Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 21 juin 2022, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination.
Par un jugement n° 2203437 du 7 décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Proton de la Chapelle, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 7 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. A... un titre de séjour l'autorisant à travailler sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il travaille dans la restauration sur un poste qui figure sur la liste des métiers en tension de l'annexe IV de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006.
Un courrier du 24 février 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 612-3 alinéa 3 du code de justice administrative les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas produit d'écritures en défense.
Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 5 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal, relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar le 1er août 1995 ;
- l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,
- et les observations de Me Proton de la Chapelle, pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 21 juin 2022, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale et du travail que lui avait présentée M. A..., ressortissant sénégalais, et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. A... relève appel du jugement du 7 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Pour refuser l'admission exceptionnelle au séjour de M. A..., le préfet a relevé qu'il ne démontrait pas être présent depuis plus de dix ans, notamment en 2011, 2012 et 2013 et a considéré, d'une part, que son épouse et ses deux enfants demeuraient au Sénégal, et qu'il ne justifiait donc pas de motifs d'admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale et, d'autre part, qu'il ne justifiait pas d'une insertion sociale et professionnelle permettant une admission exceptionnelle au séjour par le travail.
3. En premier lieu, selon le paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006 entre la France et le Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail / Soit la mention " vie privée et familiale s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels. ". L'article L. 435-1 du code de l'entre et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. ".
4. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" est envisageable. Un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat ne saurait être regardé, par principe, comme attestant des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et recensés comme tels - de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France - peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour. Le dispositif de régularisation institué à l'article L. 435-1 ne peut être regardé comme dispensant d'obtenir l'autorisation de travail, exigée par le 2° de l'article L. 5221-2 du code du travail, avant que ne soit exercée une activité professionnelle. Cependant, la procédure permettant d'obtenir une carte de séjour pour motif exceptionnel est distincte de celle de l'article L. 5221-2 de sorte qu'il n'est pas nécessaire que l'autorisation de travail soit délivrée préalablement à ce qu'il soit statué sur la délivrance de la carte de séjour temporaire. La demande d'autorisation de travail pourra donc être présentée auprès de l'administration compétente lorsque l'étranger disposera d'un récépissé de demande de titre de séjour ou même de la carte sollicitée.
5. D'une part, M. A... qui soutient être présent en France de manière continue depuis 2011 ne le démontre, qu'à compter de fin 2013 par les nombreuses pièces qu'il produit, d'origine notamment médicale et bancaire, alors au surplus qu'il justifie avoir bénéficié de l'aide médicale d'Etat (AME) sur les périodes du 5 décembre 2013 au 5 décembre 2014, puis du 5 décembre 2015 au 5 décembre 2016 et du 6 décembre 2017 au 5 décembre 2018, et du 6 décembre 2019 au 6 décembre 2021. Il se prévaut en outre de multiples factures d'électricité à son nom établies depuis 2016 pour un logement dont il bénéficie 27, rue des Revennes à Antibes. Sa présence sur le territoire national peut donc être regardée comme établie depuis fin 2013 soit depuis plus de huit ans à la date de la décision attaquée. Toutefois malgré la durée de sa présence en France, il ne justifie pas par la seule production d'un bail d'habitation pour un studio depuis 2016 et de plusieurs attestations amicales, de collègues de travail ou de voisins avoir fixé le centre de ses intérêts privés en France alors que son épouse, quand bien même il en est séparé, et ses deux enfants, demeurent au Sénégal. Dans ces conditions, le préfet a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, estimer que le requérant ne faisait état d'aucun motif exceptionnel justifiant la régularisation de sa situation par la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", la durée du séjour ne relevant pas de tels motifs.
6. D'autre part, M. A... sollicite son admission exceptionnelle au séjour par le travail en se prévalant de son expérience comme " employé polyvalent de la restauration ", métier qui figure à l'annexe IV de l'accord franco-sénégalais cité au point 3. Toutefois, s'il justifie avoir bénéficié de plusieurs contrats de travail, notamment saisonniers, dans le secteur de la restauration, en qualité de " plongeur " d'avril à décembre 2014, de janvier à décembre 2015, de janvier à décembre 2016, de janvier 2017 à décembre 2017, puis du 4 juin 2018 au 31 juillet 2018, de mai 2019 à septembre 2019, en juin et juillet 2020, en mai et juin 2021 puis à compter du 1er février 2022, mais aussi en qualité d' " employé polyvalent " en août 2019, d'" aide-cuisine-plongeur " du 10 septembre 2019 au 28 janvier 2020, d' " extra " en juillet 2020,de " plongeur commis " en mars 2020, d' " extra-plongeur-commis " ou de " plongeur-commis " en mai et juin 2021 de "plongeur- employé polyvalent- aide-cuisinier " du 1er juillet 2021 au 23 février 2022, outre un contrat de travail pour un emploi de commercial à Intermarché du 15 décembre 2020 au 30 janvier 2021, ces circonstances ne sont pas suffisantes pour caractériser une expérience en qualité d' " employé polyvalent de la restauration " et justifier ainsi d'un motif d'admission exceptionnel au séjour, au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ".
7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". L'article 13 de la convention franco-sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Dakar le 1er août 1995 stipule que : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. ". L'article L. 423-23 du code de l'entre et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
8. Pour les mêmes motifs que ceux développés au point 5, la décision portant refus de séjour n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Le requérant ne peut en revanche utilement soutenir que le préfet a méconnu l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne constitue pas le fondement de sa demande.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 28 août 2023, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président de chambre,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 septembre 2023.
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N° 23MA00050