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07/07/2023 | FRANCE | N°21MA03457

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 07 juillet 2023, 21MA03457


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le directeur national du renseignement et des enquêtes douanières de la direction générale des douanes et droits indirects sur sa demande, reçue le 6 mars 2019, tendant à ce que lui soit accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle au titre d'un harcèlement moral, et, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de lui accorder la protection fonctionnelle et d'assurer

la prise en charge intégrale des frais et honoraires de justice engagés à ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le directeur national du renseignement et des enquêtes douanières de la direction générale des douanes et droits indirects sur sa demande, reçue le 6 mars 2019, tendant à ce que lui soit accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle au titre d'un harcèlement moral, et, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de lui accorder la protection fonctionnelle et d'assurer la prise en charge intégrale des frais et honoraires de justice engagés à ce titre.

Par un jugement n° 1903271 du 11 juin 2021, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite rejetant la demande de protection fonctionnelle de Mme A... et a enjoint au directeur national du renseignement et des enquêtes d'accorder à l'intéressée le bénéfice de la protection fonctionnelle dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête, enregistrée sous le n° 21MA03457 le 10 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance, demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1903271 du 11 juin 2021 du tribunal administratif de Nice et de rejeter la demande de Mme A....

Il soutient que :

- aucune méconnaissance des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne peut être reprochée à l'administration dès lors que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, Mme A... n'a pas été victime de faits de harcèlement moral ;

- en l'absence de tels agissements, il ne saurait être reproché à l'administration d'avoir rejeté la demande de protection fonctionnelle de l'intéressée et d'avoir méconnu l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- il en résulte que la demande de Mme A... tendant à l'indemnisation de son préjudice et à la prise en charge des frais de procédure dans le cadre de la protection fonctionnelle doit être rejetée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2023, Mme B... A..., représentée par Me Mazza, conclut :

1°) au rejet de la requête d'appel ;

2°) à ce qu'il soit enjoint à l'administration d'assurer la prise en charge de l'intégralité des frais et honoraires de procédure et la réparation intégrale du préjudice subi ;

3°) à la mise à la charge de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 28 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 avril 2023 à 12 heures.

II - Par une lettre, enregistrée le 21 février 2022 initialement sous le n° 22MA00655, complétée par une lettre du 5 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Mazza, demande à la Cour :

1°) d'ordonner l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nice n° 1903271 du 11 juin 2021 ;

2°) d'enjoindre au ministère de l'économie et des finances, au besoin sous astreinte de 100 euros par jour, de lui verser la somme de 15 088,25 euros au titre des frais et honoraires de procédure ainsi que la somme de 32 998,51 euros au titre de la réparation du préjudice subi pour les faits de harcèlement moral reconnus, au titre de la mise en œuvre de la protection fonctionnelle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Par courriers des 22 juin 2022 et 9 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la relance a fait connaître ses observations sur la demande d'exécution de Mme A....

Par une ordonnance du 22 février 2023, enregistrée sous le n° 21MA03457 puis sous le n° 23MA00513, la présidente de la Cour a, en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, procédé à l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tenant, dans l'hypothèse où, dans l'instance n° 21MA03457, la Cour annulerait le jugement attaqué, totalement ou en tant qu'il a enjoint au ministre d'accorder à Mme A... le bénéfice de la protection fonctionnelle, à ce que les conclusions à fin d'exécution de ce jugement présentées par cette dernière dans l'instance n° 23MA00513 seraient privées d'objet.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n°82-453 du 28 mai 1982 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Sanchez, substituant Me Mazza, représentant Mme A... et de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., contrôleur principal des douanes, a été affectée à l'antenne de Nice de la direction des opérations douanières le 31 décembre 2005. S'estimant victime de faits de harcèlement moral, elle a demandé le 6 mars 2019 le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Le silence gardé par l'administration pendant deux mois ayant fait naître une décision implicite de rejet le 6 mai 2019, Mme A... a demandé l'annulation de cette décision de refus au tribunal administratif de Nice. Par un jugement n° 1903271 du 11 juin 2021, le tribunal a annulé cette décision et a enjoint au directeur national du renseignement et des enquêtes d'accorder à

Mme A... le bénéfice de la protection fonctionnelle dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Par son recours n° 21MA03457, le ministre de l'économie, des finances et de la relance doit être regardé comme demandant l'annulation totale de ce jugement dont Mme A... demande l'exécution par sa requête n° 23MA00513.

2. Les recours susvisés nos 21MA03457 et 23MA00513 se rapportent à un même jugement et concernent la situation d'un même fonctionnaire. Il y a lieu par suite d'y statuer par un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il annule la décision implicite rejetant la demande de protection fonctionnelle de Mme A... :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Nice :

3. Aux termes de l'article de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; (...) ".

4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement et il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

5. A l'appui de son affirmation selon laquelle elle aurait été victime d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral, Mme A... fait principalement valoir que jusqu'à l'entrée en fonction de la nouvelle cheffe d'antenne de Nice de la direction des opérations douanières à compter du mois d'avril 2015, elle bénéficiait d'évaluations exemplaires au titre des excellents résultats obtenus entre 2007 et 2017, mais que depuis l'arrivée de cette nouvelle responsable, elle a été " placardisée " et humiliée. Elle précise qu'elle a fait l'objet d'une décision de désarmement non justifiée et a subi une pression constante, qu'elle s'est vue retirer ses attributions au titre de la gestion administrative du service et n'a plus été conviée aux réunions de service, ni même aux moments de convivialité organisés par ses collègues. Elle ajoute ne plus figurer aux tours de permanence, que son badge a été désactivé, qu'elle a été affectée à compter de novembre 2017 de façon exclusive aux enquêtes financières dans l'attente de son réarmement, qu'elle n'a plus été mise à même d'exercer normalement son travail d'agent de recherche, et qu'à compter du début de l'année 2018, elle devait systématiquement faire intervenir le chef d'échelon à Marseille pour pouvoir obtenir un véhicule. Pour en justifier, Mme A... produit, notamment, la fiche de signalement qu'elle a renseignée au titre de la prévention des risques psychosociaux le 27 juillet 2017 ainsi qu'une attestation circonstanciée de l'inspecteur des douanes avec lequel elle a travaillé en binôme pendant plus de dix ans, faisant état de la contribution de l'intimée aux excellents résultats de l'antenne dès son arrivée, et de la dégradation importante de ses conditions de travail à compter de l'arrivée de la nouvelle cheffe d'antenne, qui aurait engagé un processus de discrimination et de harcèlement dans le but de l'exclure du service. Mme A... produit également un courriel et une attestation d'une représentante du syndicat auquel elle était adhérente, selon laquelle elle n'avait jamais été sollicitée par elle avant l'arrivée de la nouvelle cheffe d'antenne, et que depuis cette arrivée, elle a fait l'objet d'une succession de décisions et brimades à l'origine d'une dégradation de ses conditions de travail de nature à provoquer son départ du service. Ce faisant, Mme A... doit être regardée comme ayant soumis au juge suffisamment d'éléments susceptibles de faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral dont elle aurait été victime.

6. Toutefois, pour démontrer que les agissements ainsi dénoncés par Mme A... sont étrangers à tout harcèlement moral, le ministre de l'économie, des finances et de la relance produit des écritures particulièrement étayées qu'il appuie sur de nombreuses pièces probantes parmi lesquelles, notamment, les conclusions très précises du procès-verbal de la séance extraordinaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 7 juillet 2020,

six fiches de signalement renseignées par des agents de l'antenne de Nice, complétées par

cinq autres fiches déposées au mois de mai 2020, soit postérieurement à la décision en litige mais se rapportant à des faits qui lui sont en partie antérieurs et pouvant, de la sorte et dans cette seule mesure, être pris en compte, ainsi que sur plusieurs courriels circonstanciés du chef d'échelon de la direction des opérations douanières. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les conditions de travail au sein de l'antenne de Nice se sont dégradées à compter de l'annonce du départ en retraite, en septembre 2016, de l'inspecteur auprès duquel Mme A... exerçait ses fonctions en binôme, et de la tenue de plusieurs entretiens que le chef d'échelon a organisés avec l'intéressée afin d'organiser au mieux le fonctionnement du service dans la perspective de ce départ, ainsi que le nouveau positionnement de celle-ci dans le service, notamment pour permettre une meilleure intégration au sein du reste de l'équipe avec laquelle elle entretenait des rapports tendus avant même l'arrivée de la nouvelle cheffe d'antenne, et ce du fait du fonctionnement de ce binôme. En outre, la décision de désarmement dont Mme A... a fait l'objet le 4 août 2017, purement préventive et temporaire, dans l'attente de la consultation du médecin de prévention, est intervenue dans un souci de sécurité et de protection de l'intéressée elle-même après qu'elle a fait état d'une situation de mal-être et de dépression dans sa fiche de signalement. Mme A... s'est d'ailleurs vue notifier une décision de réarmement, ainsi qu'elle le reconnaît elle-même, le 5 février 2018, après avis favorable du médecin de prévention et un bilan positif à l'issue du contrôle d'aptitude au tir auquel elle a été soumise. S'il est par ailleurs constant que les fonctions de Mme A... ont été modifiées afin de la recentrer sur des missions de contrôle financier en lien direct avec la cellule de Marseille, il ressort des documents précédemment cités, et notamment du procès-verbal du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, que cette affectation, de surcroît expressément acceptée par l'intéressée, bien que sous certaines réserves, avait pour seul objectif d'atténuer les tensions relationnelles au sein du service résultant, notamment, de la contestation systématique de la légitimité de la nouvelle cheffe d'antenne par Mme A..., mais également de son attitude individualiste et agressive vis-à-vis de l'ensemble de ses collègues. Du reste, il n'est pas établi ni même allégué que ces nouvelles attributions, pour lesquelles elle a bénéficié d'une formation spécifique, n'auraient pas été conformes au statut ou au grade détenu par l'intéressée, ni qu'il en aurait résulté pour elle une diminution notable de sa rémunération ou de ses prérogatives, la seule perte de tours de permanence et de la gestion administrative du service, décidée d'ailleurs à la suite d'erreurs commises par Mme A... à la fin du mois de décembre 2016, n'étant pas dans ces conditions de nature à révéler une situation de harcèlement moral. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la décision d'attribuer à Mme A... un bureau à Nice, malgré son rattachement à la cellule financière de Marseille, s'est justifiée par la nécessité d'éviter sa mutation dans l'intérêt du service. S'agissant du comportement de la nouvelle cheffe d'antenne à son égard, si l'intimée fait valoir que celle-ci l'aurait agressée verbalement à plusieurs reprises, elle n'apporte pas suffisamment de précisions sur les circonstances de ces prétendues agressions alors que les pièces produites par le ministre, et notamment les déclarations du directeur de la direction des opérations douanières au cours de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 7 juillet 2020, montrent que cette responsable a fait preuve, dans le contexte particulier de sa prise de fonctions, d'une grande capacité d'adaptation malgré les mises en cause systématiques et critiques injustifiées de la part de Mme A.... Enfin, le ministre soutient, sans être contredit, que c'est à la suite du désarmement de Mme A... qu'il a été décidé de désactiver son badge d'accès au service, seulement en dehors des plages horaires de présence des agents au bureau, après le constat, dans le contexte de dépression de l'agent précédemment évoqué, que celle-ci s'était rendue sur son lieu de travail le dimanche

20 août 2017 à 19 heures, renforçant ainsi les inquiétudes de la hiérarchie sur son comportement.

7. Dans ces conditions, l'ensemble de ces éléments, reposant sur des pièces précises et circonstanciées, démontre que les agissements qui sont reprochés par l'intimée, qui dans le contexte évoqué dans le point précédent ne peut être regardée comme ayant été privée d'un avancement à la catégorie A pour des raisons qui échappent à des considérations tenant, notamment, à sa manière de servir, sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a estimé que la décision portant refus d'octroi de la protection fonctionnelle sollicitée par Mme A... était illégale à raison des faits de harcèlement moral subis par elle, et l'a annulée pour ce motif.

8. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... en première instance et en appel.

En ce qui concerne les autres moyens d'annulation soulevés par Mme A... :

9. En premier lieu, aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail. ".

Aux termes de l'article 2-1 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : " Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. ". Selon l'article 3 de ce même décret : " Dans les administrations et établissements mentionnés à l'article 1er, les règles applicables en matière de santé et de sécurité sont, sous réserve des dispositions du présent décret, celles définies aux livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. (...) ".

10. Si Mme A... soutient que son employeur a méconnu son obligation de sécurité posée par les dispositions citées au point précédent, elle se borne pour ce faire à invoquer le harcèlement moral dont elle prétend avoir été victime. Il résulte toutefois des points 6 et 7 qu'elle ne peut être regardée comme ayant été victime, notamment de la part de la nouvelle cheffe d'antenne, d'agissements relevant d'une situation de harcèlement moral. Par suite, un tel moyen ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, si Mme A... prétend avoir été une lanceuse d'alerte en dénonçant l'organisation de moments de convivialité avec consommation excessive d'alcool, une présomption de prise en charge illégale de remboursement de frais pour des missions fictives, l'octroi de temps de pause à des fins personnelles pour certains agents, l'apposition d'une affiche sur la porte de bureau de la cheffe d'antenne et l'octroi arbitraire de compensations exceptionnelles, elle ne fait état, de la sorte, ni d'un crime ou d'un délit, ni d'une menace ou d'un préjudice grave pour l'intérêt général au sens des dispositions de l'article 6 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, qui définit le statut juridique du lanceur d'alerte. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige méconnaîtrait ces dispositions ne peut qu'être écarté.

12. Mais en troisième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Et aux termes de l'article L. 232-4 de ce même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".

13. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 24 mai 2019, reçu le

28 mai par l'administration, Mme A... a, par l'intermédiaire de son conseil, demandé à la direction nationale du renseignement et des enquêtes la communication des motifs du rejet de sa demande de protection fonctionnelle. Il est constant qu'aucune réponse n'a été donnée à cette demande, reçue par l'administration dans le délai de recours contentieux ouvert contre la décision implicite de rejet née le 6 mai 2019. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que l'administration a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration et que sa décision doit, en conséquence, être annulée.

14. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite par laquelle la demande de protection fonctionnelle formulée par Mme A... a été rejetée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il enjoint au directeur national du renseignement et des enquêtes d'accorder à Mme A... le bénéfice de la protection fonctionnelle et sur les conclusions incidentes de l'intéressée :

15. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". L'article L. 911-2 du même code ajoute que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".

16. Compte tenu de son motif énoncé aux points 13 et 14, le présent arrêt, qui confirme l'annulation de la décision en litige prononcée par le jugement attaqué, n'implique pas nécessairement qu'il soit fait droit à la demande de protection fonctionnelle de Mme A..., mais seulement qu'il soit procédé à son réexamen. Il y a donc lieu, non seulement d'annuler le jugement querellé en tant qu'il a enjoint à l'administration d'accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle à Mme A... dans un délai d'un mois à compter de sa notification, mais encore de rejeter les conclusions de celle-ci, présentées à titre incident, tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration d'assurer la prise en charge de l'intégralité de ses frais et honoraires de procédure dans le cadre de la protection fonctionnelle et la réparation intégrale du préjudice subi.

Sur la demande d'exécution du jugement n° 1903271 du 11 juin 2021 :

17. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ".

18. D'une part, dès lors que le présent arrêt annule le jugement attaqué en tant qu'il enjoint au directeur national du renseignement et des enquêtes d'accorder à Mme A... le bénéfice de la protection fonctionnelle, sa demande d'exécution de ce jugement visant à ce que l'administration lui verse l'intégralité des sommes qu'elle estime lui être dues au titre de la mise en œuvre de la protection fonctionnelle se trouve privée d'objet.

19. D'autre part, dans la mesure où, par une décision du 9 juillet 2021, l'administration a accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle à Mme A..., le jugement en cause, tel que réformé par le présent arrêt, doit être regardé comme exécuté en ce qu'il implique seulement que la demande de protection fonctionnelle de l'intéressée soit réexaminée.

20. Enfin, et en tout état de cause, le jugement du tribunal administratif de Nice, tel que réformé par le présent arrêt, n'implique pas, compte tenu de la nature du litige qu'il tranche et du motif qui en est le soutien nécessaire, le versement à Mme A... de quelque somme que ce soit en réparation des préjudices de carrière, de santé, et de l'atteinte grave à sa dignité de fonctionnaire qu'elle allègue avoir subis, et dont la réparation éventuelle, en tout état de cause, relève d'un litige distinct, qui fait d'ailleurs l'objet d'une instance actuellement pendante devant le tribunal administratif de Nice, ainsi que le fait valoir l'intéressée.

21. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'exécution présentée par Mme A... visant à ce que l'administration lui verse l'intégralité des sommes qu'elle estime lui être dues au titre de la mise en œuvre de la protection fonctionnelle et qu'il y a lieu de rejeter le surplus de cette demande.

Sur les frais liés au litige :

22. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par Mme A..., dans les deux instances, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'exécution présentée par Mme A... sous le n° 23MA00513 en ce qu'elle vise à ce que l'administration lui verse l'intégralité des sommes qu'elle estime lui être dues au titre de la mise en œuvre de la protection fonctionnelle

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 1903271 rendu le 11 juin 2021 par le tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.

Article 4 : Les conclusions incidentes de Mme A... et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'instance n° 21MA03457 et le surplus de ses conclusions dans l'instance n° 23MA00513 sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, où siégeaient :

- M. Revert, président,

- M. Martin, premier conseiller,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2023.

2

N° 21MA03457, 23MA00513


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03457
Date de la décision : 07/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Garanties et avantages divers. - Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. REVERT
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : MAZZA;MAZZA;MAZZA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-07-07;21ma03457 ?
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