La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2023 | FRANCE | N°22MA03043

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 03 juillet 2023, 22MA03043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune du Paradou a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles à lui verser la somme de 143 532 euros en réparation du préjudice résultant de la répartition illégale de la dotation de solidarité communautaire pour les années 2014 à 2018.

Par un jugement n°1908375 du 21 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille a condamné la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles à verser à la commune du Paradou une

indemnité correspondant à la différence entre les sommes qu'elle était en droit de pe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune du Paradou a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles à lui verser la somme de 143 532 euros en réparation du préjudice résultant de la répartition illégale de la dotation de solidarité communautaire pour les années 2014 à 2018.

Par un jugement n°1908375 du 21 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille a condamné la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles à verser à la commune du Paradou une indemnité correspondant à la différence entre les sommes qu'elle était en droit de percevoir au titre de la dotation de solidarité communautaire et celles qui lui ont été allouées pour les années 2014 à 2018 et renvoyé la commune du Paradou devant la communauté de communes pour le calcul et le versement de la somme à laquelle elle peut prétendre au titre de cette période dans la limite de 143 532 euros.

Procédure devant la Cour :

I - Sous le n° 22MA03043, par une requête enregistrée le 13 décembre 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 26 mai 2023 non communiqué, la communauté de communes Vallée des Baux -Alpilles, représentée par Me Bluteau, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 octobre 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la commune du Paradou ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Paradou le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de première instance de la commune du Paradou était irrecevable dès lors que celle-ci n'a pas exercé, dans un délai raisonnable, de recours contre les délibérations à objet purement pécuniaire en date des 17 avril 2014, 28 mai 2015, 14 avril 2016, 13 avril 2017 et 15 mars 2018.

- la commune du Paradou n'avait pas droit à une dotation de solidarité communautaire d'un montant supérieur à celui qui lui a été alloué au titre des années 2014 à 2018.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mai 2023, la commune du Paradou, représentée par Me Dumas, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles ;

2°) de condamner la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles au paiement d'une somme de 143 532 euros au titre de la dotation de solidarité communautaire de 2014 à 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que sa requête de première instance est recevable et que les moyens de la requête de la communauté de communes sont infondés.

II - Sous le n° 22MA03044, par une requête enregistrée le 13 décembre 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 26 mai 2023 non communiqué, la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles, représentée par Me Bluteau, demande à la Cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 octobre 2022 ;

2°) de mettre à la charge de la commune du Paradou le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens d'annulation développés dans la requête au fond sont sérieux ;

- l'exécution de la décision de première instance risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mai 2023, la commune du Paradou, représentée par Me Dumas, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles ;

2°) de mettre à la charge de la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens d'annulation développés dans la requête au fond ne sont pas sérieux et que l'exécution de la décision de première instance ne risque pas d'entraîner des conséquences difficilement réparables.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties le jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public ;

- et les observations de Me Petit pour la commune du Paradou.

Une note en délibéré a été enregistrée le 27 juin 2023 pour la commune du Paradou.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération n° 39/2007 du 17 octobre 2007, le conseil communautaire de la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles a décidé de répartir la dotation de solidarité communautaire qu'elle a instituée au profit de ses communes membres en fonction de trois critères pondérés, soit 50 % pour le produit de la taxe professionnelle, 25 % pour le nombre d'habitants et 25 % pour le potentiel fiscal. La communauté de communes a adopté ensuite annuellement des délibérations fixant le montant de la dotation attribuée à chaque commune au vu de ces critères. Par un courrier du 28 mai 2019, la commune du Paradou, constatant que les critères de répartition de la dotation de solidarité communautaire attribuée annuellement par la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles en vertu de délibérations adoptées entre 2014 et 2018 demeuraient inchangés et que les bases de répartition de cette dotation n'avaient pas été actualisées, a demandé au président de la communauté de communes l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi au cours de ces cinq années, consistant en la perte financière correspondante. Une décision implicite de rejet est née du silence de la communauté de communes sur cette demande. Dans le cadre de la requête enregistrée sous le n° 22MA03043, la communauté de communes vallée des Baux-Alpilles interjette appel du jugement du 21 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser à la commune du Paradou une indemnité correspondant à la différence entre les sommes qu'elle était en droit de percevoir au titre de la dotation de solidarité communautaire et celles qui lui ont été allouées pour les années 2014 à 2018 et renvoyé la commune du Paradou devant la communauté de communes pour le calcul et le versement de la somme à laquelle elle peut prétendre au titre de cette période dans la limite de 143 532 euros. Dans le cadre de la requête enregistrée sous le n° 22MA03044, la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles demande à la Cour de surseoir à l'exécution dudit jugement.

2. Les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul et même arrêt.

Sur la recevabilité de la requête de première instance :

3. D'une part, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.

4. D'autre part, l'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée.

5. Les délibérations annuelles fixant le montant de la dotation de solidarité communautaire attribué à chacune des communes membres d'une communauté de communes présentent le caractère de décisions individuelles dont l'objet est purement pécuniaire.

6. Il résulte de l'instruction que la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles, qui avait connaissance, depuis la délibération précitée du 17 octobre 2007, des critères pondérés permettant de procéder à la répartition de la dotation de solidarité communautaire instituée par les dispositions de l'article 1609 nonies C VI du code général des impôts, a eu connaissance des délibérations des 17 avril 2014, 28 mai 2015, 14 avril 2016 et 13 avril 2017 lui ayant attribué, au titre de chacune de ces années, la somme non réactualisée de 41 082 euros, au plus tard à la date à laquelle cette somme lui a été entièrement versée, soit respectivement le 7 août 2014, le 21 juillet 2015, le 22 décembre 2016 et le 16 juin 2017. Par ailleurs, s'agissant de la délibération du 15 mars 2018, il est constant que Mme B... A..., maire de la commune du Paradou et M. Benoît Vennin, conseiller municipal de celle-ci, étaient présents lors des délibérations du conseil communautaire, cette présence révélant ainsi une connaissance de la délibération à la date de son adoption. Par ailleurs, ni la complexité des modalités de calcul de la dotation de solidarité communautaire ni le fait que ce n'est que par une lettre d'observations du préfet en date du 20 février 2019 que la commune intimée aurait été alertée de l'illégalité des délibérations précitées, ne sauraient être regardées comme des circonstances particulières qui seraient de nature à faire obstacle au délai raisonnable précité d'un an. Ainsi, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 ci-dessus, que l'ensemble des délibérations précitées, qui ont un objet exclusivement pécuniaire, étaient devenues définitives lorsque la commune du Paradou a présenté, le 28 mai 2019, une demande tendant au remboursement de la différence entre le montant qui, selon elle, aurait dû, à la suite d'une réactualisation du fait de l'augmentation de sa population, lui être attribué et le montant effectivement perçu. Par suite, la requête de plein contentieux de première instance présentée par la commune du Paradou était irrecevable. Il suit de là que la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser à la commune du Paradou une indemnité correspondant à la différence entre les sommes qu'elle estimait être en droit de percevoir au titre de la dotation de solidarité communautaire et celles qui lui ont été allouées pour les années 2014 à 2018.

Sur les conclusions tendant au sursis à exécution :

7. Par le présent arrêt, la Cour statue au fond sur la requête de la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles dirigée contre le jugement du 21 octobre 2022 du tribunal administratif de Marseille. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont sans objet.

Sur les frais d'instance :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution présentées dans le cadre de la requête enregistrée sous le n° 22MA03044.

Article 2 : Le jugement n° 1908375 du tribunal administratif de Marseille du 21 octobre 2022 est annulé.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune du Paradou sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles et à la commune du Paradou.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vincent, présidente,

- M. Mérenne, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2023.

N° 22MA03043 et 22MA0304402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA03043
Date de la décision : 03/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-04-03-03 Collectivités territoriales. - Commune. - Finances communales. - Recettes. - Dotations.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : BLUTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-07-03;22ma03043 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award