Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 15 février 2019 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a décidé de prolonger son placement à l'isolement à compter du 19 février jusqu'au 19 mai 2019.
Par un jugement n°1901181 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2021, M. A... B..., représenté par la SELARL My Associés, agissant par Me Maharsi, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 septembre 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 15 février 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du 15 février 2019 est fondée sur des faits matériellement inexacts ; il ne présentait pas, à la date de cette décision, une dangerosité justifiant la mesure d'isolement ; il n'a pas proféré de menace de mort en février 2018 ; la brosse à dents retrouvée dans sa cellule, qui ne lui appartient pas, ne constitue pas une arme ;
- cette décision méconnaît l'article 3 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; cette mesure n'est ni nécessaire, ni justifiée, ni proportionnée ; aucun compte-rendu d'incident récent n'est produit ; des articles de presse font état de sa tranquillité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête n'est pas fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu :
- le jugement attaqué ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Balaresque ;
- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
Considérant que :
1. M. B... a été condamné le 4 février 2015 à une peine de réclusion criminelle de 5 ans en raison des violences commises en réunion ayant entraîné la mort sans intention de la donner. A la suite de l'appel interjeté contre cette condamnation, cette peine a été portée à 8 ans par la cour d'assises de la Corse-du-Sud le 25 novembre 2015. Le 19 janvier 2018, M. B... a commis une agression à l'encontre de deux surveillants du centre pénitentiaire de Borgo pour laquelle il a été mis en examen du chef de tentative d'assassinat le 21 janvier 2018 et transféré au centre pénitentiaire des Baumettes à Marseille. L'intéressé a fait l'objet d'une première mesure d'isolement administratif le 19 février 2018 qui a été prolongée à deux reprises jusqu'au 19 février 2019. Le 8 janvier 2019, une ordonnance de prolongation de la détention provisoire a été rendue par le juge des libertés et de la détention pour une durée de six mois. Par une décision du 15 février 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice a décidé de prolonger une troisième fois son placement à l'isolement à compter du 19 février jusqu'au 19 mai 2019. M. B... relève appel du jugement du 23 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a refusé d'annuler la décision du 15 février 2019.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 726-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute personne détenue, sauf si elle est mineure, peut être placée par l'autorité administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l'isolement par mesure de protection ou de sécurité soit à sa demande, soit d'office. Cette mesure ne peut être renouvelée pour la même durée qu'après un débat contradictoire, au cours duquel la personne concernée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites. L'isolement ne peut être prolongé au-delà d'un an qu'après avis de l'autorité judiciaire. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-62 de ce code : " La mise à l'isolement d'une personne détenue, par mesure de protection ou de sécurité, qu'elle soit prise d'office ou sur la demande de la personne détenue, ne constitue pas une mesure disciplinaire. / La personne détenue placée à l'isolement est seule en cellule. / Elle conserve ses droits à l'information, aux visites, à la correspondance écrite et téléphonique, à l'exercice du culte et à l'utilisation de son compte nominatif. / Elle ne peut participer aux promenades et activités collectives auxquelles peuvent prétendre les personnes détenues soumises au régime de détention ordinaire, sauf autorisation, pour une activité spécifique, donnée par le chef d'établissement. / Toutefois, le chef d'établissement organise, dans toute la mesure du possible et en fonction de la personnalité de la personne détenue, des activités communes aux personnes détenues placées à l'isolement. /La personne détenue placée à l'isolement bénéficie d'au moins une heure quotidienne de promenade à l'air libre ". Aux termes de l'article R57-7-73 du même code : " Tant pour la décision initiale que pour les décisions ultérieures de prolongation, il est tenu compte de la personnalité de la personne détenue, de sa dangerosité ou de sa vulnérabilité particulière, et de son état de santé. (...) ".
3. Chaque décision de placement à l'isolement, la première comme les décisions ultérieures de prolongation, doit se fonder sur une appréciation des circonstances de fait existantes à la date à laquelle elle est prise et ne dépend pas des décisions précédentes. Il s'ensuit que la nécessité de la décision de prolongation du 15 février 2019 doit être appréciée compte tenu du comportement de M. B... et des risques qu'il faisait peser sur le maintien du bon ordre au sein du centre pénitentiaire des Baumettes à la date à laquelle elle a été prise.
4. Il ressort des pièces du dossier que, pour prononcer la prolongation de placement à l'isolement d'office de M. B..., le garde des sceaux, ministre de la justice s'est fondé sur le potentiel avéré de dangerosité et les risques de réitération de passage à l'acte hétéro-agressif de l'intéressé, en mentionnant notamment, dans la décision contestée, le mandat de dépôt prononcé à son encontre le 21 janvier 2018 pour tentative d'assassinat sur deux personnels de surveillance du centre pénitentiaire de Borgo, les insultes et menaces de mort proférées à l'encontre des personnels pénitentiaires du centre pénitentiaire des Baumettes le 4 février 2018 et la découverte d'une arme artisanale lors de la fouille de sa cellule le 6 février 2018.
5. M. B... conteste la réalité des faits mentionnés dans la décision contestée. S'il soutient qu'il n'a pas proféré de menaces de mort à l'encontre des surveillants des Baumettes le 4 février 2018, il ressort toutefois du procès-verbal d'audition du 6 février 2018 versé aux débats et du compte-rendu d'incident que, mécontent de la ration qui lui était servie le 4 février 2018, il a dit aux surveillants présents : " Fils de pute, je vais tous vous tuer bande d'abrutis ". Si M. B... soutient également que la brosse à dents retrouvée lors de la fouille de sa cellule ne lui appartient pas et ne saurait être regardée comme une arme artisanale, il ressort toutefois du compte-rendu d'incident rédigé le 6 février 2018 que cette brosse à dents, dont le manche a été affûté, a été retrouvée dans sa cellule alors, d'une part, qu'il était placé seul dans une cellule du quartier disciplinaire depuis son arrivée au centre pénitentiaire des Baumettes et, d'autre part, qu'un état des lieux avait été effectué à son entrée dans les lieux. Enfin, si M. B... conteste la qualification de " tentative d'assassinat " pour l'agression à coups de couteau qu'il a commise contre des surveillants à Borgo le 19 janvier 2018, il ressort des pièces du dossier qu'il a été mis en examen et placé en détention provisoire le 5 septembre 2018 pour ce motif et que sa détention provisoire a été prolongée le 8 janvier 2019. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits sur lesquels s'est fondé le garde des sceaux pour retenir la dangerosité de M. B... et prononcer la décision contestée doit être écarté.
6. Saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre une décision de mise à l'isolement, le juge administratif ne peut censurer l'appréciation portée par l'administration pénitentiaire quant à la nécessité d'une telle mesure qu'en cas d'erreur manifeste.
7. Si M. B... soutient que son comportement depuis son arrivée au centre pénitentiaire des Baumettes ne justifie pas son maintien à l'isolement en l'absence de tout incident récent, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 5, que la tentative d'assassinat sur deux surveillants pénitentiaires qui a justifié son placement à l'isolement initial s'est produite le 19 janvier 2018 et a été suivie par d'autres incidents révélant l'agressivité de M. B... envers les surveillants pénitentiaires et le risque de passage à l'acte les 4 et 6 février 2018, soit seulement un an avant la décision contestée. L'ordonnance de prolongement de détention provisoire prise le 8 janvier 2019 par le juge des détentions et de la liberté souligne par ailleurs le risque important de renouvellement des faits, révélé notamment par la peine figurant au casier judiciaire (8 ans d'emprisonnement pour coups mortels). Enfin, si dans son rapport du 15 janvier 2019 demandant la prolongation de la mesure d'isolement, la cheffe d'établissement indique que la détention de M. B... au quartier d'isolement se passe sans incident, elle précise que c'est en raison de la prise en charge par des agents équipés de tenue de maintien de l'ordre et dans des conditions de sécurité particulièrement rigoureuses. Il ressort en outre de ce rapport comme de la synthèse des observations du centre pénitentiaire des Baumettes que M. B... continue à tenir des propos menaçants à l'encontre des surveillants pénitentiaires. Dans ces conditions, compte tenu du comportement de M. B... et des risques qu'il faisait peser sur la sécurité du personnel pénitentiaire et le maintien du bon ordre au sein du centre pénitentiaire des Baumettes, la décision prise le 15 février 2019 par le garde des sceaux, ministre de la justice de prolonger son placement à l'isolement à compter du 19 février jusqu'au 19 mai 2019 n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
8. Selon l'article R. 57-7-63 du code de procédure pénale alors applicable, le médecin examine chaque personne détenue placée à l'isolement au moins deux fois par semaine et aussi souvent qu'il l'estime nécessaire et émet, chaque fois qu'il l'estime utile au regard de l'état de santé de la personne détenue, un avis sur l'opportunité de mettre fin à l'isolement et le transmet au chef d'établissement. Contrairement à ce que soutient M. B..., son placement à l'isolement n'est donc pas, par lui-même, de nature à l'empêcher de bénéficier d'un suivi psychologique ni d'un suivi médical pour des problèmes au genou. En outre, la circonstance, à la supposer établie, que M. B... ait refusé de se soumettre à une fouille à nu qui lui aurait été imposée pour se rendre à une consultation médicale ce qui l'aurait empêché de se rendre à cette consultation en janvier 2019 est dépourvue de tout lien avec cette dernière. Dans ces conditions, en l'absence de tout autre élément de nature à établir que l'état de santé de l'intéressé serait incompatible avec la prolongation de son placement à l'isolement, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Selon l'article R. 57-7-62 du code de procédure pénale précité, la personne détenue placée à l'isolement conserve notamment " ses droits à l'information, aux visites, à la correspondance écrite et téléphonique ". Contrairement à ce que soutient M. B..., son placement à l'isolement n'est donc pas, par lui-même, de nature à l'empêcher d'entretenir sa relation avec sa compagne, qui peut lui rendre visite au parloir même si, pour des raisons de sécurité tenant à la nécessité d'une escorte, ces visites ne peuvent avoir lieu que le vendredi. La circonstance que sa compagne n'ait pu lui rendre visite au parloir le 7 février 2019, soit antérieurement à la décision contestée, est ainsi dépourvue de tout lien avec cette dernière. Dans ces conditions, en l'absence de tout autre élément de nature à établir que la prolongation de son placement à l'isolement porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été prise, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 février 2019 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a décidé de prolonger son placement à l'isolement à compter du 19 février jusqu'au 19 mai 2019. Ses conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée au directeur interrégional des services pénitentiaires de Provence Alpes Côte d'Azur Corse, au directeur du centre pénitentiaire des Baumettes et au directeur du centre pénitentiaire de Toulon - La Farlède.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2023, où siégeaient :
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N° 21MA04401