Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui payer la somme de 50 000 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite d'une intervention chirurgicale réalisée le 4 novembre 2011 à l'hôpital d'instruction des armées Sainte Anne de Toulon.
Avant de statuer sur cette demande, le tribunal administratif de Toulon a, par un jugement avant dire droit du 20 juillet 2020, ordonné une mesure d'expertise en vue de déterminer si cette opération a été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science médicale, si les séquelles subies proviennent d'une faute commise dans l'accomplissement de l'opération ou s'il s'agit d'un aléa thérapeutique, si Mme D... a bénéficié des informations prévues à l'article L. 111-2 du code de la santé publique, de déterminer le taux de perte de chance d'éviter les séquelles de l'intervention et de décrire les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux subies par la requérante.
Le rapport d'expertise, établi par le docteur G... B..., a été déposé au greffe du tribunal le 11 janvier 2021.
Mme D... a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, de condamner solidairement l'Etat et le docteur A... à lui payer la somme de 111 085 euros, à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 103 085 euros.
Par un jugement n° 1802875 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de Mme D... et mis les frais d'expertise à sa charge.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 décembre 2021 et le 22 septembre 2022, Mme D..., représentée par Me Dragone, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 octobre 2021 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) à titre principal, de condamner solidairement l'Etat et le docteur A... à lui payer la somme totale de 111 085 euros et de mettre à leur charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens ;
3°) à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 103 085 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur sa demande tendant à la réparation du préjudice d'impréparation ;
- l'hôpital ne fournit pas la preuve de ce qu'elle aurait signé un formulaire attestant de son consentement à l'intervention réalisée, pour laquelle elle n'avait en outre pas été informée des risques neurologiques ;
- en choisissant de réaliser une intervention sous-cutanée et en ôtant le drain alors qu'étaient présents un œdème ou un hématome, l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne a commis des fautes lors de l'opération réalisée le 4 novembre 2011 ;
- en application de la jurisprudence du conseil d'Etat dite Brugnot, elle a également le droit d'obtenir la condamnation de l'Etat à réparer la part de ses préjudices non couverte par la pension militaire, en raison d'une pathologie imputable au service ;
- elle a droit à réparation au titre de la solidarité nationale dès lors que le dommage qu'elle a subi est grave et anormal ;
- elle a droit à réparation de ses préjudices aux montants suivants :
* au titre du préjudice d'impréparation : 8 000 euros ;
* au titre de la perte de chance d'éviter une seconde intervention chirurgicale : 8 000 euros ;
* au titre du déficit temporaire : 2 646 euros ;
* au titre des souffrances endurées : 10 000 euros ;
* au titre du préjudice esthétique temporaire : 4 000 euros ;
* au titre du préjudice esthétique permanent : 4 000 euros ;
* au titre du déficit fonctionnel permanent : 13 000 euros ;
* au titre des pertes de gains futurs : 30 985 euros ;
* au titre de l'incidence professionnelle : 30 000 euros ;
* au titre des frais de médecin conseil : 450 euros.
Par un mémoire, enregistré le 12 septembre 2022, l'ONIAM, représenté par Me de la Grange, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les seuils de gravité nécessaires à son intervention au titre de la solidarité nationale ne sont pas atteints.
La clôture de l'instruction a été fixée au 4 novembre 2022, par une ordonnance du même jour.
Le ministre des armées a produit un mémoire, enregistré le 4 novembre 2022, qui n'a pas été communiqué.
La procédure a été communiquée à la caisse nationale militaire de sécurité sociale qui n'a pas produit de mémoire.
Par lettre du 25 mai 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions de Mme D... dirigées contre le docteur F... A... doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, dès lors que la victime d'un dommage causé par un agent public dans l'exercice de ses fonctions a la possibilité d'engager une action en réparation en recherchant, en cas de faute personnelle détachable de l'exercice des fonctions, la responsabilité de l'agent concerné devant le juge judiciaire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Recrutée sous contrat au sein du 54ème régiment d'artillerie d'Hyères à compter du mois de décembre 2010, Mme D..., souffrant presque immédiatement de douleurs aux deux jambes, particulièrement à l'effort, s'est vu diagnostiquer un syndrome des loges chronique bilatéral. Le 4 novembre 2011, elle a subi à l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Sainte-Anne de Toulon une aponévrotomie des quatre loges. Estimant avoir subi des dommages du fait de cette intervention, elle a sollicité auprès du ministre des armées une indemnisation que celui-ci lui a refusé. Mme D... a alors saisi le tribunal administratif de Toulon qui a d'abord désigné le docteur B... en qualité d'expert puis rejeté sa demande d'indemnisation par un jugement du 21 octobre 2021. Mme D... relève appel de ce jugement et demande à la cour, à titre principal, de condamner solidairement l'Etat et le docteur A... à réparer les préjudices subis, à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'ONIAM la réparation desdits préjudices.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont omis de se prononcer sur le préjudice d'impréparation que la requérante soutenait devant eux avoir subi. Il doit, par conséquent, être annulé dans cette mesure. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur ce point et de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur le surplus des conclusions de la requête.
Sur les conclusions dirigées contre le docteur A... :
3. La victime d'un dommage causé par un agent public dans l'exercice de ses fonctions a la possibilité d'engager une action en réparation en recherchant soit la responsabilité de l'administration pour faute de service devant le juge administratif, soit, en cas de faute personnelle détachable de l'exercice des fonctions, la responsabilité de l'agent concerné devant le juge judiciaire. Par suite, les conclusions de Mme D... dirigées contre le docteur A... doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Sur les conclusions dirigées contre l'Etat :
En ce qui concerne les obligations d'information et de consentement de la patiente :
4. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ".
5. D'une part, il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.
6. D'autre part, en cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.
7. Enfin, indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.
8. En l'espèce, il résulte de l'instruction que Mme D... a présenté dans les suites immédiates de l'intervention réalisée le 4 novembre 2011 une atteinte du nerf plantaire, en particulier du nerf plantaire médial, qui a entraîné une perte de sensibilité de la plante du pied et une paralysie de l'adduction du gros orteil et des trois premiers interosseux.
9. Le rapport d'expertise du docteur B..., se fondant sur un courrier daté du 4 juillet 2011 qui n'est pas versé aux débats par le ministre et dont il est constant qu'il n'a pas été débattu au cours des opérations d'expertise, indique que les risques neurologiques présentés par l'intervention en cause ont été expliqués à Mme D... par le Dr C.... Ces éléments sont toutefois insuffisants pour justifier que l'intéressée a été informée des risques présentés par l'intervention chirurgicale à laquelle elle allait se soumettre alors que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que, le 12 juillet 2011, le docteur C... l'a confiée au docteur A..., praticien hospitalier exerçant à l'HIA Sainte Anne à Toulon qui, le 22 août 2011, l'a reçue en consultation et a programmé l'intervention pour aponévrotomie des quatre loges bilatérales et qu'il n'est pas contesté par le ministre qu'aucune information sur les risques n'a été délivrée à l'intéressée à cette occasion.
10. Dans ces conditions, Mme D... est en droit d'obtenir réparation des troubles qu'elle a subis dans la mesure où elle n'a pas pu se préparer psychologiquement aux risques liés à la paralysie dont elle a été victime et qui se sont produits. Il sera fait une juste appréciation du préjudice qui en a découlé en condamnant l'Etat à lui payer la somme de 2 000 euros.
11. En revanche, elle ne saurait obtenir réparation d'une perte de chance d'éviter la seconde intervention chirurgicale, réalisée le 25 mars 2013, qui est sans lien avec le fondement de responsabilité invoqué, celle-ci ayant d'ailleurs pour objet de remédier non pas aux conséquences des complications issues de l'intervention du 4 novembre 2011, mais à l'échec thérapeutique de celle-ci, s'agissant de la seule guérison du syndrome des loges chroniques dont l'intéressée était atteinte.
En ce qui concerne la réalisation des actes de prévention, de diagnostic et de soins :
12. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".
13. Il résulte de l'instruction, notamment du compte-rendu d'hospitalisation auquel elle a donné lieu, que lors de l'intervention pratiquée le 4 novembre 2011, il a été procédé à quatre incisions de part et d'autre de la jambe gauche et trois à la jambe droite, puis à la libération des aponévroses aux longs ciseaux de Metzenbaum puis à l'observation de la libération des loges, à la mise en place de deux redons et, enfin, à la fermeture. L'expert désigné par le tribunal estime que la décompression chirurgicale par aponévrotomie sous-cutanée qui a été pratiquée était le seul moyen de réduire la pression à l'intérieur d'une loge et de préserver la viabilité des tissus et demeure la méthode la plus couramment pratiquée. Il explique que les séquelles neurologiques présentées par Mme D... sont dues à une compression du nerf plantaire médial au niveau de la partie interne du talon par l'œdème postopératoire, qui est apparu rapidement.
14. La requérante se prévaut d'un rapport d'expertise rédigé de manière non contradictoire par un expert près le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille, qui indique qu'il " fallait refuser le geste sous-cutané ", qu'il aurait fallu intervenir par les voies longitudinales antéro-externes et postéro-internes et " s'interdire de procéder à la fermeture cutanée ". Ce rapport n'explique toutefois pas les raisons pour lesquelles les modalités réalisées lors de l'intervention litigieuses auraient été fautives. De plus, il indique lui-même que son indication est " peut-être excessive " et qu'elle ne se justifie qu'au regard des séquelles présentées par la patiente. Cette analyse rétrospective, qui déduit la faute du dommage, n'est pas de nature à démontrer que l'indication opératoire choisie en l'espèce n'était pas conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science. De même et ainsi que l'a justement retenu le tribunal, si Mme D... soutient que le service hospitalier aurait ôté les drains trop tôt avant la résorption de l'hématome, elle se borne à de simples allégations insuffisamment étayées par la seule documentation médicale d'ordre général sur le drainage qu'elle verse aux débats, tandis qu'aucune faute médicale sur ce point n'est identifiée par le rapport d'expertise judiciaire, ni du reste par l'auteur de l'analyse non contradictoire qu'elle verse aux débats.
15. Il résulte de tout ce qui précède que, comme l'a exactement jugé le tribunal, Mme D... n'est pas fondée à engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement des dispositions citées au point 12.
En ce qui concerne la demande d'indemnisation faite au titre de la maladie contractée en service :
16. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Ces dispositions, qui déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un militaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, ne font pas obstacle à ce que le militaire, qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de l'Etat qui l'emploie, même en l'absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique. Elles ne font pas plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité.
17. D'autre part, aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " I. Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'à l'exception des matières qu'elles ont entendu écarter expressément de la procédure du recours préalable obligatoire, la saisine de la commission des recours des militaires instituée par le décret du 7 mai 2001 s'impose à peine d'irrecevabilité d'un recours contentieux, formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle, que ce recours tende à l'annulation d'une décision ou à l'octroi d'une indemnité à la suite d'une décision préalable ayant lié le contentieux.
18. Dans sa réclamation préalable datée du 9 février 2016 et son recours gracieux daté du 24 avril 2018, Mme D... a demandé au ministre des armées réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis à l'occasion de l'intervention chirurgicale réalisée le 4 novembre 2011 à l'HIA Sainte-Anne de Toulon. Elle doit ainsi être regardée comme ayant sollicité une indemnisation de droit commun, en sa qualité d'usagère du service public hospitalier. En sollicitant pour la première fois devant le tribunal administratif de Toulon une indemnité au titre d'une blessure contractée du fait du service, Mme D... doit, en revanche, être regardée comme formant, en sa qualité de militaire, un recours relatif à sa situation personnelle. Le ministre faisant toutefois valoir sans être contesté que le recours présenté à ce titre par Mme D... n'a pas été précédé de la saisine de la commission des recours des militaires, il s'ensuit que, comme le ministre le faisait valoir en défense dans ses écritures produites en première instance, la demande de Mme D... est irrecevable sur ce point.
Sur les conclusions dirigées contre l'ONIAM :
19. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. ".
En ce qui concerne la condition d'anormalité :
20. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, qu'en l'absence de chirurgie, le syndrome chronique des loges dont souffrait Mme D... aurait eu tendance à s'aggraver avec une augmentation de la pression dans la loge musculaire et à entrainer un début d'ischémie, et dans de plus rares proportions un déficit neurologique. A la suite de l'intervention chirurgicale pratiquée le 4 novembre 2011, Mme D... a entraîné une perte de sensibilité de la plante du pied et une paralysie de l'adduction du gros orteil et des trois premiers interosseux, ce qui représentait d'ailleurs un risque de moins de 1 % selon la littérature médicale. Il s'en suit que, et ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, l'intervention chirurgicale pratiquée le 4 novembre 2011 a entraîné pour Mme D... des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles celle-ci était exposée de manière suffisamment probable en l'absence de traitement, ce qui n'est pas contesté par l'ONIAM.
En ce qui concerne la condition de gravité :
21. Mme D... fait valoir que, le 27 juin 2015, parvenant au terme du congé complémentaire de reconversion, elle a été radiée des contrôles d'office en raison de ses inaptitudes à la station debout prolongée, au port de charges supérieures à cinq kilogrammes et à la course à pied. Toutefois, si l'expert commis par le tribunal indique dans son rapport qu'en cas d'évolution normale de son état de santé, postérieurement à l'intervention du 4 novembre 2011, la patiente aurait pu obtenir une guérison en 4 à 6 mois, avec possibilité de reprendre ensuite son activité professionnelle, il y précise cependant que " cette incidence professionnelle de l'accroissement de la pénibilité est imputable principalement à son état antérieur de syndrome chronique des loges et seulement en petite partie (20 %) au dommage séquellaire du pied droit. ". Il résulte d'ailleurs de l'instruction que Mme D... a présenté, peu de temps après son engagement au mois de décembre 2010, des douleurs aux deux jambes devenant progressivement invalidantes. En outre, si Mme D... soutient que l'expert relève que la chirurgie pratiquée présente un taux de guérison ou d'amélioration significative atteignant généralement 85 à 90 %, il en résulte que l'échec thérapeutique n'est pas exclu. Par suite, les douleurs de Mme D... doivent être regardées comme résultant de l'évolution d'un état antérieur auquel l'intervention qu'elle a subie n'a pu remédier. Par conséquent, la persistance des douleurs qui avaient justifié l'intervention du 4 novembre 2011 entraînait à elle seule la cessation des activités professionnelles de la requérante. Dès lors, celle-ci, qui ne conteste pas en appel ne pas satisfaire aux autres hypothèses énoncées par les dispositions de l'article D. 1142-1 cité au point précédent, n'est pas fondée à prétendre à une indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, ainsi que l'avait jugé à bon droit le tribunal.
22. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande, d'autre part, que l'Etat doit être condamné à payer à Mme D... une somme de 2 000 euros. Il y a lieu, par contre, de rejeter le surplus de ses conclusions indemnitaires.
Sur les frais d'expertise :
23. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment et contrairement à ce qu'avait jugé le tribunal, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 269,85 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Toulon, à la charge de l'Etat.
Sur la déclaration d'arrêt commun :
24. Il y a lieu de déclarer le présent arrêt commun à la caisse nationale militaire de sécurité sociale qui, régulièrement mise en cause dans la présente instance, n'a pas produit de mémoire.
Sur les frais liés au litige :
25. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les conclusions faites à ce même titre par l'ONIAM.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 21 octobre 2021 du tribunal administratif de Toulon est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur le préjudice d'impréparation invoqué par Mme D....
Article 2 : Les conclusions de Mme D... dirigées contre le docteur A... doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : L'Etat est condamné à payer à Mme D... une somme de 2 000 euros.
Article 4 : L'Etat versera à Mme D... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 269,85 euros, sont mis à la charge définitive de l'Etat.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties à l'instance est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse nationale militaire de sécurité sociale.
Article 8 : Le présent jugement sera notifié à Mme E... D..., au ministre des armées, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2023 où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- M. Mahmouti, premier conseiller,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juillet 2023.
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N° 21MA04810
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