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12/10/2023 | FRANCE | N°23MA01545

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 12 octobre 2023, 23MA01545


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 20 février 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, lui a interdit de retourner sur le territoire national pendant une durée de deux ans et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2301840 du 6 avril 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté en tant que le préfet des Bouches

-du-Rhône a prononcé à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 20 février 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, lui a interdit de retourner sur le territoire national pendant une durée de deux ans et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2301840 du 6 avril 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté en tant que le préfet des Bouches-du-Rhône a prononcé à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 23MA01546 le 19 juin 2023, M. B..., représenté par Me Cauchon-Riondet, demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du 6 avril 2023 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 février 2023 en tant qu'il l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler totalement l'arrêté du 20 février 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire et la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire sont insuffisamment motivées, ce qui révèle que le préfet a entaché ces décisions d'un défaut d'examen réel et sérieux de la situation personnelle du requérant ;

- le droit d'être entendu n'a pas été respecté avant l'édiction de l'obligation de quitter le territoire ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé ;

- la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 juillet 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 30 juin 2023.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 23MA01545, le 19 juin 2023, M. B..., représenté par Me Cauchon-Riondet, demande à la Cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, du jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 avril 2023 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et que les moyens énoncés dans la requête sont sérieux.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 juillet 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 30 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. d'Izarn de Villefort a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 20 février 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, lui a interdit de retourner sur le territoire national pendant une durée de deux ans et a fixé le pays de destination. Il relève appel du jugement du 6 avril 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté en tant seulement que le préfet des Bouches-du-Rhône a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

2. Les requêtes susvisées n° 23MA01545 et n° 23MA01546 présentées par M. B... étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

4. L'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application, relève que M. B... s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa sans être titulaire d'un premier titre de séjour et qu'il n'entre dans aucune des catégories d'étrangers pouvant bénéficier d'un titre de séjour de plein droit. Il mentionne sa date de naissance, les circonstances de son interpellation et sa situation familiale. Ainsi, cet arrêté, en tant qu'il oblige M. B... à quitter le territoire français, est suffisamment motivé. Si cette motivation ne fait pas mention de sa prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance et sa scolarité poursuivie après sa majorité dans le cadre d'un contrat d'aide à un jeune majeur, il résulte de la motivation liée à la décision refusant à l'intéressé l'octroi d'un délai de départ volontaire que le préfet a pris en compte les déclarations du requérant, lesquelles portaient notamment sur ces éléments. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait omis de procéder à un examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé.

5. En deuxième lieu, M. B... reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance et tiré de ce que le droit des ressortissants d' États tiers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement d'être entendus n'a pas été respecté avant l'édiction de l'obligation de quitter le territoire contestée. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Marseille d'écarter ce moyen.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., né le 6 septembre 2004, est entré en France sous couvert d'un visa de court séjour, le 18 janvier 2022 selon ses déclarations, a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance des Bouches-du-Rhône par ordonnance du 21 mars 2022 puis par jugement du 31 mai 2022. Le 2 septembre 2022, il a conclu avec le département un contrat d'aide à un jeune majeur valable jusqu'au 31 décembre suivant et renouvelé pour la période expirant le 31 mars 2023. Depuis le 21 novembre 2022, il suit une formation de 24 mois préparant au certificat d'aptitude professionnelle spécialité " menuisier ". Les bulletins scolaires révèlent cependant un comportement et un investissement insuffisants. L'obligation de quitter le territoire fait suite à son interpellation pour des faits de vol de carburant en réunion qui ont fait l'objet d'une ordonnance pénale du 17 avril 2023 le condamnant au paiement d'une amende de 300 euros et qu'il n'a pas contestée. En outre, il résulte de ses propres déclarations que ses parents, son frère et sa sœur résident en Algérie. Il ne se prévaut de la présence en France d'aucun membre de sa famille, lui-même étant célibataire. Par suite, l'obligation de quitter le territoire ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, en dépit de ses activités sportives au sein d'un club de football et alors même que l'association l'accompagnant prévoyait de régulariser en temps utile sa situation en déposant une demande de titre de séjour en qualité de travailleur temporaire sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'ailleurs inapplicables aux ressortissants algériens dès lors que les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France, et que le contrat d'aide à un jeune majeur a été renouvelé postérieurement à l'arrêté attaqué. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour le même motif, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé.

En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

8. Outre les éléments rappelés au point 4, l'arrêté attaqué, qui vise les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en justifie l'application par des références à la situation personnelle de M. B.... Cet arrêté comporte donc une motivation suffisante de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire. Par ailleurs, le moyen tiré de ce que le préfet aurait omis de procéder, sur cet aspect, à un examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté pour le motif énoncé au point 4.

9. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ".

10. Pour refuser à M. B... l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet des Bouches-du-Rhône a estimé qu'il existait un risque qu'il se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dans la mesure où il n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes, faute d'avoir justifié d'un passeport en cours de validité et d'un lieu de résidence permanent, outre qu'il ne justifiait pas davantage d'une résidence à Marseille et qu'il était défavorablement connu des services de police. Si le requérant soutient qu'il n'est devenu majeur que le 6 septembre 2022 et ne remplissait, ni à cette date, ni à celle de l'arrêté attaqué, les conditions définies à l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance d'un titre de séjour en qualité de travailleur temporaire, ces dispositions ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, comme il a été indiqué au point 7. Il ne détenait pas de passeport en cours de validité, quand bien même cette situation résultait du refus des autorités algériennes conditionnant le renouvellement de son passeport périmé à l'obtention d'un titre de séjour. Il résidait à la date de l'arrêté attaqué dans un appartement avec d'autres jeunes majeurs pris en charge par le département sans que les conditions d'occupation soient précisées au dossier. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le préfet n'a pas fait une appréciation erronée du risque qu'il se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions à fin de sursis :

12. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête n° 23MA01545 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23MA01545.

Article 2 : La requête n° 23MA01546 de M. B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...,au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Cauchon-Riondet

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023.

N°s 23MA01545, 23MA01546 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01545
Date de la décision : 12/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : CAUCHON-RIONDET;CAUCHON-RIONDET;CAUCHON-RIONDET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-10-12;23ma01545 ?
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