La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2023 | FRANCE | N°21MA03839

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 03 juillet 2023, 21MA03839


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du Centre Corse a demandé au tribunal administratif de Bastia, à titre principal, de condamner son assureur dommage-ouvrage, la société d'assurance mutuelle Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), à lui verser trois sommes de 261 218 euros, 15 000 euros et 16 252,06 euros au titre de frais de reprise d'un bassin d'orage, ou, à titre subsidiaire, de condamner la société par actions simplifiée 3C Construction et son assureur, la société à responsabilit

é limitée B.E.T Pozzo di Borgo et son assureur, et la société par actions simp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du Centre Corse a demandé au tribunal administratif de Bastia, à titre principal, de condamner son assureur dommage-ouvrage, la société d'assurance mutuelle Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), à lui verser trois sommes de 261 218 euros, 15 000 euros et 16 252,06 euros au titre de frais de reprise d'un bassin d'orage, ou, à titre subsidiaire, de condamner la société par actions simplifiée 3C Construction et son assureur, la société à responsabilité limitée B.E.T Pozzo di Borgo et son assureur, et la société par actions simplifiée Apave Sudeurope et son assureur, à lui payer, respectivement, les sommes de 208 974,40 euros, 20 897,44 euros et 31 346,44 euros.

Par un jugement n° 1800081 du 7 janvier 2021, le tribunal administratif de Bastia, après avoir rejeté au fond les conclusions dirigées contre la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales et rejeté les conclusions dirigées contre les autres assureurs comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, a saisi le Conseil d'Etat d'une demande d'avis sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative.

Par un avis n° 448467 du 27 avril 2021, le Conseil d'Etat a rendu l'avis sollicité par le tribunal administratif.

Par un second jugement n° 1800081 du 9 juillet 2021, rectifié par une ordonnance du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Bastia a condamné les sociétés 3C Construction, B.E.T Pozzo di Borgo et Apave Sudeurope à payer à la communauté de communes trois sommes de 162 908,94 euros, 24 147,85 euros et 23 272,71 euros, dont, respectivement, 11 376,44, 3 250,41 et 1 625,21 euros au titre des dépens de l'instance.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2021, et un mémoire récapitulatif enregistré le 24 février 2023, la communauté de communes du Centre Corse, représentée par Me Santini-Giovannangeli et Me Giovannangeli, demande à la Cour :

1°) de condamner in solidum les sociétés 3C Construction, B.E.T Pozzo di Borgo et Apave Sudeurope à un total de 266 196,91 euros, sauf à parfaire ;

2°) de prescrire une expertise pour rehausser le coût des travaux de reprise compte tenu de l'augmentation du coût de la construction ;

3°) subsidiairement, d'actualiser le montant du préjudice en appliquant l'indice des prix à la construction référencé BT01 ;

4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de chacun des trois constructeurs une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ayant retenu la responsabilité du maître d'œuvre à hauteur de 20 % d'un préjudice évalué à 216 475 euros, le tribunal administratif aurait dû condamner ce dernier à lui payer la somme de 46 545,41 euros, et non la somme de 20 897,44 euros ;

- l'unité de ventilation et désodorisation ne constitue pas une amélioration susceptible de donner lieu à un abattement pour plus-value ;

- le montant du préjudice doit être réactualisé pour tenir compte de l'évolution des coûts.

Par trois mémoires en défense et en appel incident et provoqué, enregistrés le 5 décembre 2022, le 21 décembre 2022 et le 24 février 2023, la société Apave Infrastructures et Construction France, venant aux droits et obligations de la société Apave Sudeurope, représentée par Me Marié, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il la condamne ;

2°) de rejeter toute demande présentée à son encontre et de la mettre hors de cause ;

3°) subsidiairement, de confirmer le jugement et de rejeter la demande d'expertise ;

4°) plus subsidiairement, de condamner les sociétés 3C Construction, son assureur la SMABTP et la société B.E.T Pozzo di Borgo à la garantir de toute condamnation ;

5°) de mettre à la charge de la communauté de communes et de tout succombant la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- compte tenu de sa qualité de contrôleur technique et de sa mission, sa responsabilité décennale ne peut, en l'absence de manquement, être retenue ;

- les bâches sont des éléments dissociables de l'ouvrage ;

- les moyens présentés à l'appui de l'appel de la communauté de communes sont infondés ;

- subsidiairement, elle est fondée à appeler les autres constructeurs en garantie ;

- sa part de responsabilité doit être limitée à 5 %.

Par un mémoire en défense et en appel incident et provoqué, enregistré le 2 février 2023, la société B.E.T Pozzo di Borgo, représentée par la SCP de Angelis, Semidei, Vuillquez, Habart-Melki, Bardon, de Angelis, demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement en tant qu'il a limité le montant de sa condamnation à 20 897,44 euros et de rejeter toute demande excédant ce montant ;

2°) de l'infirmer en tant qu'il a fixé sa part de responsabilité dans le dommage à 20 % ;

3°) subsidiairement, de condamner solidairement, ou à défaut in solidum la société 3C Construction, son assureur la SMABTP et la société Apave Sudeurope à la garantir de toute condamnation ;

4°) de rejeter la demande d'expertise de la communauté de communes ;

5°) de condamner la SMACL ou tout autre succombant à lui payer 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa part de responsabilité doit être limitée à 8 % ;

- il ne peut être fait droit à une demande de condamnation in solidum présentée pour la première fois en appel ;

- les moyens présentés à l'appui de la requête d'appel sont infondés ;

- la demande d'actualisation du montant du préjudice est irrecevable ;

- l'expertise sollicitée est inutile.

Par un mémoire en défense et en appel incident et provoqué, enregistré le 17 février 2023, les sociétés 3C Construction et SMABTP, représentées par Me Gasquet-Seatelli, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il a retenu la responsabilité de la société 3C Construction à hauteur de 70 % des dommages ;

2°) de ramener sa part de responsabilité à 40 %, laissant ainsi une part de responsabilité de 40 % à la société B.E.T Pozzo-di-Borgo et une part de responsabilité de 20 % au contrôleur technique Apave Sudeurope ;

3°) de condamner conjointement et solidairement ces deux sociétés à la relever et garantir de toute condamnation en principal, frais, intérêts et accessoires qui pourraient excéder une part de responsabilité de 40 % ;

4°) de confirmer le jugement quant à l'évaluation des préjudices à 216 475 euros et de rejeter ainsi la demande de la communauté de communes au titre de l'unité de désodorisation ;

5°) de rejeter la demande de nouvelle expertise de la communauté de communes ;

6°) de rejeter le surplus de ses autres demandes.

Elles soutiennent que :

- sa part de responsabilité doit être limitée à 40 %, tandis que celle du maître d'œuvre doit être portée à 40 % et celle du contrôleur technique à 20 % ;

- les moyens présentés à l'appui de l'appel de la communauté de communes sont infondés.

Par une lettre en date du 13 janvier 2023, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu au premier semestre de l'année 2023, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 20 février 2023.

Par ordonnance du 14 mars 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Par une lettre du 31 mai 2023, la Cour a informé les parties de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible de se fonder sur les moyens d'ordre public tirés :

- du caractère nouveau, en appel, des conclusions de la communauté de communes en ce qu'elles excèdent le quantum des demandes de condamnation présentées à l'encontre de chaque constructeur en première instance ;

- de l'irrecevabilité des conclusions présentées par la société B.E.T Pozzo di Borgo et critiquant les motifs du jugement fixant sa part de responsabilité à 20 %, dès lors que, un appel ne pouvant tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué, sont irrecevables les conclusions dirigées contre les motifs de ce dernier ;

- dans l'hypothèse où le sort d'un intimé n'est pas aggravé, de l'irrecevabilité des conclusions d'appel provoqué présentées par celui-ci à l'encontre d'autres intimés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Santini-Giovannangeli, pour la communauté de communes, de Me Garcia, pour le B.E.T. Pozzo di Borgo, et de Me Massiani, pour la société Apave Infrastructures et Construction France.

Considérant ce qui suit :

1. Entre le 16 et le 18 janvier 2017, les poteaux et longrines supportant la bâche recouvrant le bassin d'orage de la station de traitement des eaux pluviales de la communauté de communes du Centre Corse se sont en partie effondrés. Le 26 janvier 2017, la communauté de communes a déclaré ce sinistre à son assureur, la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), qui a refusé de le prendre en charge. La communauté de communes a alors obtenu la désignation d'un expert qui a remis son rapport le 23 octobre 2017. Par deux jugements, dont la communauté de communes relève appel, le tribunal a fait partiellement droit aux demandes de cette dernière en condamnant les sociétés 3C Construction, B.E.T Pozzo di Borgo et Apave Sudeurope à lui payer trois sommes de 162 908,94 euros, 24 147,85 euros et 23 272,71 euros, dont, respectivement, 11 376,44, 3 250,41 et 1 625,21 euros au titre des dépens de l'instance.

1. Sur l'appel principal :

1.1. En ce qui concerne la demande d'actualisation du préjudice :

2. Le coût des travaux de reprise et des prestations associées doit être évalué à la date de la remise du rapport d'expertise, sauf dans le cas où le maître d'ouvrage était dans l'impossibilité matérielle ou financière d'effectuer lesdits travaux dans les semaines ayant suivi le dépôt du rapport.

3. Il en résulte que la communauté de communes, qui ne soutient pas avoir été dans l'impossibilité d'effectuer ces travaux après la remise du rapport d'expertise, n'est pas fondée à solliciter l'actualisation de son préjudice pour tenir compte de l'augmentation du coût de la construction. Il n'y a donc pas lieu de faire droit à sa demande tendant à ce qu'une nouvelle expertise soit prescrite.

1.2. En ce qui concerne la demande de condamnation in solidum les sociétés 3C Construction, B.E.T Pozzo di Borgo et Apave Infrastructures et Construction France pour la totalité du préjudice :

4. Il ressort du dossier de première instance que la communauté de communes avait saisi le tribunal administratif de demandes tendant, non pas à la condamnation in solidum des sociétés 3C Construction, Apave Sudeurope et B.E.T Pozzo di Borgo pour la totalité du préjudice, mais à leurs condamnations individuelles à lui payer, respectivement, les sommes de 208 974,40 euros, 31 346,44 euros et 20 897,44 euros.

5. En ce qu'elles excèdent ces quantums, les conclusions présentées par la communauté de communes sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.

1.3. En ce qui concerne le dispositif de désodorisation :

6. Si les travaux de reprise nécessitent la réalisation de prestations qui n'étaient pas prévues par le marché initial et qui apportent à l'ouvrage une plus-value, celle-ci doit être déduite du montant de l'indemnisation due au maître d'ouvrage, même si la réalisation de ces prestations est le seul moyen de remédier aux désordres.

7. Le tribunal administratif a retenu que les travaux de reprise préconisés par l'expert comprenaient un dispositif de désodorisation et des équipements connexes, pour un coût de 21 885 euros hors taxes, alors que rien n'indiquait l'existence d'un tel équipement dans l'ouvrage initial. Il en a déduit que cet équipement représentait donc une plus-value qu'il n'y avait pas lieu d'inclure dans le montant de l'indemnisation.

8. Comme le soutient la communauté de communes, l'article 13.13.1.2 du cahier des clauses techniques particulières du marché qu'elle produit prévoit la réalisation d'un dispositif de désodorisation. Si cette stipulation concerne le " Cas d'une couverture rigide ", alors que l'ouvrage effectivement construit est recouvert d'une simple bâche, plusieurs autres documents font référence à cet équipement. Ainsi, le compte-rendu de la réunion de chantier n° 13 du 24 avril 2013 mentionne : " DESODORISATION : Le maître d'œuvre demande aux entreprises de transmettre une note de dimensionnement de cet équipement ainsi qu'un plan d'implantation pour la prochaine réunion ". Le compte-rendu de la réunion n° 14, qui a eu lieu le 22 mai 2013, précise quant à lui que " l'entreprise a transmis la note de dimensionnement ainsi que les fiches-produits des équipements de désodorisation. Le maître d'œuvre a validé ces éléments. Un plan d'implantation devra également être remis afin de savoir où ces équipements pourront être implantés ". Compte tenu de ces éléments, les constructeurs ne peuvent être regardés comme établissant l'existence d'une plus-value justifiant un abattement sur le montant des travaux de reprise. La communauté de communes est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le dispositif de désodorisation d'un coût de 21 885 euros hors taxes représentait une plus-value justifiant qu'un abattement fût pratiqué. Le préjudice subi par la communauté de communes doit donc être évalué à un montant hors taxes de 238 360 euros, correspondant à la somme des coûts des travaux de mise en sécurité (24 780 euros hors taxes), des travaux de réparation et de réhabilitation (198 580 euros) et des honoraires du maître d'œuvre et de l'étude béton (15 000 euros hors taxes).

1.4. En ce qui concerne le montant des condamnations des différents constructeurs :

9. Etant coauteurs d'un même dommage, les sociétés 3C Construction, Apave Infrastructures et Construction France et B.E.T. Pozzo di Borgo sont tenues, chacune, à la réparation de la totalité du préjudice subi par la communauté de commune. Il en résulte que le tribunal administratif, s'il ne pouvait statuer au-delà du quantum sollicité par la communauté de communes pour chacun des constructeurs, ne pouvait limiter le montant des sommes par les différents constructeurs à la fraction correspondant à leurs fautes respectives. En première instance, la communauté de communes sollicitait la condamnation des sociétés 3C Construction, Apave Infrastructures et Construction France et B.E.T. Pozzo di Borgo à lui payer, respectivement, les sommes de 208 974,40 euros toutes taxes comprises, de 31 346,44 euros toutes taxes comprises et de 20 897,44 euros toutes taxes comprises. Toutefois, la communauté de communes, en sa qualité de gestionnaire du réseau d'adduction d'eau et d'assainissement, qui est un service public industriel et commercial, est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et peut donc déduire la taxe qui lui est facturée. Il y a donc seulement lieu de retenir, au titre du préjudice subi, le montant hors taxes des travaux de reprise, correspondant à trois sommes de 190 688 euros, de 28 603,20 euros et de 19 068,80 euros à la charge des sociétés 3C Construction, Apave Infrastructures et Construction France et B.E.T. Pozzo di Borgo.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, dans cette mesure, rejeté le surplus de ses demandes.

2. Sur l'appel incident de la société Apave Infrastructures et Construction France :

2.1. En ce qui concerne le principe de la garantie décennale :

11. En application des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs, est susceptible de voir sa responsabilité engagée de plein droit, avant l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la réception des travaux, à raison des dommages qui compromettent la solidité d'un ouvrage ou le rendent impropre à sa destination, toute personne appelée à participer à la construction de l'ouvrage, liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ou qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage, ainsi que toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire.

12. Aux termes de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792,1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 1792-4-1 du même code reproduit à l'article L. 111-18. / Le contrôleur technique n'est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation de dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage ".

13. La société Apave Infrastructures et Construction France s'était vu confier une mission de contrôle technique au titre, notamment, de la mission " L " relative à la solidité des ouvrages. Les désordres en cause, affectant la fixation des poteaux et longrines supportant la couverture de l'ouvrage, et qui ne sont pas des éléments dissociables de l'ouvrage, en compromettaient la solidité. La garantie décennale de la société est donc engagée, du seul fait de sa participation aux travaux, en l'absence même de tout manquement de sa part. Au demeurant, la société Apave Infrastructures et Construction France, si elle critique les conclusions du rapport d'expertise et soutient que le désordre est étranger aux missions qui lui ont été confiées ne conteste pas l'indication, contenue dans le rapport d'expertise, selon laquelle elle s'est abstenue de faire des observations sur l'absence de contreventement, alors qu'un tel contreventement était, selon ce rapport dont les énonciations ne sont pas contredites sur ce point, absolument nécessaire à la solidité de l'ouvrage.

2.2. En ce qui concerne le montant de la condamnation :

14. Dans le cas où un dommage est imputable à plusieurs constructeurs, chacun d'entre eux est tenu à réparer la totalité du dommage. La société Apave Infrastructures et Construction France ne peut donc utilement soutenir que, compte tenu de sa mission et des manquements respectifs des différents constructeurs, sa part de responsabilité devait être limitée à 5 %.

3. Sur l'appel incident de la société B.E.T Pozzo di Borgo :

15. L'appel ne pouvant tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif d'un jugement, les conclusions de la société critiquant les motifs par lesquels les premiers juges ont fixé leur part de responsabilité dans la survenance du dommage à 20 % sont irrecevables, dès lors que les premiers juges, statuant dans la limite des demandes dont ils étaient saisis, ont limité le montant de sa condamnation à une somme représentant 8 % du montant total du préjudice.

16. Compte tenu de ce qui a été dit au point 9, la société B.E.T. Pozzo di Borgo est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont mis à sa charge une somme de 20 897,44 euros toutes taxes comprises au lieu d'une somme de 19 068,80 euros correspondant au montant hors taxes des travaux de reprise.

4. Sur les appels provoqués des constructeurs :

4.1. En ce qui concerne les appels provoqués des sociétés Apave Infrastructures et Construction France et 3C Construction :

17. La situation de la société Apave Infrastructures et Construction France et celle de la société 3C Construction ayant été aggravées, leurs conclusions d'appel provoqué sont recevables.

18. Il résulte de l'instruction que le désordre a résulté, en premier lieu, d'un défaut de mise en œuvre imputable à la société 3C Construction, et tenant à l'insuffisance du ferraillage des éléments de structure et du défaut d'ancrage des longrines, qui caractérise un défaut d'exécution imputable à la société 3C Construction, en deuxième lieu, d'un manquement dans le suivi de l'exécution de travaux ainsi qu'une absence de contreventement, qui est un vice de construction, tous deux imputables à la société B.E.T. Pozzo di Borgo, maître d'œuvre et, en troisième lieu, de la carence de la société Apave Sudeurope, contrôleur technique, qui n'a pas relevé le vice de conception imputable au maître d'œuvre. Compte tenu de ces vices respectifs, les parts de responsabilité respectives de la société 3C Construction, de la société B.E.T. Pozzo di Borgo et de la société Apave Infrastructures et Construction France doivent, comme l'a jugé le tribunal administratif, être fixées à 70 %, 20 % et 10 %.

19. Il y a donc lieu de faire droit aux appels en garantie présentés par ces deux constructeurs suivant ces proportions.

4.2. En ce qui concerne l'appel provoqué de la société B.E.T. Pozzo di Borgo :

20. La situation de la société B.E.T. Pozzo di Borgo étant aggravée par les appels en garantie sur lesquels il vient d'être statué, l'appel provoqué présent par celle-ci est recevable.

21. Il y a donc lieu de faire droit à ses appels en garantie présentés suivant les proportions indiquées au point 18.

5. Sur les dépens de la première instance :

22. Il résulte de ce qui a été dit au point 18 que les dépens doivent être mis à la charge des sociétés 3C Construction, B.E.T. Pozzo di Borgo et Apave Infrastructures et Construction France à hauteur, respectivement, de 70 %, 20 % et 10 %.

6. Sur les frais liés au litige :

23. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge des constructeurs dans le cadre du litige les opposant à la communauté de communes, ou à la charge des intimés visés par les appels provoqués, dès lors que ces personnes ne sont pas les parties perdantes dans l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les personnes faisant l'objet de ces conclusions au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : Le montant de la condamnation de la société 3C Construction prononcée par l'article 1er du jugement attaqué est porté de 162 908,94 euros, dont 11 376,44 euros au titre des dépens, à 202 064,44 euros, dont 11 376,44 euros au titre des dépens.

Article 2 : Le montant de la condamnation de la société B.E.T. Pozzo di Borgo prononcée par l'article 2 du jugement attaqué est ramené de 24 147,85 euros, dont 3 250,41 euros au titre des dépens, à 22 319,21 euros, dont 3 250,41 euros au titre des dépens.

Article 3 : Le montant de la condamnation de la société Apave Infrastructures et Construction France prononcée par l'article 3 du jugement attaqué est porté de 23 272,71 euros, dont 1 625,21 euros au titre des dépens, à 30 228,41 euros toutes taxes comprises, dont 1 625,21 euros au titre des dépens.

Article 4 : Dans le cadre de leurs appels en garantie croisés, la charge définitive de l'ensemble des condamnations prononcées aux articles 1er à 3 est attribuée aux sociétés 3C Construction, B.E.T Pozzo di Borgo et Apave Infrastructures et Construction France, à hauteur, respectivement, de 70 %, 20 % et 10 %.

Article 5 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes du Centre Corse, à la société 3C Construction, à la société B.E.T Pozzo di Borgo, à la société Apave Infrastructures et Construction France et à la SMABTP.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juillet 2023.

N° 21MA03839 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03839
Date de la décision : 03/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SANTINI GIOVANNANGELI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-07-03;21ma03839 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award