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12/10/2023 | FRANCE | N°23MA01777

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 12 octobre 2023, 23MA01777


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2304633 du 16 juin 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête enregistrée le 11 juillet 2023, M. A... B..., représenté par Me Tapiero, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2304633 du 16 juin 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 juillet 2023, M. A... B..., représenté par Me Tapiero, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 mai 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou la mention " travail " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de le munir, durant ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour ou d'un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation ;

- la mesure d'éloignement en litige est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 10 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 septembre 2023.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en litige en tant qu'il porterait refus de délivrance d'une décision de refus de titre de séjour.

Des observations ont été présentées par M. B... le 20 septembre 2023 en réponse à cette information et ont été communiquées le jour même.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mouret,

- et les observations de Me Morenon, substituant Me Tapiero, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant comorien né en 1995, a été interpellé le 3 mai 2023 pour des faits d'usurpation d'identité. Par un arrêté du même jour, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. L'intéressé relève appel du jugement du 16 juin 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 3 mai 2023.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation d'une décision de refus de titre de séjour :

2. Il ressort de ses termes mêmes que l'arrêté contesté ne comporte aucune décision de refus de titre de séjour. Par suite, les conclusions de M. B... tendant à l'annulation d'une telle décision de refus ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

4. Il incombe au juge administratif, pour apprécier la réalité du séjour de l'étranger et la consistance de ses liens personnels et familiaux, notamment pour l'application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'apprécier l'ensemble des pièces produites par l'intéressé, en tenant compte de la nature particulière des documents produits sous couvert d'une usurpation d'identité.

5. M. B..., ressortissant comorien né le 21 avril 1995, soutient, sans contredit sérieux, être entré en France alors qu'il était mineur de moins de quinze ans afin d'y rejoindre ses parents et indique avoir utilisé, depuis lors, l'identité d'une personne de nationalité française née le 9 janvier 1996 aux Comores. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier de celles établies au nom de cette personne, que le requérant a été scolarisé, sous sa fausse identité, dans un collège puis dans un lycée professionnel à Marseille au cours des années scolaires 2009-2010 à 2017-2018 et qu'il a par la suite exercé, sous cette même identité falsifiée, une activité professionnelle notamment dans le cadre de missions d'intérim. Par ailleurs, le requérant établit, par les pièces qu'il produit pour la première fois en appel, que ses parents, qui l'ont hébergé durant de nombreuses années à leur domicile situé à Marseille, résidaient régulièrement en France à la date de l'arrêté contesté, sous couvert de titres de séjour pluriannuels. Il n'apparaît pas que M. B... aurait conservé des liens personnels et familiaux intenses dans son pays d'origine qu'il a quitté mineur pour rejoindre le territoire français. Dans ces conditions, compte tenu en particulier de la durée du séjour en France du requérant, de la réalité de ses liens familiaux sur le territoire français ainsi que de ses efforts d'insertion professionnelle, et en dépit des circonstances qu'il était célibataire et sans charge de famille à la date de l'arrêté attaqué, la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, M. B... est fondé à demander l'annulation de cette décision ainsi que, par voie de conséquence, celle des autres décisions contenues dans l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 mai 2023.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 mai 2023.

Sur l'injonction et l'astreinte :

7. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

8. L'exécution du présent arrêt, qui prononce l'annulation de la mesure d'éloignement ainsi que des autres décisions contenues dans l'arrêté contesté, n'implique pas nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre un titre de séjour à M. B.... En revanche, il incombe à cette autorité, en application des dispositions citées au point précédent, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Le requérant, qui n'a déposé aucune demande d'aide juridictionnelle, n'est pas fondé à invoquer, au bénéfice de son avocat, les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Toutefois, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à M. B... sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille du 16 juin 2023 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 mai 2023 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023.

2

N° 23MA01777

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01777
Date de la décision : 12/10/2023
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : TAPIERO

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-10-12;23ma01777 ?
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