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14/09/2023 | FRANCE | N°21MA04462

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 14 septembre 2023, 21MA04462


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2018 par lequel le maire de Belcodène a délivré à M. B... A... un permis de construire pour la construction d'une maison individuelle avec garage sur un terrain cadastré section AC parcelles n° 118, 247 et 251 situé chemin du Coulet à Belcodène.

Par un jugement n° 1903356 du 20 septembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté.

Procédure devant l

a Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2021, la commune de Belcodène, représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2018 par lequel le maire de Belcodène a délivré à M. B... A... un permis de construire pour la construction d'une maison individuelle avec garage sur un terrain cadastré section AC parcelles n° 118, 247 et 251 situé chemin du Coulet à Belcodène.

Par un jugement n° 1903356 du 20 septembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2021, la commune de Belcodène, représentée par Me Andreani, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 septembre 2021 ;

2°) de rejeter le déféré à l'encontre de l'arrêté du 25 octobre 2018, le cas échéant après application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

3°) subsidiairement, d'ordonner une expertise aux fins qu'il se prononce factuellement, sur l'intensité du risque de feu de forêt existant éventuellement sur le terrain du projet, et sur les préconisations constructives pouvant éventuellement diminuer ce risque ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à supposer que le tribunal se soit prononcé sur la base d'un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône portant délégation de signature à M. Nicolas Dufaud, secrétaire général adjoint de la préfecture, revêtu de la signature manuscrite du préfet, il n'a pas soumis cette pièce au contradictoire et a dès lors méconnu les dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative ; dans le cas où il se serait prononcé sur la base de l'arrêté du 14 novembre 2018, figurant au recueil des actes administratifs dématérialisé, publié sur le site Internet de la préfecture, cet arrêté ne saurait valablement emporter délégation, dès lors qu'il ne comporte pas la mention manuscrite de son auteur, mais uniquement la mention " signé " ; la requête du préfet des Bouches-du-Rhône était en conséquence irrecevable ;

- l'arrêté du 14 novembre 2018 portant délégation de signature à M. Nicolas Dufaud n'a pas fait l'objet d'une publicité suffisante, qui s'est limitée à une publication sur internet, à l'exclusion d'une publication sur un support papier, et n'est dès lors pas entré en vigueur ;

- l'arrêté du 25 octobre 2018 accordant le permis litigieux ne méconnaît pas l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que l'intensité du risque d'incendie sur l'emplacement de la maison objet de ce permis n'est pas telle que toute construction devrait y être interdite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Andreani, représentant la commune de Belcodène.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 25 octobre 2018, le maire de la commune de Belcodène a délivré à M. B... A... un permis de construire pour la construction d'une maison individuelle avec garage sur un terrain cadastré section AC parcelles n° 118, 247 et 251 situé chemin du Coulet à Belcodène. Le préfet des Bouches-du-Rhône a déféré cet arrêté au tribunal administratif de Marseille aux fins d'annulation aux motifs de l'absence d'autorisation de défrichement préalable et d'une exposition exceptionnelle au risque de feu, en méconnaissance respectivement des dispositions des articles L. 425-6 et R. 111-2 du code de l'urbanisme. La commune de Belcodène relève appel du jugement du 6 septembre 2021 du tribunal administratif de Marseille qui a annulé cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. (...) "

3. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal s'est prononcé, à l'égard du moyen tiré de l'incompétence du signataire de la requête qui lui a été présentée, au regard de l'exemplaire de l'arrêté du 14 novembre 2018 portant délégation de signature à M. Nicolas Dufaud publié sur le site internet de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Le moyen tiré de ce que le tribunal aurait méconnu les dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative, en ne communiquant pas l'original de cet arrêté revêtu de la signature manuscrite du préfet, ne peut ainsi qu'être écarté comme manquant en fait.

Sur la recevabilité de la requête de première instance :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 200-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Pour l'application du présent livre, on entend par actes les actes administratifs unilatéraux décisoires et non décisoires. / Les actes administratifs unilatéraux décisoires comprennent les actes réglementaires, les actes individuels et les autres actes décisoires non réglementaires. Ils peuvent être également désignés sous le terme de décisions, ou selon le cas, sous les expressions de décisions réglementaires, de décisions individuelles et de décisions ni réglementaires ni individuelles. " Aux termes de l'article L. 212-1 du même code : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. "

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d'une publication ou d'un affichage, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables. ".

6. Par un arrêté du 14 novembre 2018, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture des Bouches-du-Rhône du même jour, le préfet des Bouches-du-Rhône a donné délégation à M. Nicolas Dufaud, secrétaire général adjoint de la préfecture, à l'effet de signer, en cette qualité, tous actes, arrêtés, décisions, circulaires, rapports et correspondances relevant des attributions de l'État dans le département des Bouches-du-Rhône, sous réserve d'exceptions au nombre desquelles les déférés des actes des collectivités territoriales devant les juridictions administratives à la suite de l'exercice du contrôle de légalité ne figurent pas. Si l'exemplaire de cet arrêté publié sur le site internet de la préfecture ne comporte pas la signature manuscrite du préfet, il vise le décret du 22 novembre 2017 portant sa nomination en qualité de préfet de la Région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, préfet de la Zone de défense et préfet des Bouches-du-Rhône, et porte la mention " signé " au-dessus de sa qualité et de ses nom et prénom. La seule circonstance que cette reproduction ne comporte pas la signature du préfet n'est pas de nature à faire regarder l'original comme ayant été pris en violation des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration précité. En outre, il est constant que cet arrêté du 14 novembre 2018 est librement et aisément consultable à partir du site internet de la préfecture. Dès lors et en l'absence de disposition prévoyant des modalités particulières de publication de ce type d'arrêté, il a fait l'objet d'une publicité adéquate et suffisante au sens des dispositions de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de qualité pour agir du signataire du déféré devant le tribunal administratif de Marseille et du recours gracieux qui l'a précédé doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

7. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un acte intervenu en matière d'urbanisme en retenant un ou plusieurs moyens, de se prononcer expressément sur le bien-fondé des différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui, afin d'apprécier si ce moyen ou l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance.

8. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. " Les risques d'atteinte à la sécurité publique qui, en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, justifient le refus d'un permis de construire ou son octroi sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

9. Il ressort des pièces du dossier que le projet de construction objet du permis litigieux est implanté sur un terrain situé en grande majorité dans une zone présentant un risque exceptionnel d'exposition aux feux de forêt, impliquant, selon le plan local d'urbanisme de la commune de Belcodène adopté le 19 décembre 2017, l'interdiction de toute nouvelle construction. Il n'est pas sérieusement contesté que cette zone a connu de nombreux départs de feu, alors que ce terrain se trouve dans le prolongement direct d'un massif forestier, et est largement boisé. Ainsi que le relève le jugement attaqué, qui n'est pas davantage sérieusement contesté sur ce point, sur la base du dossier du permis litigieux, la zone boisée dans laquelle se situe ce terrain ne comporte aucune construction au Nord et au Sud, et ne se trouve à proximité que d'une seule habitation à l'Est et de quelques habitations isolées à l'Ouest, au sein d'une couverture végétale dense, essentiellement composée de pins d'Alep. Si le rapport d'expertise du 3 juin 2020 produit par la commune, qui conclut à un risque " moyen " d'exposition au feu, affirme que la densification de l'habitat serait de nature à réduire ce risque, il ne justifie pas cette affirmation, alors précisément que l'interdiction de toute construction prescrite par le plan local d'urbanisme de la commune de Belcodène dans ce type de zone, à la suite du " porter à connaissance " que lui a adressé le préfet des Bouches-du-Rhône dans le cadre de son élaboration, a précisément pour objectif de réduire le nombre de personnes exposées au risque. L'annexe à ce rapport relative aux départs de feux dans ce secteur confirme d'ailleurs l'existence de passage de feux de forêt au Nord, à l'Est et à l'Ouest de cette zone. De même, si ce rapport fait état des facilités d'accès des engins de secours et de la conformité des installations de défense extérieure contre l'incendie (DECI), du fait de la présence de deux bornes d'incendie d'un débit de 60 m3/h, située l'une à 325 mètres et l'autre à 425 mètres du terrain sur lequel le permis litigieux a été accordé, ces installations ne sont pas, comme le relève également le jugement attaqué, de nature à diminuer l'exposition au risque d'incendie, compte tenu en particulier de leur éloignement de la construction projetée. La commune de Belcodène n'est donc pas fondée à exciper de l'illégalité du plan local d'urbanisme de la commune en ce qui concerne le classement du terrain d'assiette en zone rouge où est interdite toute nouvelle construction. Dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise, la commune de Belcodène n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 25 octobre 2018.

Sur l'application des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

10. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce (...) ". Selon l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux (...) ".

11. Le vice affectant le permis litigieux, qui résulte de l'implantation même du projet au sein d'une zone exposée à un risque exceptionnel de feu de forêt, n'est pas susceptible de faire l'objet d'une régularisation. Dans ces conditions, et ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la commune de Belcodène au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E

Article 1er : La requête de la commune de Belcodène est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Belcodène et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 31 août 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. C..., vice-président,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 septembre 2023.

N° 21MA04462 2

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04462
Date de la décision : 14/09/2023
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-03-03-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Légalité interne du permis de construire. - Légalité au regard de la réglementation nationale. - Dispositions législatives du code de l'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : SELARL ANDREANI-HUMBERT-COLLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-09-14;21ma04462 ?
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