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22/09/2023 | FRANCE | N°22MA00303

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 22 septembre 2023, 22MA00303


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de l'Île Rousse à lui verser la somme de 10 943 euros en réparation des préjudices subis à la suite de sa chute sur la voie publique le 12 octobre 2019.

Par un jugement n° 2000747 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a condamné la commune de l'Île Rousse à verser à M. A... une somme de 1 250 euros, a mis à la charge de celle-ci une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'artic

le L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de l'Île Rousse à lui verser la somme de 10 943 euros en réparation des préjudices subis à la suite de sa chute sur la voie publique le 12 octobre 2019.

Par un jugement n° 2000747 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a condamné la commune de l'Île Rousse à verser à M. A... une somme de 1 250 euros, a mis à la charge de celle-ci une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 janvier 2022 et 5 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Nalbone, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Bastia du 2 décembre 2021 en tant que ce jugement l'a reconnu partiellement responsable de son accident et a limité l'indemnité au versement de laquelle la commune de l'Île Rousse a été condamnée à la somme de 1 250 euros ;

2°) de porter à la somme de 10 943 euros le montant global de cette indemnité ;

3°) de mettre à la charge de la commune de l'Île Rousse les dépens et la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la responsabilité de la commune est engagée sur le fondement du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, du fait de la présence, sur la place du marché couvert, d'une borne de branchement électrique relevée et dont la trappe était abaissée ;

- la matérialité des faits et le lien de causalité entre le défaut d'entretien de l'ouvrage public et les préjudices subis sont établis ;

- il n'a commis aucune faute d'inattention ou d'imprudence ;

- doivent être indemnisés les souffrances endurées à hauteur de 4 000 euros, le préjudice financier à hauteur de 943 euros, le préjudice d'agrément à hauteur de 2 000 euros, le préjudice esthétique à hauteur de 2 000 euros et le préjudice moral à hauteur de 2 000 euros.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 14 décembre 2022 et 31 janvier 2023, la commune de l'Île Rousse, représentée par Me Muscatelli, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête et, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 2 décembre 2021 en tant que ce jugement l'a condamnée à verser la somme de 1 250 euros au titre des préjudices subis par M. A... et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire et par la voie de l'appel incident, de ramener le montant de l'indemnité due à M. A... à la somme globale de 700 euros ;

3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le lien de causalité entre la présence de la borne électrique et la chute de M. A... n'est pas établi ;

- la victime a commis des fautes de nature à l'exonérer totalement de sa responsabilité ;

- l'indemnisation des préjudices accordée par les premiers juges devra être ramenée à la somme de 700 euros, soit 500 euros au titre des souffrances endurées et 200 euros au titre du préjudice esthétique.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Var qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Costa, substituant Me Muscatelli, représentant la commune de l'Île Rousse.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été victime d'une chute sur la voie publique le 12 octobre 2019 au niveau de la place du marché couvert située sur le territoire de la commune de l'Île Rousse, qu'il impute à la présence d'une borne de branchement électrique relevée et dont la trappe était abaissée. Il relève appel du jugement du 2 décembre 2021 en tant que ce jugement a reconnu qu'il était en partie responsable de son accident et a limité l'indemnité au versement de laquelle la commune de l'Île Rousse a été condamnée, en réparation de ses préjudices, à la somme de 1 250 euros. Il demande que cette indemnité soit portée à la somme globale de 10 943 euros. La commune de l'Île Rousse demande, à titre principal et par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser la somme de 1 250 euros au titre des préjudices subis par M. A... et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, de ramener le montant de l'indemnité mise à sa charge à la somme globale de 700 euros.

Sur la responsabilité :

2. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre celui-ci et le préjudice invoqué. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit que cet ouvrage faisait l'objet d'un entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

3. Il résulte de l'instruction que l'accident dont a été victime, le 12 octobre 2019, M. A..., a été provoqué par une borne d'alimentation en électricité située sur la place du marché couvert de la commune de l'Île Rousse. L'appelant a heurté cette borne, qui était relevée lors de l'accident et était en cours d'utilisation, puis a perdu l'équilibre en tombant dans la trappe alors abaissée. Le certificat médical établi le même jour par le centre hospitalier de Calvi Balagne fait état d'une plaie de plus de dix centimètres de la face interne de la jambe droite, dont la nature et la gravité concordent avec les circonstances de l'accident. M. A... produit des photographies du jour de son accident, montrant l'intervention des sapeurs-pompiers qui l'ont secouru à proximité immédiate de la borne en cause. Par ailleurs, l'attestation établie par un proche présent au moment des faits, qui ne saurait être écartée au seul motif de l'existence d'un lien familial avec la victime, apparaît suffisamment précise et en cohérence avec les déclarations du requérant. Dans ces conditions, les premiers juges ont pu estimer à bon droit que la matérialité des faits ainsi que le lien de causalité entre le dommage et l'ouvrage public devaient être regardés comme établis.

4. Il n'est pas contesté que la borne de distribution d'énergie électrique n'était pas utilisée en position fermée au moment de l'accident mais était relevée et que sa trappe était abaissée. La commune de l'Île Rousse ne démontre pas davantage en appel qu'en première instance l'entretien normal de cet ouvrage public et notamment la preuve que la borne avait été laissée ouverte en toute sécurité. Il n'est pas établi que l'endroit où était installée la borne n'était pas accessible aux usagers de la place publique, les photographies produites montrant par ailleurs que l'ouvrage était dépourvu d'un dispositif de signalisation ou de protection. Dans ces circonstances, la présence de cet ouvrage représentait un obstacle excédant ceux que doivent normalement s'attendre à rencontrer les usagers de cette place publique utilisée pour le marché de la commune. C'est par suite à bon droit que les premiers juges ont retenu que la responsabilité de la commune de l'Île Rousse était engagée du fait de ce défaut d'entretien normal.

5. En revanche, il résulte de l'instruction que l'accident a eu lieu en plein jour et que la borne escamotable qui était relevée était visible et pouvait être évitée par un piéton normalement attentif à sa marche. La place publique présentait à l'endroit litigieux un espace suffisant permettant de contourner l'obstacle. Ainsi, M. A..., s'il n'habitait pas les lieux, a commis une faute susceptible d'atténuer la responsabilité de la commune de l'Île Rousse. Par suite, les premiers juges ont fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en fixant à la moitié la part de cette faute d'inattention dans la survenance de l'accident.

Sur les préjudices :

6. Les souffrances endurées par l'intéressé ont été justement évaluées par le tribunal à 1 sur une échelle de 7 compte tenu des douleurs ressenties au mollet qui l'ont empêché de se déplacer pendant plusieurs jours. Dans ces conditions, en allouant une somme de 1 500 euros, soit 750 euros compte tenu du partage de responsabilité fixé au point 5, le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice de M. A....

7. En raison de la présence d'une cicatrice sur la jambe droite d'une longueur de 10 centimètres, les premiers juges ont évalué le préjudice esthétique de la victime à 1 sur une échelle de 7. En lui accordant à ce titre une somme de 500 euros, soit 250 euros compte tenu du partage de responsabilité, le tribunal n'a pas fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice.

8. Si le requérant justifie, par le carnet de plongée sous-marine produit, pratiquer cette activité sportive, il ressort de cette même pièce qu'il a repris l'exercice de ce sport dès le 1er novembre 2019, soit trois semaines après l'accident, puis de manière régulière les semaines suivantes. Dans ces conditions, M. A... n'établit pas la réalité de ce chef de préjudice, lequel doit être écarté.

9. Le requérant se prévaut que, lors de son accident, il effectuait un séjour de vacances en Corse. Il sollicite l'indemnisation du préjudice qu'il soutient avoir subi au titre de ses frais de séjour exposés entre le 27 septembre 2019 et le 13 octobre 2019, incluant le transport maritime et les nuits au camping. Cependant, il est constant, d'une part, que le requérant n'a pas, du fait de son accident, interrompu son séjour en Corse, d'autre part, que son accident a eu lieu la veille du retour à son domicile. Le préjudice financier allégué n'est dès lors pas établi.

10. S'agissant du préjudice moral de M. A... résultant de l'accident dont il a été victime, le tribunal administratif a effectué une juste appréciation de celui-ci en le fixant à la somme de 500 euros, soit 250 euros après prise en compte du partage de responsabilité.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia l'a reconnu partiellement responsable de son accident et a limité l'indemnité au versement de laquelle la commune de l'Île-Rousse a été condamnée à la somme de 1 250 euros.

12. Il résulte également de ce qui précède que les conclusions d'appel incident présentées à titre principal et subsidiaire par la commune de l'Île-Rousse doivent être rejetées.

Sur les dépens :

13. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées par le requérant tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de la commune de l'Île-Rousse doivent être rejetées.

Sur la déclaration d'arrêt commun :

14. Il y a lieu de déclarer le présent arrêt commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Var qui, régulièrement mise en cause dans la présente instance, n'a pas produit de mémoire.

Sur les frais liés au litige :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident ainsi que celles formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune de l'Île-Rousse sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la commune de l'Île-Rousse et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente assesseure,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2023.

2

N° 22MA00303


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00303
Date de la décision : 22/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CABINET MUSCATELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-09-22;22ma00303 ?
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