Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a enjoint de quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont il a la nationalité et a édicté à son encontre une interdiction de retour de trois ans et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a assigné à résidence.
Par un jugement nos 2204839, 2204842 du 11 octobre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 février 2023, M. E..., représenté par Me Bakary, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 octobre 2022 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 29 septembre 2022 et du 6 octobre 2022 ;
3°) d'ordonner l'effacement du signalement dans le système d'information Schengen ;
4°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer un titre de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que les conclusions en annulation dirigées contre la mesure d'éloignement étaient irrecevables car tardives ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la décision attaquée était suffisamment motivée ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français comporte des visas erronés et est illégale ;
- cette décision a été prise en méconnaissance de la procédure contradictoire énoncée aux articles L. 121-1 et L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise sans examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire se fonde sur le fait qu'il ne peut justifier être entré régulièrement en France et est entachée d'erreur de fait et d'erreur de droit au regard de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise sans examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'erreur de droit au regard de l'article L. 613-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'erreur d'appréciation ;
- elle a été prise sans procédure contradictoire ;
- elle méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant assignation à résidence est entachée d'incompétence de son auteur ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est privée de base légale, entachée d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est illégale, par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement.
Un courrier du 6 juin 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Par ordonnance du 23 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2023.
La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Gougot. rapporteure.
Considérant ce qui suit :
1. Alors que M. E..., ressortissant cap-verdien était incarcéré à la maison d'arrêt de Grasse, par arrêté du 29 septembre 2022, le préfet des Alpes-Maritimes lui a enjoint de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement puis a édicté à son encontre une interdiction de retour en France d'une durée de trois ans. Le même jour, le préfet l'a placé en rétention mais par une ordonnance du 6 octobre 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nice a ordonné la main-levée de sa rétention. Par un nouvel arrêté du 6 octobre 2022, le préfet des Alpes-Maritimes l'a alors assigné à résidence. M. E... relève appel du jugement du 11 octobre 2022 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 29 septembre 2022 et 6 octobre 2022.
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 29 septembre 2022 portant obligation de quitter le territoire sans délai, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et interdiction de retour en France :
2. Aux termes de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français, aux articles L. 614-4 ou L. 614-5. ". Et selon l'article L. 613-3 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est informé, par cette notification écrite, des conditions, prévues aux articles L. 722-3 et L. 722-7, dans lesquelles cette décision peut être exécutée d'office. Lorsque le délai de départ volontaire n'a pas été accordé, l'étranger est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. " Et selon l'article L. 613-4 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est également informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments, traduits dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des décisions qui lui sont notifiées en application des chapitres I et II. ". Selon l'article L. 614-14 du même code : " En cas de détention de l'étranger, celui-ci est informé dans une langue qu'il comprend, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qu'il peut, avant même l'introduction de sa requête, demander au président du tribunal administratif l'assistance d'un interprète ainsi que d'un conseil. ". Enfin l'article L. 141-3 du même code précise que : " Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication... ".
3. Il est constant que l'arrêté du 29 septembre 2022 portant obligation de quitter le territoire sans délai à destination de son pays d'origine et interdiction de retour sur le territoire a été notifié à M. E... le 2 octobre 2022 à 11 heures 10 par voie administrative. Si la notification administrative a été effectuée sans l'assistance d'un interprète, alors qu'il était détenu à la maison d'arrêt de Grasse jusqu'au 4 octobre 2022 il n'est toutefois pas fondé à soutenir qu'une telle notification serait irrégulière. En effet, sa " fiche pénale-volet 1 " mentionne le français comme " langue principale parlée " par l'intéressé. Et il ressort du " formulaire complété à la maison d'arrêt de Grasse du 16 septembre 2022 à 10 heures 39 " que " l'intéressé s'exprime et comprend le français ". Au regard de ces éléments, il y a lieu de considérer que l'intéressé avait une maîtrise suffisante du français, lui permettant de comprendre tant la portée de la décision que les voies et délais de recours contre cette décision. La circonstance que le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nice qui a ordonné la mainlevée de sa rétention a mentionné dans son ordonnance qu'il n'avait qu'une compréhension très limitée du français et qu'il n'était pas possible de vérifier s'il savait lire le français ne suffit pas à contredire ces éléments concordants. C'est dès lors à bon droit que le magistrat désigné du tribunal a considéré que sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 septembre 2022, qui n'avait été enregistrée que le 8 octobre 2022 à 2 heures 18 était tardive, et par suite, irrecevable.
4. Il résulte de ce qui précède que les conclusions en annulation de l'arrêté du 29 septembre 2022 portant obligation de quitter le territoire sans délai, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et interdiction de retour en France doivent être rejetées.
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté d'assignation à résidence du 6 octobre 2022 :
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C... D..., cheffe du pôle éloignement du bureau de l'éloignement et du contentieux du séjour et signataire de l'arrêté du 6 octobre 2022, bénéficiait d'une délégation de signature à l'effet de signer notamment les décisions d'assignation à résidence, délégation accordée par arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 1er septembre 2022. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit donc être écarté.
6. En deuxième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent. En se bornant à soutenir qu'il n'aurait pas été informé par l'autorité administrative de son intention d'édicter une décision d'assignation à résidence et qu'il n'aurait pas été mis à même de présenter des observations et " des précisions essentielles ", le requérant n'établit pas l'existence d'éléments qui auraient pu influer sur le sens de la décision.
7. En troisième lieu, les moyens tirés de l'insuffisante motivation, de l'erreur de visas, de l'erreur de fait, de l'erreur de droit et du défaut de base légale au regard de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés par adoption des motifs des premiers juges qui n'appellent pas de précision en appel.
8. En quatrième lieu, le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté, comme non assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
9. En cinquième et dernier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4, la décision portant obligation de quitter le territoire, qui n'a pas été contestée dans le délai de recours, est devenue définitive. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté attaqué, par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas non plus fondé à demander l'annulation de la décision portant assignation à résidence.
11. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions en annulation. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Bakary.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2023, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 septembre 2023.
N° 23MA0047802