Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Collectif Danger Aix Avenir a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler ou de résilier la convention de concession de l'aérodrome d'Aix-Les Milles conclue le 14 décembre 2017 entre l'Etat et la société Edeis Management, et d'annuler la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 23 février 2018 ou, à titre subsidiaire, de modifier certaines clauses de cette convention ou d'enjoindre à l'Etat d'y procéder.
Par un jugement n° 1805444 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2021, trois mémoires récapitulatifs enregistrés le 28 novembre 2022, le 15 février 2023 et le 9 mars 2023, une note en délibéré enregistrée le 20 juin 2023 et communiquée, comme un mémoire, après renvoi de l'affaire, et deux nouveaux mémoires récapitulatifs enregistrés le 14 juillet 2023 et le 27 juillet 2023, l'association Collectif Danger Aix Avenir, représentée par Me Samourcachian, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement et de faire droit à ses demandes de première instance ;
2°) de mettre à la charge de la partie perdante la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le caractère contradictoire de l'instruction a été méconnu en première instance ;
- elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour contester la validité du contrat ;
- le périmètre de la concession aurait dû inclure l'aérodrome de Marignane-Berre ;
- la publicité donnée à l'avis de mise en concurrence était insuffisante ;
- la société Edeis a trompé l'Etat quant à ses capacités, viciant son consentement ;
- la convention ne pouvait être accordée que par un décret en Conseil d'Etat ;
- le contrat devait stipuler l'ensemble des travaux que la société s'engageait à réaliser ;
- la durée de la concession, soit 45 ans, est excessive au regard des investissements ;
- la durée de la concession excède celle mentionnée dans l'avis d'appel d'offres ;
- l'article 11 de la convention est imprécis ;
- la convention ne spécifie pas le caractère contraignant des obligations de la société ;
- la convention ne comporte pas de mécanisme de contrôle, de suivi et de sanction ;
- les mesures prises en matière environnementale sont insuffisantes ;
- l'article 6 de la Charte de l'environnement a dès lors été méconnu ;
- les articles L. 411-1 et suivants du code de l'environnement ont été méconnus ;
- la société concessionnaire n'a pas respecté certaines de ses obligations contractuelles ;
- sa gestion a privilégié la satisfaction des intérêts de ses actionnaires ;
- l'Etat a alloué à la société le produit de la majoration de la taxe d'aéroport ;
- cette allocation a modifié substantiellement les termes du contrat ;
- cette allocation excède le coût des obligations de service public qu'elle compense.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 27 décembre 2022 et le 13 juillet 2023, la société par actions simplifiée à associé unique Edeis Concessions, représentée par Me Boudieb, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de l'association en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens présentés à l'appui de l'appel sont infondés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 17 février 2023 et le 13 juillet 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande de première instance est irrecevable ;
- en effet, l'association requérante n'a pas d'intérêt pour agir ;
- compte tenu de l'office du juge du contrat, les demandes tendant à l'invalidation, à la modification ou à l'intégration de certaines clauses du contrat sont irrecevables ;
- les moyens présentés à l'appui de l'appel sont inopérants et infondés.
Par une lettre en date du 7 juillet 2023, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu d'ici à la fin de l'année 2023, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 15 juillet 2023.
Par ordonnance du 7 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.
Un mémoire, présenté par la société Edeis Concessions le 7 septembre 2023, après la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte de l'environnement ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code de l'environnement ;
- le code des transports ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;
- le décret n° 2007-244 du 23 février 2007 ;
- l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;
- l'arrêté du 8 janvier 2021 fixant la liste des amphibiens et des reptiles représentés sur le territoire métropolitain protégés sur l'ensemble du territoire national et les modalités de leur protection ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Samourcachian, représentant l'association appelante, de Me Boudieb, représentant la société Edeis Concessions, et de Mme B... et M. A..., représentant le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Connaissance prise de la note en délibéré présentée pour l'association Collectif Danger Aix Avenir et enregistrée au greffe le 21 septembre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Le 19 novembre 2015, la direction générale de l'aviation civile a publié au Bulletin officiel des annonces de marchés publics (BOAMP) un avis d'appel public à la concurrence en vue de l'attribution d'une concession de service public ayant pour objet l'exploitation, l'entretien et la valorisation de l'aérodrome d'Aix-Les Milles. La concession a été attribuée à la société Edeis Management, devenue Edeis Concessions. Le 14 décembre 2017, cette société a signé la convention de concession avec l'Etat. Le 22 janvier 2018, l'Etat a publié l'avis d'attribution de la concession au BOAMP. Après avoir présenté, le 23 février 2018, un recours gracieux, qui a été rejeté implicitement, l'association Collectif Danger Aix Avenir a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une action en contestation de validité de cette convention. Par le jugement attaqué, dont l'association relève appel, le tribunal administratif a rejeté cette action.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".
3. Pour rejeter la demande de première instance présentée par l'association appelante, le tribunal administratif de Marseille s'est fondé, notamment, sur le motif tiré de ce que le concessionnaire était " bien éligible à la réallocation du produit de la majoration de la taxe d'aéroport, comme il ressort des arrêtés des 15 avril 2019 et 5 avril 2020 fixant la répartition du produit de cette majoration ". Il s'est ainsi fondé sur des éléments contenus dans le mémoire en défense du ministre de la transition écologique et solidaire, enregistré le 17 novembre 2020, et dans celui de la société Edeis Concessions, enregistré le 18 novembre 2020, ainsi que sur l'argumentaire développé dans ces deux mémoires. Le dossier de première instance ne témoigne pas d'une communication de ces mémoires à l'association Collectif Danger Aix Avenir. L'association est donc fondée à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu.
4. Le jugement est donc irrégulier. Il y a lieu de l'annuler et d'évoquer l'affaire pour y statuer immédiatement.
Sur la fin de non-recevoir opposée à l'action en contestation de la validité du contrat :
5. D'une part, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Les tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Saisi par un tiers, dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.
6. D'autre part, l'intérêt d'une association lui donnant qualité pour contester la validité d'un contrat ou de certaines de ses clauses s'apprécie à la date à laquelle elle a introduit sa demande et sans que puissent être prises en compte les modifications substantielles qu'elle a apportées à son objet social au cours de l'instance.
7. Aux termes de l'article 2 de ses statuts, dans leur rédaction en vigueur à la date de l'introduction de la demande de première instance, l'association Collectif Danger Aix Avenir avait " pour objet la défense de la population du bassin aéroportuaire Aix-Les Milles contre les diverses nuisances générées par l'aérodrome d'Aix-Les Milles dans le cadre local mais aussi dans le cadre de la lutte pour la préservation des conditions de vie sur notre seule planète. Elle est un mouvement citoyen qui regroupe, à des fins d'efficacité, des riverains et des non riverains de l'aérodrome, des membres d'autres associations du bassin aéroportuaire et plus largement toute personne concernée par la dégradation de la zone et la dégradation de l'environnement ". L'association ne peut utilement se prévaloir de la modification de ses statuts intervenue le 25 janvier 2019, après l'introduction de sa demande de première instance, et qui élargit notamment son objet statutaire à la " promotion d'une gestion décentralisée et d'un développement aéroportuaire alternatif (...) garant d'une bonne gestion et utilisation des deniers publics, et notamment des subventions publiques ".
8. L'association, que le préfet des Bouches-du-Rhône a d'ailleurs désignée, par arrêté du 14 septembre 2016, comme membre de la commission consultative de l'environnement de l'aérodrome, retire de son objet statutaire, tel que défini à la date d'introduction de sa demande de première instance, un intérêt susceptible d'être lésé par la convention de concession, tenant aux nuisances que les conditions d'exploitation de l'aérodrome peuvent faire subir aux riverains ou, de manière plus générale, aux atteintes qu'elles peuvent porter à l'environnement. La fin de non-recevoir qui lui est opposée doit donc être rejetée.
Sur les vices insusceptibles d'être utilement invoqués :
9. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que, outre les vices d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office, l'association requérante ne peut utilement invoquer que les vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont elle se prévaut, dans les conditions précédemment définies.
10. Dès lors, ne peuvent être regardés comme entretenant un rapport direct avec son intérêt susceptible d'être lésé, les vices tirés, en premier lieu, du caractère illégal du périmètre de la délégation de service public, en deuxième lieu, de l'insuffisante publicité donnée à la mise en concurrence, en troisième lieu, de l'absence de mention dans le contrat de l'ensemble des travaux à la charge du candidat, en quatrième lieu, de l'irrégularité de la durée de la concession au regard des conditions de la mise en concurrence et de son caractère, en tout état de cause, excessif, dans la mesure où l'argumentation développée à l'appui de chacun de ces vices n'est pas en rapport avec les nuisances subies par les riverains de l'aérodrome ou, de manière plus générale, les atteintes portées à l'environnement. L'association requérante ne peut donc utilement s'en prévaloir dès lors qu'ils ne sont pas, en outre, d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office.
11. L'association requérante ne peut davantage utilement se prévaloir, en tant que tels, ni de l'illicéité de la modification substantielle qui aurait été apportée au contrat par l'attribution de la réallocation de la majoration de la taxe d'aéroport, ni de l'absence de contrepartie à cette réallocation, ni enfin du non-respect par la société concessionnaire des termes de son offre ou du contrat de concession, lesquels sont, en tout état de cause, sans incidence sur la validité du contrat tel qu'il a été initialement souscrit.
Sur le non-respect de l'article R. 223-2 du code de l'aviation civile :
12. Aux termes de l'article R. 223-2 du code de l'aviation civile : " Les concessions qui ne portent pas dérogation au cahier des charges type sont accordées par arrêté ministériel. Les concessions qui portent dérogation au cahier des charges type sont accordées par décret en Conseil d'Etat pris sur le rapport du ministre chargé de l'aviation civile, du ministre chargé de l'économie et des finances et du ministre chargé de la défense lorsqu'il est affectataire principal ".
13. En application des articles 1er et 4 de la convention de concession, le cahier des charges type applicable aux concessions des aéroports appartenant à l'Etat approuvé par le décret susvisé du 23 février 2007 est applicable à la convention conclue le 14 décembre 2017, à l'exception des stipulations de ses articles 20, 27, 31 et 32. Or, aux termes de l'article 87 de ce cahier des charges : " Dans le cas où la concession comprend l'exploitation d'un aérodrome dont le trafic aérien commercial annuel n'excède pas 100 000 passagers embarqués ou débarqués, la convention de concession peut prévoir que tout ou partie des dispositions des articles 17, 20, 27, 31, 32, 54 et 55 du présent cahier des charges n'est pas applicable à cet aérodrome ". Il en résulte que, dès lors que le trafic aérien commercial annuel de l'aérodrome d'Aix-Les Milles n'excède pas les 100 000 passagers embarqués ou débarqués, la convention en litige pouvait, sans pour autant déroger au cahier des charges type, prévoir que les articles 20, 27, 31 et 32 de ce cahier des charges ne seraient pas appliqués.
14. Par ailleurs, la circonstance que la charte de l'environnement de l'aérodrome à laquelle renvoie l'article 11 de la convention de concession définisse les conditions d'exploitation de l'aérodrome dans le souci de limiter les nuisances infligées aux riverains et les atteintes à l'environnement et impose, à cet effet, au concessionnaire le respect de mesures particulières d'atténuation ne peut s'analyser comme dérogeant de ce seul fait au cahier des clauses type. En effet, aucune stipulation de ce cahier des clauses type ne s'opposait à ce que des obligations supplémentaires en matière environnementale fussent convenues entre les parties.
15. Dans ces conditions, la convention de concession pouvait être accordée, conformément à l'article R. 223-2 du code de l'aviation civile, par un simple arrêté ministériel. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la concession ne pouvait être accordée que par un décret en Conseil d'Etat ne peut qu'être écarté.
Sur la " tromperie " concernant les capacités du candidat et le " vice du consentement " :
16. Le seul constat des difficultés rencontrées par la société concessionnaire, en cours d'exécution du contrat, pour honorer ses obligations contractuelles et dégager un excédent d'exploitation sans la réallocation du produit de la majoration de la taxe d'aéroport, ne suffit pas à établir qu'elle n'avait pas la capacité financière requise pour se porter candidate à l'attribution du contrat de concession, ni, à plus forte raison, qu'elle aurait induit l'autorité concédante en erreur à cet égard. Il en résulte que le moyen tiré de ce que le consentement de l'Etat aurait été vicié du fait d'une " tromperie " de la société Edeis Management sur ses capacités financières ne peut qu'être écarté.
Sur l'insuffisance des mesures de protection de l'environnement :
17. Aux termes de l'article 11 de la convention de concession : " Le concessionnaire s'engage à respecter les dispositions de la charte de l'environnement de l'aérodrome d'Aix-Les Milles relevant de l'exploitant et à contribuer à son actualisation en tenant compte de l'évolution constatée et prévue des activités de l'aérodrome ".
18. Par cette stipulation, dépourvue sur ce point de toute ambiguïté, la convention rend opposable au concessionnaire le contenu de la charte de l'environnement de l'aérodrome, telle qu'adoptée à la date d'attribution de la concession, son éventuelle actualisation étant, en tout état de cause, soumise à l'approbation de l'autorité délégante. En son état actuel, cette charte définit les conditions d'exploitation de l'aérodrome en excluant les vols commerciaux réguliers ainsi que l'activité nocturne entre 22 h et 6 h et limite la taille des avions à une capacité inférieure à vingt sièges ainsi que le nombre des mouvements à 60 000 par an dont 5 000 pour l'aviation d'affaires. La charte de l'environnement de l'aérodrome prévoit, par ailleurs, sept mesures en faveur de la réduction des nuisances sonores : mise en œuvre d'un plan pluriannuel d'équipement des écoles de formation au pilotage, des aéro-clubs et clubs de parachutistes, réduction des nuisances sonores en tour de piste, minimisation des évolutions à l'ouest, intégration de la réduction des nuisances sonores dans les consignes d'exploitation, élaboration d'un code de bonne conduite, procédures permettant un meilleur respect des différentes altitudes et trajectoires et mise en place d'un système permettant de détecter automatiquement les écarts de trajectoire. Par ailleurs, l'article 12 de la charte impose au concessionnaire d'améliorer " la transparence du système de constatation et des manquements aux règles, en mettant en place une organisation pour répondre aux demandes et réclamations des riverains, selon des formes identiques à la demande (lettre, téléphone, messagerie électronique) " et d'informer toute personne ayant déposé une réclamation de la suite qui lui est donnée " dans le délai d'un mois ".
19. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de la Charte de l'environnement : " Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social ". Il appartient aux pouvoirs publics et aux autorités administratives, dans le respect de leurs compétences respectives, de veiller à concilier, dans la conception des politiques publiques, la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social.
20. Toutefois, la convention de concession contestée ne participe pas de la conception de la politique publique de l'aviation civile, mais constitue un simple acte pris pour l'application de la législation correspondante. En effet, le contrat de concession a été accordé sur le fondement de l'article L. 6321-1 du code des transports. Sa conclusion emporte, comme le prévoit le décret du 23 février 2007 cité au point 13, obligation de respecter le cahier des charges type annexé à ce décret, et dont les articles 43 et 54 à 57 prévoient des obligations en matière environnementales. Par ailleurs, si ces textes régissant l'aviation civile ne prévoient pas eux-mêmes d'autres obligations en matière environnementale, l'exploitation des aérodromes est soumise à plusieurs autres législations et réglementations. Les nuisances sonores propres aux aérodromes justifient l'édiction d'un plan d'exposition au bruit prévu par les articles L. 112-6 et suivants du code de l'urbanisme, du plan de gêne sonore prévu par l'article L. 571-15 du code de l'environnement et des cartes de bruit et plans de prévention du bruit prévus par les articles L. 572-2 et L. 572-6 du code de l'environnement. Les nuisances sont, en vertu de l'article L. 6361-1 du code des transports, contrôlées par une autorité administrative indépendante, l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, qui peut imposer des restrictions permanentes ou temporaires d'usage, des procédures particulières de décollage ou d'atterrissage, des règles relatives aux essais moteurs et des valeurs maximales de bruit ou d'émissions atmosphériques, et infliger des sanctions aux contrevenants en vertu de l'article L. 6361-12 du code des transports. Ces nuisances font par ailleurs l'objet d'une évaluation spécifique, dans le cadre des études d'impact réalisées sur le fondement des articles R. 227-7 et R. 227-8 du code de l'aviation civile et des inventaires annuels d'émission de substances polluantes établis sur le fondement de l'article L. 221-6 du code de l'environnement, le concessionnaire ayant l'obligation, en vertu de l'article 43 du cahier des charges rendu obligatoire par le décret du 23 février 2007 de fournir à l'administration les informations utiles. En outre, les activités aériennes ont été intégrées dans le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre par les articles L. 229-5 à L. 229-19 du code de l'environnement pris pour la transposition de la directive européenne 2008/101/CE.
21. Par ailleurs, les dispositions des arrêtés ministériels fixant la liste des espèces protégées pris en application des dispositions de l'article L. 411-1 et suivants du code de l'environnement, et notamment les arrêtés susvisés des 29 octobre 2009 et 8 janvier 2021 s'agissant de l'outarde canepetière et du lézard ocellé, qui prohibent notamment la destruction intentionnelle ou l'enlèvement des œufs et des nids, la destruction, la mutilation intentionnelles, la capture ou l'enlèvement de ces animaux ainsi que leur perturbation intentionnelle " pour autant que la perturbation remette en cause le bon accomplissement des cycles biologiques de l'espèce considérée " s'imposent, en tout état de cause, au concessionnaire, sous réserve de l'obtention d'une éventuelle dérogation, elle-même subordonnée à la mise en œuvre de mesures compensatoires. Il résulte, du reste, de l'instruction que, dans le cadre de l'évaluation environnementale à laquelle elle est soumise pour la construction des nouveaux bâtiments de l'aérogare, la société Edeis Concessions a déposé une demande de dérogation au régime de protection des espèces protégées.
22. Il résulte de ce qui précède que l'association Collectif Danger Aix Avenir n'est pas fondée à soutenir que les stipulations incluses dans la convention de concession méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle fixé par l'article 6 de la Charte de l'environnement ou les dispositions des articles L. 411-1 et suivants du code de l'environnement.
23. En deuxième lieu, l'association requérante ne peut utilement se prévaloir, ainsi qu'il a été dit au point 11, dans le cadre d'une action mettant en cause la validité du contrat conclu, de l'éventuelle méconnaissance présente ou future par le concessionnaire des mesures environnementales qui lui sont imposées par la charte de l'environnement de l'aérodrome. Elle ne peut davantage utilement se prévaloir de ce que la convention n'impose pas au concessionnaire le respect de la norme ISO 14001, une certification " Airport Carbon Accreditation " (ACA) supérieur au niveau 1, un objectif de réduction ou de maîtrise de l'empreinte environnementale de la plateforme ou encore une " stratégie de valorisation " orientée vers le " développement du foncier " et non vers le développement des " activités aéronautiques ", aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n'imposant à l'autorité concédante de prévoir de telles obligations.
24. En troisième lieu, les termes de l'offre présentée par le candidat attributaire d'une concession de service public s'incorporent au contrat de concession sans que ce dernier ait à en reprendre les termes. Il en va ainsi, notamment, de l'engagement de réaliser des travaux d'un montant de 9 708 778 euros en complément du programme initial stipulé par l'article 7 du contrat de concession. Dès lors, l'association Collectif Danger Aix Avenir n'est pas fondée à faire grief au contrat de ne pas reprendre, dans les stipulations de son article 7 et dans son annexe 3, cet engagement de la société Edeis en tant qu'il porte sur le financement de mesures de protection de l'environnement.
25. En dernier lieu, l'article 76 du cahier des charges de la concession précise la possibilité pour l'administration d'effectuer un contrôle " sur pièces et sur place ", au cours duquel " le concessionnaire prête son concours et fournit tout document nécessaire au contrôle ". Contrairement à ce que soutient l'association, le contrat prévoit donc bien des mécanismes de contrôle.
26. Par ailleurs, ainsi que le prévoit l'article 82 du cahier des charges de la concession, le concédant dispose toujours de la faculté de résilier unilatéralement le contrat pour faute et sans indemnité si le concessionnaire " persiste à commettre (...) des manquements particulièrement graves à ses obligations contractuelles et réglementaires ", sans préjudice, du reste, de l'action dont dispose également devant le juge du contrat les associations ou les autres tiers intéressés, en cas d'inexécution de ses obligations contractuelles par le concessionnaire. L'association requérante ne peut utilement soutenir qu'il appartenait à l'autorité concédante de prévoir un mécanisme de pénalités dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne l'impose.
27. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Collectif Danger Aix Avenir n'est pas fondée à soutenir que le contrat de concession conclu par l'Etat et la société Edeis est invalide.
Sur les frais liés au litige :
28. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat ou de la société Edeis Concessions, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société Edeis Concessions tendant à l'application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1805444 du 8 juillet 2021 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de l'association Collectif Danger Aix Avenir est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la société Edeis Concessions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Collectif Danger Aix Avenir, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Edeis Concessions.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2023, où siégeaient :
- Mme Laurence Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Alexandre Badie, président de chambre,
- Mme Anne-Laure Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Jacqueline Marchessaux, première conseillère,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 octobre 2023.
N° 21MA04315 2