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13/07/2023 | FRANCE | N°21MA03020

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 13 juillet 2023, 21MA03020


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Cannes 2 Wheels a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercice clos en 2011 et 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, des pénalités correspondantes et de l'amende dont l'administration fiscale a fait applicat

ion sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Cannes 2 Wheels a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercice clos en 2011 et 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, des pénalités correspondantes et de l'amende dont l'administration fiscale a fait application sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1904056 du 21 mai 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2021, l'EURL Cannes 2 Wheels, représentée par Me Valli, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 mai 2021 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et majorations en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas mis en œuvre ses pouvoirs d'instruction afin d'obtenir la communication d'une pièce et a fait une mauvaise appréciation des faits ;

- la reconstitution des recettes est radicalement viciée ;

- s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée, le service a comptabilisé des factures enregistrées en double ou relatives à certaines ventes de véhicules qui ont été annulées ;

- les factures comptabilisées en double ou annulées doivent être soustraites du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés ;

- les charges ont été justifiées auprès du service et elle produira l'attestation de son comptable ;

- elle a été obligée, pour honorer ses engagements auprès de ses clients, de consentir des ventes à perte ou à marge nulle concernant les véhicules de marque Piaggio ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carotenuto,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Cannes 2 Wheels, qui exerce l'activité d'achat-revente et de location de véhicules de deux roues, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, suivant la procédure de rectification contradictoire. L'EURL Cannes 2 Wheels relève appel du jugement du 21 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces suppléments d'imposition, des pénalités correspondantes et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, si l'EURL Cannes 2 Wheels soutient que les premiers juges ont méconnu leur office en s'abstenant de procéder à une mesure d'instruction afin que soit produite, dans le cadre de l'instance, l'attestation de son comptable, une telle mesure relève des pouvoirs propres du juge, à qui il appartient d'en apprécier l'opportunité, et il était, en tout état de cause, loisible à la société requérante de produire la pièce, en sa possession, dont elle se prévalait.

3. D'autre part, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. L'EURL Cannes 2 Wheels ne peut donc utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, de l'erreur d'appréciation des faits que les premiers juges auraient commise.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. A défaut de toute comptabilité probante, le vérificateur avait initialement reconstitué les recettes de l'entreprise à partir des factures d'achats des véhicules présentes dans la comptabilité et dont les numéros de série n'apparaissaient ni en ventes ni en stock. A partir des saisies des factures de vente de véhicules neufs, il avait évalué le taux moyen de marge à 17 %. Si la société requérante soutient que la méthode suivie par le vérificateur pour procéder à la reconstitution des recettes est radicalement viciée, ce moyen doit être écarté dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'entretien avec le supérieur hiérarchique, l'administration a abandonné les rectifications proposées à raison des omissions de recettes résultant de la reconstitution des recettes, soit 17 255 euros au titre de l'impôt sur les sociétés et 3 526 euros au titre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée collectée :

5. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ".

6. Il ressort des termes de la proposition de rectification du 20 décembre 2013 que le service vérificateur a relevé, lors des opérations de contrôle, que l'EURL Cannes 2 Wheels avait omis de déclarer la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur des prestations facturées au titre de la période en litige et qui n'avaient pas été inscrites en comptabilité. Si l'EURL Cannes 2 Wheels soutient que l'administration a pris en compte des factures enregistrées en double ou relatives à certaines ventes de véhicules qui ont été annulées, les seules pièces produites au dossier de première instance, à savoir un jugement du tribunal de commerce de Cannes du 14 février 2013 relatif à la résiliation de la vente d'un véhicule, des certificats provisoires et certificats d'immatriculation, des échanges de courriels avec des fournisseurs et des clients, un extrait du grand livre général pour les exercices en litige, la facture d'un fournisseur et la facture n° FA1105-0080 relative à la vente d'un véhicule Suzuki, ne permettent pas, ainsi que le relève l'administration, d'identifier les véhicules dont les ventes auraient été annulées ou qui n'auraient pas été livrées et d'établir que de la taxe sur la valeur ajoutée aurait été collectée à tort. Par ailleurs, concernant les factures n° FA1105-0080, FA1205-0413, FA1209-0603, FA1207-0496, FA1203-0335, FA1202-0328, FA1203-0338, FA1201-0305 et FA112-0297, l'administration expose, sans être contredite, qu'elles n'ont pas été remises en cause par le vérificateur. Par suite, l'EURL Cannes 2 Wheels n'est pas fondée à contester les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée en litige.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. (...) ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée.

8. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que l'EURL Cannes 2 Wheels n'est pas fondée à solliciter la réduction de son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés en raison des factures enregistrées en double ou relatives à certaines ventes de véhicules qui auraient été annulées.

9. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré dans la base imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2011 des sommes comptabilisées en tant que charges déductibles par l'EURL Cannes 2 Wheels, à hauteur de 35 490,60 euros, regardées comme n'ayant pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise, à défaut de justificatifs ou de démonstration de leur caractère professionnel. La société requérante se borne à faire valoir que, concernant le fournisseur Basoli pour lequel les factures ne sont pas justifiées, l'attestation de son comptable, au demeurant non produite, est " claire et précise " et que par ailleurs, les paiements des factures manquantes de ses fournisseurs ont été réalisés par " carte bancaire ou par virement " et " justifié[s] auprès du service ". Par suite, l'EURL Cannes 2 Wheels n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les sommes en litige ont été engagées dans l'intérêt de l'entreprise. C'est donc à bon droit que l'administration a estimé qu'elles ne constituaient pas des charges déductibles.

10. En second lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal. Ce principe ne peut, toutefois, recevoir application que dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui, dans le contentieux fiscal, gouvernent la charge de la preuve.

11. Il résulte de l'instruction que le vérificateur, après avoir procédé à une saisie exhaustive des factures d'achats et de ventes présentées, a constaté que l'EURL Cannes 2 Wheels avait réalisé des ventes, au titre des exercices 2011 et 2012, dont la marge était faible voire nulle et a considéré que la société s'était appauvrie à des fins étrangères à son intérêt. A la suite du recours hiérarchique, les rectifications ont été réduites à la somme de 2 685 euros concernant l'exercice 2011 et à la somme de 824 euros concernant l'exercice 2012. La société requérante, qui admet qu'elle a dû consentir des ventes à perte ou à marge nulle concernant les véhicules de marque Piaggio pour honorer ses engagements auprès de ses clients, ne justifie pas qu'il était de son intérêt d'y procéder. Par suite, l'administration fiscale a pu retenir que l'EURL Cannes 2 Wheels avait commis un acte anormal de gestion.

Sur les pénalités et l'amende :

12. En premier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

13. L'EURL Cannes 2 Wheels a entaché sa comptabilité d'insuffisances graves sur l'ensemble de la période vérifiée et a, de façon répétée, omis de déclarer la taxe sur la valeur ajoutée collectée et n'a pas justifié certaines charges. L'ensemble de ces constatations traduit une volonté délibérée d'éluder l'impôt, sans que la société requérante ne puisse utilement invoquer les insuffisances de son cabinet comptable et l'inexpérience de son gérant. Par suite, l'administration doit être regardée comme établissant le manquement délibéré de cette société, et, dès lors, le bien-fondé de l'application des pénalités prévues par le a de l'article 1729 du code général des impôts.

14. En second lieu, si la société requérante demande la décharge de l'amende qui lui a été infligée en application de l'article 1759 du code général des impôts, qui vise à sanctionner un manquement aux obligations résultant de l'article 117 du même code, elle ne soulève aucun moyen propre à l'égard de ces pénalités. Par suite, elle n'est pas fondée à en demander la décharge.

15. Il résulte de tout ce qui précède, que l'EURL Cannes 2 Wheels n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'EURL 2 Wheels est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Cannes 2 Wheels et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Carotenuto, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juillet 2023.

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N° 21MA03020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03020
Date de la décision : 13/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : VALLI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-07-13;21ma03020 ?
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