Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme D... A..., M. F... A... et M. E... A... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le département de Vaucluse à leur verser la somme globale de 274 550 euros en réparation des préjudices subis du fait de la construction et de la mise en service de la rocade de déviation de Carpentras.
Par un jugement n° 1602231 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Nîmes a condamné le département de Vaucluse à verser à M. et Mme D... A... la somme de
74 777 euros, et ensemble à M. et Mme D... A... et à M. F... A... la somme de
56 535 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du 18 juillet 2016 et capitalisation.
Procédure devant la Cour :
Par un arrêt du 3 mars 2020, la Cour a ordonné, avant dire droit, une expertise aux fins, d'une part, de mesurer sur les parcelles cadastrées n°s BS 658, BS 659, BS 669 et BS 784, à l'extérieur comme à l'intérieur des habitations s'y trouvant, fenêtres ouvertes et fermées, à différentes heures de la journée et à différents jours de la semaine, le bruit imputable à la circulation sur la RD 942, au regard des niveaux sonores définis par l'arrêté du 5 mai 1995 relatif au bruit des infrastructures routières et, le cas échéant, dans quelle proportion la mise en service de cette route a entraîné une augmentation de ces niveaux sonores par rapport à la situation antérieure, et d'autre part, d'apprécier si et dans quelle mesure ces nuisances, notamment sonores, résultant de la proximité de la RD 942, sont à l'origine d'une dépréciation de ces parcelles.
Par une ordonnance du 6 juillet 2020, la présidente de la Cour a désigné M. B... comme expert.
Le 6 mars 2023, l'expert a rendu son rapport qui a été communiqué aux parties.
Par une ordonnance du 22 mars 2023, la présidente de la Cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise confiée à M. B... à la somme de 12 933,60 euros qui comprend l'allocation provisionnelle de 5 400 euros décidée par l'ordonnance du 1er décembre 2020.
Par des mémoires, enregistrés les 6 et 11 avril 2023, Mme C... A..., veuve
D... A..., et M. F... A..., représentés par Me d'Albenas, concluent :
1°) à titre principal, au rejet de la requête d'appel et à la confirmation du jugement attaqué ;
2°) subsidiairement, à la réformation de l'article 1er de ce jugement, à la condamnation du département de Vaucluse, à partir du rapport d'expertise judiciaire, à leur verser, ensemble ou chacun pour la part lui revenant, la somme de 174 268 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2016 et capitalisation de ces intérêts, et à leur verser à chacun la somme de 5 000 euros en réparation de leurs préjudices moraux respectifs ;
3°) à ce que soient mis à la charge du département de Vaucluse les frais de l'expertise et la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- au vu du nouveau rapport d'expertise judiciaire, que la Cour adoptera, les dépréciations cumulées de leurs parcelles s'élèvent à 174 268 euros, somme à laquelle sera réévaluée l'indemnité à laquelle le département a été condamné par le jugement attaqué ;
- ces pertes de valeur vénale trouvent leur origine directe dans le fonctionnement de la route départementale, ouvrage public, à l'égard de laquelle ils ont la qualité de tiers, et présentent un caractère anormal et spécial ;
- du fait des nuisances qu'ils supportent, qui sont générées par la présence ou proximité de la route départementale à 2 × 2 voies, et qui consistent en des troubles de voisinage portant
atteinte à leurs conditions d'existence, ils ont droit à la réparation de leurs préjudices moraux respectifs.
Par une ordonnance du 6 avril 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 2 mai 2023,
à 12 heures.
Le département de Vaucluse, représenté par Me Phelip, a produit deux mémoires les 6 et 7 juin 2023, après la clôture de l'instruction, qui n'ont pas été communiqués.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 5 mai 1995 relatif au bruit des infrastructures routières ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me Reyne, substituant Me Phelip, représentant le département de Vaucluse et de Me d'Audigier, substituant Me d'Albenas, représentant Mme et M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D... A..., M. F... A... et M. E... A... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le département de Vaucluse à leur verser la somme globale de 274 550 euros en réparation de la perte de valeur vénale de plusieurs parcelles leur appartenant résultant de la construction et de la mise en service, en 2009, de la RD 942, rocade de déviation de Carpentras. Par un jugement du 7 juin 2018, le tribunal administratif a condamné le département de Vaucluse à verser, d'une part, à M. et Mme D... A... la somme de 74 777 euros en réparation de la perte de valeur vénale des parcelles n°s BS 784 et BS 669 dont ils sont propriétaires, d'autre part, ensemble à M. et Mme D... A... et à
M. F... A... la somme de 56 535 euros au titre de la dépréciation des parcelles BS 658 et BS 659 dont ils sont respectivement usufruitiers et nu-propriétaire. Sur appel du département de Vaucluse qui sollicite l'annulation de ce jugement en ce qu'il l'a condamné à indemniser les consorts A..., la Cour, par un arrêt rendu avant dire droit le 3 mars 2020, a ordonné une expertise aux fins, d'une part, de mesurer sur les parcelles cadastrées n°s BS 658, BS 659,
BS 669 et BS 784, à l'extérieur comme à l'intérieur des habitations s'y trouvant, fenêtres ouvertes et fermées, à différentes heures de la journée et à différents jours de la semaine, le bruit imputable à la circulation sur la RD 942, au regard des niveaux sonores définis par l'arrêté du
5 mai 1995 relatif au bruit des infrastructures routières et, le cas échéant, dans quelle proportion la mise en service de cette route a entraîné une augmentation de ces niveaux sonores par rapport à la situation antérieure, et d'autre part, d'apprécier si et dans quelle mesure ces nuisances, notamment sonores, résultant de la proximité de la RD 942, sont à l'origine d'une dépréciation de ces parcelles. Dans le dernier état de leurs écritures en défense, Mme C... A..., M. D... A... étant décédé en 2021, et M. F... A... doivent être regardés comme réclamant, à titre incident, la réformation du jugement attaqué en portant l'indemnité qui leur a été allouée à la somme de 174 268 euros, compte tenu des conclusions du rapport d'expertise judiciaire et de ses éléments d'appréciation réactualisés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutient le département de Vaucluse, le tribunal, qui a considéré pour chacune des parcelles ayant donné lieu à réparation du préjudice correspondant à la perte de valeur vénale invoquée par les intimés, que celle-ci devait être regardée comme constituant un préjudice grave et spécial, a répondu à son argumentation en défense consistant à remettre en cause la spécialité des préjudices ainsi indemnisés. Le jugement attaqué n'est ainsi pas irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Le maître d'un ouvrage public est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.
La mise en jeu de la responsabilité sans faute d'une collectivité publique pour dommages de travaux publics à l'égard d'un justiciable qui est tiers par rapport à un ouvrage public ou une opération de travaux publics est subordonnée à la démonstration par cet administré de l'existence d'un dommage anormal et spécial directement en lien avec cet ouvrage ou cette opération.
Ne sont pas susceptibles d'ouvrir droit à indemnité les préjudices qui n'excèdent pas les sujétions susceptibles d'être normalement imposées, dans l'intérêt général, aux riverains des ouvrages publics.
4. Il résulte de l'instruction que la section de la RD 942 en litige, qui comporte deux fois deux voies, et qui constitue un ouvrage public à l'égard duquel les intimés ont la qualité de tiers riverains, a été construite en déblai, et mise en service en 2012 et qu'un raccordement à la RD 7 a été aménagé dans chaque sens de circulation au moyen de quatre bretelles menant à deux ronds-points. Les parcelles dont les intimés estiment qu'elles subissent les nuisances visuelles et sonores générées par l'existence et le fonctionnement de cette déviation, et partant une dépréciation de valeur vénale, sont situées de part et d'autre de cette voie, les parcelles cadastrées n° BS 784 et 658, en surplomb de l'ouvrage public, et les parcelles n° BS 659 et 669, en contrebas de celui-ci.
En ce qui concerne la parcelle cadastrée n° BS 784 :
5. Néanmoins, en premier lieu, la parcelle cadastrée n° BS 784, dont
Mme C... A... est seule propriétaire depuis le décès de son époux, M. D... A..., qui présente avant division foncière une superficie de 10 591 m2, en nature de vigne à l'ouest et de jardin d'agrément avec piscine à l'est, s'étire le long de la limite nord de l'emprise de la RD 942. Sur un détachement de cette parcelle, désormais cadastré section n° BS 1125, une maison d'habitation a été édifiée à moins de 20 m de la chaussée mais en 2012, soit après la mise en service de cette section de route. Si l'expert désigné en référé par le président du tribunal administratif de Nîmes a mentionné dans son rapport l'existence de nuisances sonores importantes, il n'a pas précisé l'intensité de ce bruit par la réalisation de mesures acoustiques. La circonstance relevée dans ce rapport qu'une partie de cette parcelle est incluse dans le " périmètre des voies bruyantes ", au titre de l'article R. 571-38 du code de l'environnement, n'implique pas nécessairement que cette parcelle serait située dans une zone où les valeurs limites de niveau sonore seraient dépassées. Il résulte en outre du rapport de la société de mesures acoustiques mandatée par l'expert désigné par la Cour, dont ce dernier a donné dans son rapport du 28 février 2023 une mauvaise interprétation, que les émergences sonores mesurées de manière prolongée en période diurne égalent les valeurs limites admises par la réglementation applicable, et ne les dépassent pas en période nocturne, et qu'aucun dépassement n'a pu être relevé par des mesures ponctuelles, fenêtres ouvertes ou fermées, le mur de clôture de la propriété jouant un rôle d'atténuation des nuisances sonores. S'il résulte du rapport d'expertise qu'aucune mesure acoustique n'a pu être réalisée au cours de la période estivale, ce même document précise que Mme A... n'a pas estimé de telles mesures nécessaires en 2022, compte tenu notamment du caractère alors non significatif des émergences sonores. Enfin il n'est pas contesté que la construction de la RD 942, en déblai à cet endroit comme il a été dit, n'a pas entraîné de nuisances visuelles particulières. Ainsi, en ce qui concerne cette parcelle, et en l'état des éléments de l'instruction, les nuisances subies, qui n'atteignent pas un niveau anormal, dépassant notamment les valeurs limites réglementaires, ne peuvent être regardées comme excédant la gêne que doivent normalement supporter, dans l'intérêt général, les propriétaires voisins d'une voie publique. Par conséquent, les intimés ne peuvent prétendre avoir subi un préjudice anormal découlant de la perte de valeur vénale de cette propriété du fait de l'existence et du fonctionnement de cet ouvrage public.
6. En deuxième lieu, si Mme A... fait valoir que l'existence et le fonctionnement de la route départementale 942 rendent difficile la location de son bien destiné à lui procurer des revenus complémentaires, elle ne livre aucun élément pour en justifier.
7. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux deux points précédents, et alors que la partie de la parcelle BS 784 la plus proche de la voie publique n'est pas habitée par les intimés mais par les locataires de Mme A..., ils ne sont pas fondés à soutenir, comme ils le font dans le dernier état de leurs écritures, qu'ils subissent un préjudice moral causé par les nuisances et troubles de voisinage portant atteinte à leurs conditions d'existence.
8. Il résulte de ce qui précède que le département de Vaucluse est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il attaque, le tribunal administratif de Nîmes l'a condamné à verser à M. et Mme D... A..., au titre de la perte de valeur vénale de la parcelle n° BS 784, la somme de 63 546 euros.
En ce qui concerne la parcelle n°BS 658 :
9. La parcelle n° BS 658, dont M. E... A... était nu-propriétaire et au titre de laquelle son frère, M. F... A..., a repris l'action contentieuse en première instance, est située au 9060 avenue Mirabeau, en continuité de la limite ouest de la parcelle n° BS 784. Une maison d'habitation a été édifiée sur cette parcelle d'une superficie de 1 028 m2 qui, au vu des photographies aériennes produites par les parties, se trouve à plus de 30 m de la voie de sortie de la RD 942 vers la RD 7 et à 50 m environ de la chaussée de la RD 942, en contrebas de cette parcelle. Si l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes y a relevé des nuisances sonores " relativement importantes liées à la RD 942 mais aussi à la RD 7 qui est proche ", sans mesure acoustique ni autre élément de justification, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas du rapport d'expertise judiciaire du 28 février 2023 qui n'a pu y procéder à des relevés acoustiques, compte tenu du refus des héritières de M. A... de poursuivre la procédure, que les nuisances sonores atteindraient un niveau anormal, dépassant notamment les valeurs limites réglementaires. Dans ces conditions, ces sujétions ne peuvent être considérées comme excédant celles qui sont susceptibles d'être, sans indemnité, normalement imposées dans l'intérêt général aux riverains des ouvrages publics. Par conséquent, les intimés ne peuvent non plus justifier d'un préjudice moral lié à ces nuisances ni une atteinte à leurs revenus.
10. Par suite le département de Vaucluse est fondé à soutenir que c'est à tort que
par le jugement querellé, le tribunal administratif de Nîmes l'a condamné à verser à
M. et Mme D... A..., et à M. F... A..., au titre de la perte de valeur vénale de la parcelle n° BS 658, la somme de 32 670 euros.
En ce qui concerne la parcelle n° BS 659 :
11. La parcelle n° BS 659, qui est construite d'une maison d'habitation donnée à la location et dont M. F... A... est nu-propriétaire, est située 9063 avenue Mirabeau au droit du rond-point aménagé sur la RD 7, sur lequel débouchent les voies d'accès et de sortie sud de la RD 942. Il résulte du rapport d'expertise judiciaire du 28 février 2023, qui s'appuie sur l'étude acoustique réalisée au cours du mois de novembre 2021 et qui n'est pas utilement contredit par l'étude acoustique invoquée par le département et menée au niveau de la maison construite sur la parcelle n° BS 199, que le bruit émis par les véhicules circulant sur la RD 942, à 50 m environ de la façade de la maison construite sur cette parcelle, ou empruntant les voies d'accès ou de sortie, conduit à un dépassement des valeurs limites réglementaires par rapport à la situation antérieure, en période diurne, suivant des mesures prolongées. L'affirmation du département de Vaucluse, selon laquelle les nuisances sonores générées par le trafic routier seraient atténuées aussi bien par le sens des vents dominants que par l'aménagement de deux ronds-points sur la RD 7 n'est corroborée ni par ces rapport et étude, ni par aucune autre pièce du dossier. Compte tenu à la fois de l'importance de ces dépassements, égale à 2dB, et de l'état antérieur des lieux, caractérisé tant par une urbanisation diffuse, que par le fonctionnement de la RD 7 préexistante, auquel l'expert attribue une partie de ces nuisances, de l'ordre de 5%, ainsi que de la modification sensible des conditions d'habitation qui en résulte, les inconvénients de nature exclusivement sonore causés par le fonctionnement de l'ouvrage litigieux doivent être regardés en l'espèce, malgré l'inclusion du secteur dans une zone UD au plan local d'urbanisme communal, comme excédant ceux que les riverains des voies publiques sont normalement tenus de supporter. Par ailleurs, la proximité de cette parcelle par rapport aux ronds-points de la RD 7 et aux voies d'accès et de sortie sud, qui la distingue des autres terrains riverains de la déviation que le département de Vaucluse se borne à qualifier de très nombreux sans autre précision, confère à ces inconvénients un caractère spécial de nature à ouvrir aux intéressés un droit à réparation.
12. Il résulte en outre du rapport d'expertise judiciaire, dont la méthode et les résultats ne sont pas contestés, que les nuisances sonores générées par le fonctionnement de l'ouvrage routier en litige, sont à l'origine, pour la parcelle bâtie n° BS 659, d'une perte de valeur vénale qui a été évaluée à 15 % et qui dans ces proportions, compte tenu de l'état antérieur des lieux et de l'affectation du bien, doit en l'espèce être considérée comme constitutive d'un préjudice anormal et spécial. Compte tenu des éléments de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, il y a lieu, en réparation de ce préjudice, d'allouer à M. F... A... qui en est le nu-propriétaire et à Mme C... A..., qui en est l'usufruitière, une indemnité de 30 300 euros, et par conséquent, de porter à ce montant la somme de 23 865 euros allouée par le tribunal, et de réformer en conséquence le jugement attaqué, ainsi que les intimés sont recevables à le demander à titre incident.
13. En revanche, et d'une part, les intimés, qui ne résident pas sur ce terrain dont l'habitation est donnée à la location, ne démontrent pas subir un préjudice moral du fait des nuisances sonores causées par l'ouvrage public.
14. D'autre part, Mme A..., usufruitière de la parcelle, ne justifie pas d'une fin de la location de la maison s'y trouvant, et ne peut ainsi se plaindre d'une atteinte portée à ses revenus.
En ce qui concerne la parcelle n° BS 669 :
15. La parcelle non construite n° BS 669, dont Mme A... est propriétaire, jouxte au nord la parcelle n° BS 659. Tant l'expert désigné en référé par le président du tribunal administratif de Nîmes, que l'expert judiciaire s'appuyant pour ce faire sur les conclusions de l'étude acoustique, certes élaborée sans procéder à des mesures sur ce terrain, se sont néanmoins prononcés dans les mêmes termes qu'au sujet de cette dernière parcelle en ce qui concerne l'existence et l'intensité des nuisances sonores constatées. Pour les motifs énoncés aux points 11 et 12, ces troubles, qui présentent un caractère spécial, ne peuvent qu'être regardés comme excédant la gêne que doivent normalement supporter, dans l'intérêt général, les propriétaires voisins d'une voie publique. La perte de valeur vénale qui en est issue pour cette parcelle, d'après ces deux expertises judiciaires, peut être évaluée à 15 % et revêt, compte tenu de l'état antérieur des lieux et de l'affectation actuelle du terrain, non bâti, dont il ne résulte pas de l'instruction, contrairement aux affirmations du département de Vaucluse, que ses dimensions le rendraient inconstructible au regard des règles locales d'urbanisme, un caractère anormal. Les éléments d'appréciation retenus par l'expert judiciaire désigné par la Cour permettent d'évaluer l'indemnité due à ce titre à Mme A... à la somme à 14 250 euros. Il y a donc lieu de porter à ce montant la somme de 11 232 euros accordée par les premiers juges en réparation de ce chef de préjudice, et de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a de contraire à cette réévaluation, ainsi que Mme A... est recevable à le demander à titre incident.
16. En revanche, Mme A... n'établissant ni l'existence d'un préjudice moral, ni une atteinte à ses revenus, le bien n'étant ni bâti ni loué, ses conclusions d'appel tendant à l'indemnisation de ces chefs de préjudice ne peuvent qu'être rejetées.
17. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le département de Vaucluse est fondé à soutenir que c'est à tort, que par cette décision, le tribunal administratif de Nîmes l'a condamné à verser à M. et Mme D... A... la somme de 74 777 euros, et ensemble à
M. et Mme D... A... et à M. F... A... la somme de 56 535 euros, d'autre part qu'il y a lieu de réformer ce jugement en ramenant la somme due à Mme C... A... de 74 777 euros à 14 250 euros, et la somme due à Mme C... A... et à M. F... A... de 56 535 euros à 30 300 euros.
18. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2016, date d'enregistrement de la demande devant le tribunal. Les intérêts échus à la date du 18 juillet 2017, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Sur les frais d'expertise :
19. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens ".
20. Les circonstances particulières de l'affaire justifient, en application des dispositions précitées de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, que les frais et honoraires de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 12 933,60 euros par ordonnance de la présidente de la Cour du 22 mars 2023, soient mis à la charge définitive du département de Vaucluse. Pour les mêmes motifs, il y a lieu d'en faire de même des frais de l'expertise prescrite par l'ordonnance n° 1401760 rendue le 25 novembre 2014 par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes.
Sur les frais liés au litige :
21. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses frais d'instance.
DECIDE :
Article 1er : La somme que le département de Vaucluse est condamné à verser à
Mme C... A... en réparation de ses préjudices est ramenée, hors intérêts, de 74 777 euros à 14 250 euros, et la somme que le département de Vaucluse est condamné à verser à
Mme C... A... et à M. F... A... est ramenée, hors intérêts, de 56 535 euros à
30 300 euros. Ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2016. Les intérêts échus à la date du 18 juillet 2017, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement n° 1602231 rendu le 7 juin 2018 par le tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire au précédent article.
Article 3 : Les frais et honoraires de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 12 933,60 euros par ordonnance de la présidente de la Cour du 22 mars 2023, ainsi que les frais de l'expertise prescrite par l'ordonnance n° 1401760 rendue le 25 novembre 2014 par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, sont mis à la charge définitive du département de Vaucluse.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 ; Le présent arrêt sera notifié au département de Vaucluse, à Mme C... A... et à
M. F... A....
Copie en sera adressée à M. B..., expert.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2023.
N° 18MA037312