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11/09/2023 | FRANCE | N°22MA02760

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 11 septembre 2023, 22MA02760


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2021, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2201035 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requêt

e et un mémoire, enregistrés le 8 novembre 2022 et le 9 août 2023, M. A..., représenté par Me Chart...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2021, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2201035 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 novembre 2022 et le 9 août 2023, M. A..., représenté par Me Chartier, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 mai 2022;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours suivant notification de la décision à intervenir, et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois suivant notification de la décision à intervenir, et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour sans délai sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône est entaché d'un défaut d'examen ;

- en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade alors qu'il souffre d'une pathologie dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et alors qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du 9° de l'article L.611-3 du même code ;

- le préfet a également méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ainsi que des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté en litige sur sa situation personnelle et médicale ;

- et en outre, la substitution évoquée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas envisageable dès lors que son médecin a souligné le caractère hasardeux de toute substitution et le risque de l'absence de suivi et du contrôle nécessaires dans cette phase de substitution dans son pays d'origine.

Par un mémoire enregistré le 10 juillet 2023, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a produit des observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 9 janvier 2001 à Conakry, de nationalité guinéenne, est entré en France le 20 avril 2017. En sa qualité de mineur non accompagné, il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance. Le 5 juin 2019, il s'est vu délivrer un titre de séjour " étudiant ", valable jusqu'au 4 juin 2020. Le 9 décembre 2020, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11, devenu L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 6 juillet 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. M. A... a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par le jugement du 8 novembre 2022, le tribunal administratif a rejeté cette demande. M. A... fait appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des mentions de l'arrêté attaqué, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier des circonstances de l'espèce et aurait ainsi entaché ses décisions d'erreur de droit.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ".

4. Pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. Pour refuser de délivrer à M. A... le titre de séjour sollicité en raison de son état de santé, ainsi que le tribunal l'a relevé, le préfet s'est approprié l'avis du collège de médecins en date du 16 avril 2021 selon lequel si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, et vers lequel il peut voyager sans risque médical, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre de " troubles psychotique aigu d'allure schizophrénique ". Ce dernier soutient que son traitement, composé de Xéplion (paliperidone), n'est pas disponible en Guinée, où, en outre, il ne pourrait pas bénéficier d'un suivi médical par un psychiatre et que la Guinée souffre d'un manque de psychologues et de structures de soins adaptées à la prise en charge des maladies psychiatriques. Il fait valoir que son médecin psychiatre a attesté, dans un courrier du 5 avril 2022, que la substitution hasardeuse de son traitement actuel et la rupture de continuité des soins l'exposerait à un risque accru de décompensation psychotique aux conséquences imprévisibles. Il produit également le rapport établi par l'organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) actualisé en juillet 2016 faisant état de ce que la Guinée ne compte que dix à onze psychologues et quatre psychiatres. Néanmoins, l'Office français de l'immigration et de l'intégration fait valoir que, si les données sont contradictoires sur la disponibilité du traitement que suit l'intéressé, la palipéridone, il existe un médicament de substitution, la rispéridone, et il verse des documents et études en attestant. Ces éléments montrent également que ces deux neuroleptiques sont équivalents et peuvent être substitués l'un à l'autre. S'agissant de son suivi psychologique, l'Office se prévaut de ce que la consultation de la base de données " MEDCOI " établie et mise à la disposition des Etats membres par l'Agence de l'Union Européenne pour l'asile, atteste de ce que les ressources sanitaires de la République de Guinée permettent aux patients de disposer d'une prise en charge globale de leur maladie sans risque majoré de conséquences d'une exceptionnelle gravité par rapport à la prise en charge en France. Dans ces conditions, c'est sans méconnaître les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité que le préfet des Bouches-du-Rhône, éclairé par l'avis du collège des médecins, a pu estimer que M. A... pouvait effectivement bénéficier du traitement qu'il doit suivre en cas de retour dans son pays d'origine.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.et l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.".

7. Le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux vus au point précédent.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., âgé de 20 ans, célibataire et sans charge de famille, résidait en France depuis seulement quatre ans à la date de la décision attaquée. Par ailleurs, la nécessité de demeurer sur le territoire français en raison de son état de santé, n'est pas démontrée par les certificats médicaux qu'il produit ni par les éléments dont il se prévaut. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier qu'il a suivi une scolarité en France de son arrivée à novembre 2019, notamment en apprentissage, et qu'il a suivi des cours de français, ces seuls éléments ne permettent pas d'établir que l'intéressé aurait désormais fixé en France le centre de ses attaches familiales et personnelles. Dans ces circonstances, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...). "

11. En se bornant à faire état de son parcours migratoire particulier, de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur non accompagné, de sa scolarité en France et de sa volonté d'insertion professionnelle et de son état de santé ayant conduit à l'interruption de sa scolarité, l'appelant ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1. Ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu ces dispositions ou commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté en litige sur sa situation personnelle et médicale.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. A..., sur le fondement de cet article et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, dirigées contre l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D É C I D E :

Article 1 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Chartier.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 août 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 septembre 2023.

2

No 22MA02760


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02760
Date de la décision : 11/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : CHARTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-09-11;22ma02760 ?
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