement U Stollu et situées à l'Est de la route de Losari n'étaient pas encore réalisées. De même, une seule construction était implantée au lieu-dit Chioso Longo, les deux maisons d'habitation jouxtant et prolongeant actuellement la parcelle cadastrée section A n° 875 n'ayant pas encore été construites. Partant, la parcelle cadastrée section A n° 875 ne se trouvait pas en continuité avec les agglomérations et villages existants, ni avec un hameau nouveau intégré à l'environnement. Il s'ensuit, d'une part, qu'en classant cette parcelle en zone UC, le plan d'occupation des sols de la commune de Belgodère était incompatible avec les dispositions précitées du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, telles que précisées par le schéma d'aménagement de la Corse alors en vigueur. D'autre part, en délivrant, le 1er mars 2011, un certificat d'urbanisme sur le fondement du a) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, qui indiquait que la parcelle cadastrée section A n° 384, dont est issue cette parcelle cadastrée section A n° 875, était classée, dans le plan d'occupation des sols approuvé le 20 mars 1994 et révisé le 20 avril 2007, en zone UC " à vocation résidentielle ", le maire de Belgodère a méconnu son obligation de ne pas appliquer un règlement illégal. Ces illégalités constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de la commune de Belgodère à l'égard de M. A....

En ce qui concerne le lien de causalité entre les fautes de la commune de Belgodère et les préjudices allégués par M. A... :

11. Les préjudices dont M. A... demande la réparation sont liés à la perte de valeur vénale de la parcelle cadastrée section A n° 875 qu'il a acquise en 2012, au prix d'un terrain constructible, et aux frais annexes liés à cette acquisition. M. A... soutient ainsi qu'en l'absence de certificat d'urbanisme délivré par le maire et donc sans les fautes ci-dessus relevées commises par la commune de Belgodère, il n'aurait pas acheté cette parcelle, à tout le moins au prix d'un terrain à bâtir. Il est vrai qu'ainsi qu'il a déjà été rappelé, il résulte de l'instruction que M. A... a acquis la parcelle cadastrée section A no 875 par un acte notarié du 31 janvier 2012, auquel était annexé le certificat d'urbanisme du 1er mars 2011. Il existe ainsi un lien de causalité direct entre les renseignements d'urbanisme figurant dans ce certificat d'urbanisme auquel M. A... a pu se fier et le dommage subi par lui tiré de ce qu'il a acheté cette parcelle en la croyant, à tort, constructible. Aussi, dans ces conditions, la commune de Belgodère ne peut utilement reprocher à M. A... de ne pas avoir stipulé dans l'acte authentique une clause suspensive, de ne pas avoir affiché cette autorisation d'urbanisme sur le terrain d'assiette ou encore de ne pas avoir déféré au juge de l'excès de pouvoir la délibération portant révision de son PLU en tant qu'il reclassait la parcelle en cause en zone N. Toutefois, il est constant que, par un arrêté du 8 juillet 2013, le maire de Belgodère a délivré à M. A... un permis de construire en vue de réaliser, sur cette même parcelle, une maison individuelle, pour une surface de plancher créée de 146 m2.

Or, malgré l'obtention de cette autorisation d'urbanisme, M. A... a, pour des raisons qui lui sont propres, choisi de ne pas user de ses droits à construire. Ce faisant, les préjudices dont il demande la réparation résultent également directement de ce choix dès lors que la réalisation de ladite maison d'habitation, qui est à l'origine de l'acquisition du terrain en cause, aurait rendu sans objet la présente demande contentieuse. Au vu de ces éléments, il y a lieu de fixer à 50 % la part des conséquences dommageables imputables aux fautes commises par la commune de Belgodère et qui doit donc être laissée à sa charge.

En ce qui concerne les causes exonératoires tenant au fait du tiers :

12. D'une part, sans autre précision apportée par la commune appelante, et à la supposer établie, la seule circonstance que le préfet de la Haute-Corse se soit abstenu de déférer au tribunal administratif de Bastia les certificats d'urbanisme et les autorisations d'urbanisme délivrés dans le secteur par le maire de Belgodère ainsi que les documents d'urbanisme successivement applicables, ne révèle pas, par elle-même, une carence du représentant de l'Etat de nature à atténuer la responsabilité de la commune de Belgodère.

13. D'autre part, il n'apparaît pas au vu des pièces versées aux débats que le vendeur de la parcelle cadastrée section A n° 875 ait cherché à abuser M. A... lors de la fixation du prix d'achat.

En ce qui concerne la réparation des préjudices subis par M. A... :

14. Dans leur jugement attaqué du 22 septembre 2022, les premiers juges ont estimé que les préjudices résultant de la différence entre le prix d'achat de la parcelle cadastrée section A n° 875 par M. A... et sa valeur réelle, soit la somme de 93 600 euros, des frais bancaires à hauteur de 87 171,20 euros et du surcroît des frais d'acquisition à hauteur de 4 808,70 euros étaient directement imputables aux fautes commises par la commune de Belgodère.

En conséquence, après avoir jugé que la réalité du préjudice correspondant au montant des intérêts au taux légal que M. A... aurait dû percevoir sur un capital de 130 000 euros n'était pas établie, lesdits juges ont décidé qu'il y avait lieu de condamner la commune de Belgodère à verser à ce dernier une indemnité totale de 185 579,90 euros. M. A... a effectivement droit à la réparation du préjudice résultant de la perte de la valeur vénale de cette parcelle, soit

93 600 euros au vu de l'estimation réalisée par l'expert immobilier et foncier missionné par l'intimé et non sérieusement contestée par la commune appelante, et de ce surcroît de frais d'acquisition qui a été évalué, sans davantage de contestation sérieuse, à 4 808,70 euros.

M. A... justifie, en outre, par la production du tableau d'amortissement que le coût total de l'emprunt de 130 000 euros qu'il a souscrit pour l'acquisition de la parcelle s'élève à la somme de 87 171,20 euros. Si, pour la première fois devant la Cour, la commune appelante soutient qu'elle n'a pas à indemniser la totalité du coût de cet emprunt qui a été contracté par l'intimé à hauteur de 130 000 euros alors que le prix d'acquisition de la parcelle en cause était de seulement 120 000 euros, il ressort de l'article 2 du titre " Prêt par la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France " de l'acte de vente du 31 janvier 2012 que " L'Emprunteur s'engage à affecter exclusivement le montant du prêt à l'acquisition d'un terrain à bâtir pour la résidence secondaire et ci-dessus désigné. " En revanche, au titre des frais inhérents à l'emprunt que

M. A... a souscrit, et alors qu'en exécution du présent arrêt, il sera partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires, il n'y a lieu d'allouer à M. A... qu'une somme au prorata de la durée restante dudit emprunt qui court jusqu'au 31 décembre 2031. Il en sera fait une juste appréciation en fixant cette somme à 21 000 euros.

15. Il s'ensuit que, compte tenu du partage arrêté au point 11 ci-dessus du présent arrêt, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le jugement attaqué du 22 septembre 2022 aurait reçu exécution, il y a seulement lieu de mettre la somme de 59 704,35 euros à la charge de la commune de Belgodère et de réformer en conséquence l'article 1er de ce même jugement.

Sur les conclusions à fin d'appel en garantie présentées par la commune de Belgodère :

16. Si la commune de Belgodère demande, dans le dernier état de ses écritures, à être garantie par l'Etat de toute condamnation prononcée à son encontre, ces conclusions ont été présentées pour la première fois en cause d'appel. Pour ce motif, elles ne peuvent qu'être rejetées comme étant irrecevables.

Sur les frais liés au litige :

17. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

18. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés dans le cadre de la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : L'indemnité de 185 579,90 euros que la commune de Belgodère a été condamnée à verser à M. A... par le jugement n° 2000193 du tribunal administratif de Bastia du 22 septembre 2022 est ramenée à 59 704,35 euros.

Article 2 : L'article 1er du jugement n° 2000193 du tribunal administratif de Bastia du 22 septembre 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Belgodère et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

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No 22MA02661


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