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06/07/2023 | FRANCE | N°21MA02685

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 06 juillet 2023, 21MA02685


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Marseille à leur verser la somme globale de 25 500 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'illégalité du permis de construire délivré le 8 avril 2008 à M. A....

Par un jugement n° 1810819 du 10 mai 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le

9 juillet 2021, le 31 mai 2022 et le 27 janvier 2023, MM. C..., représentés en dernier lieu pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Marseille à leur verser la somme globale de 25 500 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'illégalité du permis de construire délivré le 8 avril 2008 à M. A....

Par un jugement n° 1810819 du 10 mai 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 9 juillet 2021, le 31 mai 2022 et le 27 janvier 2023, MM. C..., représentés en dernier lieu par Me Philippon, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 mai 2021 ;

2°) de condamner la commune de Marseille à leur verser la somme globale de 25 500 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'illégalité du permis de construire délivré le 8 avril 2008 à M. A... ;

3°) subsidiairement, de désigner un expert avant dire droit afin notamment d'évaluer le montant de leurs préjudices ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable ;

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont commis une erreur de fait tant en ce qui concerne les vues créées sur leur propriété que s'agissant de la perte de vue directe sur un édifice situé à proximité ;

- l'illégalité du permis délivré le 8 avril 2008 à M. A... est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Marseille à leur égard ;

- les troubles de jouissance qu'ils ont subis seront indemnisés à hauteur de 7 500 euros ;

- ils ont subi un préjudice moral qui devra être indemnisé à hauteur de 3 000 euros ;

- ils ont subi des troubles dans leurs conditions d'existence qui devront être indemnisés à hauteur de 3 000 euros ;

- leur préjudice financier, correspondant à la perte de valeur vénale de leur bien, doit être indemnisé à hauteur d'au moins 15 000 euros ;

- la faute commise par la commune est la cause directe des préjudices qu'ils ont subis.

Par des mémoires en défense enregistrés le 12 avril 2022 et le 23 janvier 2023, la commune de Marseille, représentée par Me Bouteiller, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions indemnitaires de MM. C... sont irrecevables dès lors qu'elles se rattachent à une décision purement confirmative d'une décision, devenue définitive, rejetant leur précédente demande indemnitaire préalable ;

- le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ;

- les conclusions indemnitaires des requérants sont irrecevables au regard de l'autorité de chose jugée attachée au jugement, devenu définitif, du tribunal administratif de Marseille du 16 novembre 2017 ;

- les préjudices allégués ne sont pas en lien direct avec les illégalités commises ;

- la réalité des préjudices allégués n'est pas établie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mouret,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- les observations de M. D... C... et celles de Me Seisson, substituant Me Bouteiller, représentant la commune de Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 8 avril 2008, le maire de Marseille a délivré à M. A... un permis de construire en vue de l'édification d'une maison individuelle sur une parcelle située 8 Montée Montplaisir. Par deux jugements du 22 septembre 2011, le tribunal administratif de Marseille a annulé ce permis de construire, notamment à la demande de MM. C.... La cour administrative d'appel de Marseille a confirmé cette annulation par deux arrêts, devenus irrévocables, du 24 mars 2014. Par une lettre du 27 août 2015, MM. C... ont saisi le maire de Marseille d'une demande préalable afin d'obtenir réparation des troubles dans les conditions d'existence qu'ils estiment avoir subis du fait de l'illégalité fautive résultant de la délivrance du permis de construire du 8 avril 2008. A la suite du rejet implicite de cette demande indemnitaire préalable, les intéressés ont recherché la responsabilité de la commune de Marseille devant le tribunal administratif de Marseille. Par un jugement du 16 novembre 2017, ce tribunal a rejeté au fond la demande de MM. C... tendant à la condamnation de la commune de Marseille à leur verser une somme en réparation des préjudices qu'ils estimaient avoir subis. Les intéressés, qui n'ont pas relevé appel de ce dernier jugement, ont, par une lettre du 9 mai 2018, reçue le 16 mai suivant, saisi le maire de Marseille d'une nouvelle demande préalable fondée, comme la précédente, sur l'illégalité fautive résultant de la délivrance du permis de construire du 8 avril 2008. Leur seconde réclamation préalable ayant été implicitement rejetée, MM. C... ont saisi le tribunal administratif de Marseille qui, par un jugement du 10 mai 2021 dont les intéressés relèvent appel, a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Marseille à réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'illégalité de ce permis de construire.

Sur la régularité du jugement :

2. Si les requérants soutiennent que les premiers juges ont commis une erreur de fait, cette critique relative au bien-fondé du jugement attaqué est sans incidence sur sa régularité.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. En vertu de l'article R. 421-2 du code de justice administrative, sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Par exception à cette règle, l'article R. 421-3 du même code, dans sa rédaction applicable antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative, disposait que " l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : / 1° En matière de plein contentieux (...) ". Cette exception a cependant été supprimée par l'article 10 du décret du 2 novembre 2016. L'article 35 de ce décret, qui fixe les conditions de son entrée en vigueur, dispose que : " I. - Le présent décret entre en vigueur le 1er janvier 2017. / II. - Les dispositions des articles 9 et 10 (...) sont applicables aux requêtes enregistrées à compter de cette date ".

4. La décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. Par suite, la victime est recevable à demander au juge administratif la condamnation de l'administration à l'indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n'étaient pas mentionnés dans sa réclamation.

5. En cas de rejet définitif du recours indemnitaire introduit devant le juge administratif à la suite d'une décision implicite rejetant une réclamation préalable, si la victime saisit à nouveau le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il en va ainsi alors même que le second recours indemnitaire indiquerait pour la première fois les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages, ou invoquerait d'autres chefs de préjudice.

6. Il n'est fait exception à ce qui est dit au point précédent que dans le cas où la victime demande réparation de dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, se sont aggravés ou n'ont été révélés dans toute leur ampleur que postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa première réclamation préalable.

7. Il résulte de l'instruction que MM. C... n'ont pas fait le choix de réserver expressément certains chefs de préjudice dans leur première réclamation préalable datée du 27 août 2015, laquelle a été implicitement rejetée par le maire de Marseille. Ainsi qu'il a été dit au point 1, les intéressés n'ont pas relevé appel du jugement du 16 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté au fond leur demande tendant à la condamnation de la commune de Marseille à réparer les conséquences dommageables résultant de l'illégalité du permis de construire délivré le 8 avril 2008 à M. A.... Il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que les chefs de préjudices dont MM. C... ont sollicité l'indemnisation à la suite de leur seconde réclamation préalable enregistrée le 16 mai 2018 seraient nés, se seraient aggravés ou n'auraient été révélés dans toute leur ampleur que postérieurement à la décision implicite rejetant leur première réclamation préalable. Dans ces conditions, MM. C... n'étaient pas recevables, compte tenu du rejet définitif de leur premier recours indemnitaire par le jugement du 16 novembre 2017, à saisir à nouveau le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Marseille à les indemniser de tout dommage causé par ce même fait générateur, quels que soient les chefs de préjudices invoqués. Par suite, ainsi que le soutient la commune intimée, la seconde demande indemnitaire de MM. C... enregistrée le 28 décembre 2018 au greffe de ce tribunal était tardive et, par suite, irrecevable.

8. Il résulte de ce qui précède que MM. C... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Marseille à réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'illégalité du permis de construire délivré le 8 avril 2008 à M. A....

Sur les frais liés au litige :

9. La commune de Marseille n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par les requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de MM. C... la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de MM. C... est rejetée.

Article 2 : MM. C... verseront la somme de 2 000 euros à la commune de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à M. B... C... et à la commune de Marseille.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

2

N° 21MA02685

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02685
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-06 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP LOGOS TOMAS-BEZER BLIEK-VEIDIG CECERE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-07-06;21ma02685 ?
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