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25/09/2023 | FRANCE | N°22MA03059

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 25 septembre 2023, 22MA03059


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2022, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2200198 du 22 février 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure

devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2022, M. B..., représenté pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2022, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2200198 du 22 février 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Oloumi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 février 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans un délai de huit jours ;

4°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et dans l'attente, un document provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans les huit jours suivant la notification de la décision à intervenir ;

5°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer son droit au séjour et de lui délivrer dans l'attente d'une nouvelle décision, un document provisoire de séjour l'autorisant à travailler dès la notification de la décision à intervenir et pendant toute la durée du réexamen de la situation ;

6°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que le premier juge a omis de statuer sur le moyen soulevé en première instance et tiré du non-respect du droit d'être entendu avant l'édiction d'une mesure d'éloignement ;

- le jugement, qui n'évoque pas l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 13 août 2020 par arrêt de la Cour n° 21MA02970 du 31 octobre 2022 et qui mentionne à tort l'absence de demande de titre de séjour, est irrégulier ;

- l'arrête du préfet est illégal en raison du non-respect du droit d'être entendu avant l'édiction d'une mesure d'éloignement ;

- l'arrêté en litige est entaché d'une insuffisante motivation, d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation et d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la proportionnalité de l'atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale ;

- la décision portant interdiction de retour est privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;

- c'est à tort que le préfet considère que l'exposant ne fait état d'aucune circonstance humanitaire permettant de justifier l'absence d'interdiction de retour sur le territoire français ;

- en raison de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 31 octobre 2022 annulant notamment un précédent refus de séjour et enjoignant au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler, il ne peut être regardé comme dépourvu de titre de séjour et le préfet ne pouvait l'obliger à quitter le territoire français.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 16 mars 1982, déclare être entré en France en 2012. Par un arrêté du 11 janvier 2022, le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. B... a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par le jugement du 22 février 2022, la magistrate désignée par le tribunal administratif a rejeté cette demande. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la demande de délivrance de titre de séjour présentée le 19 octobre 2017 par M. B... a donné lieu à un refus implicite du préfet des Alpes-Maritimes et que ce refus a été annulé par jugement du tribunal administratif de Nice du 12 décembre 2018. Par arrêté du 13 août 2020, le préfet des Alpes-Maritimes a opposé un nouveau refus à la demande dont il était saisi. Par arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 21MA02970 du 31 octobre 2022, la Cour a annulé cet arrêté pour erreur de droit. Par l'effet rétroactif de cette annulation, le préfet se trouve ressaisi de la demande d'admission au séjour de M. B..., et ce dernier de l'autorisation provisoire de séjour qui lui a été accordée pendant la durée de l'instruction de sa demande. Dans ces conditions, le préfet des Alpes-Maritimes ne pouvait lui faire obligation de quitter le territoire français.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 janvier 2022.

Sur l'injonction et l'astreinte :

5. L'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". L'article L. 911-2 du même code prévoit que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Aux termes de son article L. 911-3 : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ". Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance (...) et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

6. En vertu de ces dispositions, et compte tenu des motifs du présent arrêt, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, d'une part, de procéder à l'effacement du signalement de M. B... aux fins de non-admission dans un délai de quinze jours et, d'autre part, de lui délivrer, dans le même délai un document provisoire de séjour l'autorisant à travailler dès la notification de la décision à intervenir et pendant toute la durée du réexamen de la situation. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Oloumi, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Oloumi de la somme de 2 000 euros.

D É C I D E :

Article 1er : L'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 11 janvier 2022 et le jugement du tribunal administratif de Nice du 22 février 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes Maritimes, dans un délai de quinze jours, de procéder à l'effacement du signalement de M. B... aux fins de non-admission, et, d'autre part, de délivrer à ce dernier, dans l'attente du réexamen de sa demande de titre de séjour, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 3 : L'État versera à Me Oloumi une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Oloumi renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le surplus de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Oloumi.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2023, où siégeaient :

- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 septembre 2023.

2

No 22MA03059


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA03059
Date de la décision : 25/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. THIELÉ
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : AARPI OLOUMI et HMAD AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-09-25;22ma03059 ?
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